Florence-Louise PETETIN 

C'est une installation, une peinture dans le refuge d'un ancien ermitage, comme une petite chapelle. Le paysage du dehors est peint à l'intérieur ;
avec les éléments même du paysage ! C'est à dire que j’ai peint avec des encres faites avec des plantes et des fruits qui se trouvent dans ce paysage.
J’ai découvert au cours de cette expérience que je peux mélanger les couleurs de ces encres ; et cela a redonné exactement les couleurs du paysage.
C'est un travail qui mêle le paysage et la prière comme une méditation- dans cet ancien ermitage. Je suis resté là-haut, dans un certain isolement, immergée dans la nature et dans la peinture, pour faire ce travail.


 
 
 
 
 
 
 
L’expérience de l’Ermitage : pourquoi le paysage ! Jean-Pierre Cometti, 2009

Comment faire du paysage une question ? Le paysage a son histoire, bien qu’elle ne soit pas très ancienne, et son évidence, qui se confond à nos yeux avec celle de la nature. Ceux qui s’y sont intéressés, historiens ou philosophes, ont parfois entrepris de bouleverser cette équation simple, en lui attribuant la qualité d’une invention. Non pas d’une « fiction », mais d’une manière de voir ou de représenter, rapportée à l’art plus qu’à la nature. La célèbre maxime de Kant selon laquelle « la nature est belle lorsqu’elle ressemble à l’art » en témoigne à sa manière ; elle rapatrie la nature dans le champ du plaisir et de la subjectivité, contre une tradition qui l’en avait exclue au bénéfice de la seule certitude de soi ou, plus anciennement, de la seule forme humaine.
Pour le peintre, ce glissement - cette incertitude - n’est pas indifférent ; il marque une oscillation qui se laisse apercevoir dans son rapport au dehors, selon que s’y exprime un effacement prompt à célébrer une nature idéalisée ou réputée vierge ou, au contraire, un investissement qui tend à révéler en elle les pouvoirs de l’esprit. Le paysage est alors pris entre deux pôles, entre une extériorité et une intériorité qui ne s’y conjuguent que pour mieux s’exclure, selon une ligne de partage apparemment nécessaire et impossible à briser. Florence-Louise Petetin, depuis qu’elle s’est convertie au paysage, entendez depuis qu’elle concentre son attention sur cette vocation de la peinture qu’elle n’avait fait qu’effleurer jusqu’alors, interroge cette double polarité sans toutefois s’en satisfaire. Ses voyages, ses expériences, y ont probablement contribué : une autre manière de peindre, plus directe, plus impliquée, qui a privilégié d’autres valeurs ; ce qu’elle y a entrevu, aussi, sous la forme d’un paradoxe devenu projet : un « jardin dans la jungle », conjugué à d’autres cheminements, plus spirituels ceux-là ; tous ces fragments, apparemment disjoints, d’un parcours qu’on pourrait dire incertain se concentrent aujourd’hui dans une question dont le paysage est devenu le centre : comment faire de ce qui se donne à l’œil la source d’une expérience visuelle et plastique qui en neutralise les tensions constitutives ?
Sous ce rapport, le séjour et l’œuvre réalisée à l’ermitage de Saint Jean indiquent une préoccupation devenue essentielle et une étape caractéristique . Pas seulement en ce que la fresque réalisée dans l’espace clos du refuge déplace à l’intérieur – intériorise -, dans l’intimité d’un lieu offert à la nuit et au repos, ce qui se laisse saisir du paysage quasi cézanien qui en étend les bords jusqu’aux collines avoisinantes, mais en ce que ce déplacement les fait paradoxalement communiquer. Comme Anne Penders l’a opportunément souligné dans un livre consacré au land art, le travail de l’artiste ne se confine plus à l’atelier ; il en est sorti et s’exilant ainsi de ce qu’on a longtemps pris pour son lieu naturel, il s’ouvre à d’autres jeux que ceux du semblant et de la représentation : il abandonne le privilège exorbitant de l’œil et de l’objet pour s’exposer au mouvement, aux variations de la lumière, à des échanges fluctuants bien plus étendus que ceux de la vision simple et séparée, autrement dit à une expérience qui déborde les partages permettant ordinairement de le domestiquer. L’expérience de l’ermitage participe de cette entreprise. Il n’est pas jusqu’aux pigments utilisés, issus des essences de la flore environnante, qui n’en offrent un aspect saisissant, au risque d’une durée très éphémère qui en réintègre le temps. N’allons pas y voir un simple jeu de renvois de pure convention. Ils marquent bien davantage un travail de l’œuvre qui en intègre le processus et l’oxymore constitutif : ni dehors ni dedans, et dehors et dedans !
 
 
 
Retour