Carole CHALLEAU 

Ma démarche au fil du temps...


J'oscille entre l'épure où tout se tient dans le presque rien et l'excès jusqu'à l'écoeurement.
Le vide ou du moins, le peu évoquant la plénitude, le repos, la contemplation, alors que l'excès sera une sorte de surenchère qui pointe l'exaltation, la liesse dans une atmosphère baroque très singulière.
Ainsi, je passe d'un dessin en pointillé d'une silhouette, à un dessin d'étude d'une cellule, d'une photo d'un oeil ému et vieillissant en toute simplicité, à l'exubérance de décors, de fanfreluches et accessoires dans certaines photos (notamment les autoportraits) ou encore dans certaines sculptures en tissus telles que « tripailles », « Joséphine » ou « vive la mariée »...

En photographie, outre mes collections de ciels, allégories de l'âme, je collecte des instants de ma vie intime dans mes déambulations. A la recherche des traces, des indices qui raconteraient la vérité de l'instant et de sa beauté. Un instant que tout le monde a pu vivre et partager, un moment universel dans l'épaisseur humaine. Trouver l'extraordinaire dans l'ordinaire, capturer la beauté fugitive d'un attachement, d'une résonance, d'un sentiment pour ne pas oublier que nous sommes humains et que la plus belle des richesses se niche dans ces espaces de vérité et de liberté au-delà de tout.

Dans un regard, un fragment de corps, un drap froissé, une larme, une rose fanée, un sourire, un nuage, une ombre portée, une tasse encore fumante, une chaise vide, des mains entrelacées, le paysage défilant de la fenêtre d'un train. Ces moments prélevés et suspendus qui paraissent anodins sont pourtant la ponctuation de nos vies affectives et de notre rapport au Monde, l'électrocardiogramme de l'humanité. Parler de son intimité sous cette forme, c'est partir à la recherche d'une expérience universelle, donner à voir, en miroir dans la simplicité du quotidien.

Quant aux moments de folie, aux dérapages, aux excès de joie, de peur et d'inquiétude, on les retrouve dans des séries photographiques ou compositions plus complexes, sculpturales ou dans des installations dont la prédominance des tissus, broderies, dentelles, passementeries, voiles, plumes, bijoux et autres froufrous s'exhibent, se mêlent dans un jaillissement de bruissements de matières et de tonalités.

Quoiqu'il en soit, de l'épure dessinée ou photographiée à l'exubérance des objets et installations, le corps y est toujours présent, parfois au premier plan, en filigrane ou encore par analogie. Les photographies de l'écume des vagues pourléchant le sable ou encore du filet d'eau jaillissant en cascade font échos directement à la jouissance des corps ruisselants, à l'exaltation amoureuse, à la joie pure.
Ce corps qui me questionne, relié par de multiples liens à l'intérieur de lui-même jusqu'à l'extérieur. Ces entrelacements infinis me fascinent. C'est ainsi que le lien doté de sa charge symbolique trouve une place centrale dans mon travail et plus particulièrement le lien en tant qu'espace de rencontre ou de contact à la croisée des chemins, bien souvent réduit à un point, un noeud, une surface subtile.

Aussi, les entrelacs et arborescences organiques qui parcourent notre corps sont autant de liens d'échanges, de transmissions et transactions diverses et variées. La mise en réseau et circulation, tels les systèmes veineux, lymphatique, nerveux, m'intéressent particulièrement pour leurs complexité, finesse et pouvoir d'évocation.

De là, j'invente des passerelles analogiques entre les nouages des fils de dentelle reliés les uns aux autres, formant des motifs qui se dessinent dans un nouvel espace ; celui de la création et de la filiation. J'aime la similitude formelle des veines sinueuses avec les ramifications végétales, les chemins et voies de circulations, les cours d'eau ; c'est la raison pour laquelle, bien souvent ces éléments sont superposés, confondus et détournés dans mes oeuvres pour les ramener toujours au corps.

C'est un moyen de re-situer l'être humain dans la nature et de le restituer à celle-ci.

Dans le même esprit, les cartographies en tous genres ; militaires, ferroviaires, routières, cartes de navigation et plans de ville sont un de mes sujets de prédilection. Elles seront vite détournées en cartographies organiques en écho au corps.

De ma première oeuvre de jeunesse aux derniers clichés, nous pouvons suivre le cheminement d'un être bien vivant, au fil de sa vie, de ses rencontres, de ses rêves et inspirations. Se construire son monde, son identité au fur et à mesure de l'expérience. Les sujets de recherche n'ont pas changé, le corps et les cieux sont toujours présents, du charnel au spirituel en alternance, de l'excès à l'épure, du presque rien au tout grandiloquent, du silence au bavardage, un véritable cabinet de curiosités...

Avignon, mars 2025





Techniques et matériaux


Techniques mixtes : Photos, vidéos, dessins, collages, broderies, coutures
Matériaux : tissus, dentelles, tissages, fils, bijoux, maillage, trames, vêtements, parures du corps
Mots Index


L'intime
Traces du temps qui passe : reliques, fragments, strates, érosion
Gestation, filiation, genèse, vieillissement, rides, cicatrices
Originel, épure, sacré, baroque, excès, folie, oppression, mort
Ambivalence, Vanité, Eros, Nudité, peau, cheveux
champs de références


Les rêves et la psychanalyse
Les brocantes
Art et traditions populaires
Reliquaires
L'art brut
Les étoffes
Habits et objets cousus
Parures du corps
Orfèvrerie
Le sacré et le profane
Les musées d'histoires naturelles et d'anthropologie
Les cabinets de curiosité
Journal intime
Les déambulations en milieu naturel : l'observation des végétaux
La biologie (ouvrages d'histologie fonctionnelle et d'anatomie - fluides, système veineux, coeur, système nerveux, méridiens, les vues aux microscopes, IRM, radiographies)
Cartographies terrestres, topographies
repères artistiques


Louise Bourgeois, Kiki Smith, Wolfgang Laib, Claudio Parmiggiani, Giuseppe Penone, Art populaire, Arts religieux, Art brut, Art baroque, Renaissance, Les Primitifs