Jean-Baptiste SAUVAGE 

Horizons 2019
Sérigraphies 160x120 cm sur papier couché 250g
Production CAP Saint-Fons
 
 
 
 
 
Photographies Denis Prisset
 
Horizons 2019
140 sérigraphies 160x120 cm sur papier couché 250g
Production CAP Saint-Fons
Vues d'exposition, Le Box / Fond M-Arco, Marseille, 2019
Photographie Rémi bragard

Environ 2000 images du même point de vue sur une période de 8 ans.
Ici quatre images de départ de ce même horizon pris en photo à des moments différents.
Les 16 écrans utilisés en sérigraphie (4 écrans: Cyan, Magenta, Jaune, Noir pour chacune des images) sont combinés pour produire une variation de paysages factices contenant plusieurs temps. Ce générateur de paysages et les combinaisons aléatoires qu'il induit balaie l'histoire du paysage, de La Grande Vague de Gustave Le Gray[*]
à la carte postale acidulée d'un couché de soleil californien.
 
 

(…) C'est ainsi qu'il propose A.P 43° 11' 99'' N / 05° 13' 90'' E, un ensemble de sérigraphies réalisées à partir d'un paysage marin. En associant la maîtrise de l'accident au processus de séparation des couches inhérent à la sérigraphie (un seul passage par couleur), couches qu'il recombine ensuite, l'artiste accentue, superpose, répète telle ou telle dominante colorée et le tirage, à la limite de la feuille de passe, devient un paysage factice contenant plusieurs vues. Ce procédé, ainsi que le tirage unique de chaque image, détournent les techniques de la photographie et de l'estampe au profit d'une démarche picturale. Un simple horizon en camaïeu s'ouvre alors à tout un champ de références artistiques, populaires et contextuelles étroitement entremêlées. C'est, par exemple, Le bord de mer à Palavas de Gustave Courbet qui vient à l'esprit, où l'horizon d'une mer étale sépare lui aussi le tableau en deux moitiés précisément égales.[1]

Sauvage évoque également l'histoire de la photographie, et tout particulièrement La grande vague de 1857, cette vue du port de Sète de Gustave Le Gray, pour laquelle cet « artiste et savant » avait employé la technique dite du « ciel rapporté », c'est-à-dire deux négatifs, un pour la mer, un pour le ciel.[2]

Mais les dominantes acidulées nous renvoient aussi au cliché populaire qu'est devenue la marine, celle que les années 70 déclinaient en poster ou papier peint sur les murs de nos salons ou chambres à coucher. Enfin, les couleurs artificielles lui ont été inspirées par la magnificence des couchers de soleil sur la Vallée de la Chimie lyonnaise que domine le CAP, essentiellement due à la pollution atmosphérique. Ironie de ces couchers de soleil dont ce serait précisément la facticité qui permettrait à ce territoire de passage et de transit de devenir un lieu de contemplation! Tout le paradoxe de cette série de simples surfaces colorées réside dans la coexistence d'une distanciation ironique face au genre traité (la marine, le coucher de soleil), et d'un passage du point de vue du paysage une veduta depuis le balcon de l'artiste à Marseille ou depuis le haut de la Vallée de la Chimie à une vision contemplative déjà présente dans ses références historiques, sans que l'artiste n'ait jamais recours à quelque représentation pittoresque, au « génie du lieu ». Ces horizons successifs impliquent en effet un autre processus d'appropriation du paysage, le passage d'un mode public le point de vue rétinien et frontal, à un mode plus intimiste, celui, perceptuel, de l'absorption. En diffusant l'image dans la couleur sur toute la surface, l'artiste épuise, « fatigue » le paysage pour reprendre ses propres termes, jusqu'à le transformer en vision proche de l'hallucination ou à en provoquer la disparition-même.

Extrait du texte écrit par Anne Giffon-Celle pour l'exposition proposée au CAP de Saint-Fons.

 
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