Pascale MIJARES 

À propos du travail de Mijares, Erik Dietman dit qu’il « a toujours une touche avec la réalité », ce qui se traduit concrètement dans sa façon d’approprier des objets du monde pour la construction d’idées visuelles. Plutôt qu’un détournement, Mijares cherche d’abord à localiser ces objets dans leur signification courante, en les inscrivant dans l’économie globale des signes, pour ensuite les manipuler dans un ping-pong avec l’ambiguïté des jeux de langage. Si l’artiste a choisit d’utiliser les objets comme point de départ de sa grammaire, il s’agit moins de prolonger à l’infini les questions soulevées par le ready-made (réglées depuis longtemps), que de les envisager en tant que modules lui permettant d’ancrer sa démarche dans un rapport au monde matériel. Il ne s’agit pas non plus de recyclage, à part si on l’envisage comme une modalité de traitement de certaines qualités de ces objets pour les réintroduire dans un autre cycle de production de sens (et non de reproduction). L’un des territoires explorés dans cette exposition par Mijares concerne l’univers économique du travail, un «marché» globalisé induisant des flux migratoires « conditionnés », voire refusés. Sans en constituer un thème, l’artiste articule des situations à partir de certains objets localisés dans ce champ sémantique (bac à gâcher, diable de manutention, cartons d’emballage, gamelle, thermos).
Dans Le Mal du pays, l’artiste essaye de donner forme aux contradictions qui résultent de l’expérience de l’émigration, entre promesse de réussite, conditions réelles de l’exploitation du travail et rapport idéalisé au pays d’origine. Un bac à gâcher bleu se voit transformé en bassin où un petit paysage idyllique évoque les plages d’une île volcanique. Mijares utilise les matériaux habituellement associés à cet outil de maçonnerie (sable, eau, ciment) pour bâtir d’autres significations, moins du côté des vacances que de celui de l’exil. Les projections idéalisées de réussite sociale dans un pays d’« accueil » se transforment souvent en mirage. La quiétude du bassin contraste cependant avec une activité volcanique souterraine, à l’image des éruptions sociales qui peuvent se nourrir des inégalités.

Extrait du texte Pedro Morais
Exposition D'un point à l'autre, Galerie des grands bains douches de la Plaine, Marseille

Le Mal du pays 2008
Bac à gâcher, ciment, sable, eau, 60 x 220 x 135 cm
Réalisée avec l'allocation de recherche et de séjour du Cnap, 2007
Vues de l'exposition D'un point à l'autre, Galerie des grands bains douches de la Plaine, Marseille
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