Pascale MIJARES 

Lors des rencontres avec les habitants des Aygalades, chacun m’a parlé de son parcours, de son passé, de ses origines, de ses désirs. En écoutant ces récits, en lisant des témoignages, en participants aux festivités, j’ai pu percevoir ce qu’est une vie en cité, une vie marginalisée, déracinée mais surtout une vie en communauté, basée sur la solidarité.
Marseille est une ville cosmopolite, mettre en évidence la mixité qui domine dans les quartiers périphériques est une façon de sublimer cette singularité. A l’aide de tiroirs j’ai composé un patchwork. L’ensemble devient une architecture stable, droite et massive à l’image de cette micro société.
Le tiroir c’est l’endroit où l’on cache ses secrets, où l’on oubli les choses que l’on ne peut quitter. C’est un petit coin où l’on garde «au cas où»… C’est aussi la chose que l’on peut racler lorsqu’on est au dépourvu avec l’espoir d’en tirer un petit quelque chose qui changera tout.
Le tiroir c’est un élément d’un meuble, encore plus mobile que son support.
Pour certains résider aux Aygalades ça n’est pas un choix, c’est une fatalité. Un aboutissement suite à une succession de déplacements induits par une économie. Pour d’autres, c’est la destruction de leur cité (la cité des Créneaux) qui va les pousser à quitter ce quartier. Pour tous, c’est avec fierté et amour qu’ils en parlent, même derrière leurs critiques.

Harmonie des gangues 2010
Tiroirs, visserie, structure en bois
300 x 170 x 125 cm
Réalisée avec l’aide des Emmaüs Cabriés




La visibilité sociale n’est pas inhérente à l’existence humaine. Sous la forme d'une corne d’abondance, la fontaine symbolise le cycle consumériste allant du convoité à l’obsolète. L’œuvre révèle  « l’art de la débrouille ». Le rebut réutilisé, recyclé relève d'une nécessité première. L’inexprimable charge poétique qui résulte des détournements, la pugnacité à combiner sa vie, à harmoniser sa survie, fricotent parfois avec le sublime.

 

Rythme et décadence 2010
Tub en zinc, vaisselle en métal, robinet, eau, pompe 12V, transfo, socle en bois
200 X 150 X 150 cm

Sculptures réalisées en résidence aux Aygalades à Marseille dans le cadre du projet «artiste in cité», Lézarap’art, cité des arts de la rue, Marseille, en partenariat avec le FRAC Fonds régional d’art contemporain Provence - Alpes - Côte d’azur
Cette résidence s'inscrit dans le projet "Dynamique Espoir Banlieues" devenu “pour une dynamique culturelle dans les quartiers”

 

Le milieu associatif a une réelle légitimité dans les quartiers périphériques. Il atténue les heurts, développe des projets, créé des emplois, permet l’accès aux formations, propose des événements culturels, organise des fêtes, des compétitions sportives, permet d’éviter l’isolement, donne le droit à la parole. La différence avec les structures qui sévissent en centre ville c’est que ces associations agissent sur des terrains fragilisés. Dans une lutte contre l’exclusion, contre la délinquance et le chômage (principaux fléaux des quartiers nord), chacun relève ses manches et s’attèle à la tâche. Etre en association ce n’est pas être adhérent ou membre du bureau, c’est être solidaire.
Aux Aygalades, j’ai repensé au village de mon enfance, où «exclusion» et «ignorance» n’était pas admis, où l’on pouvait compter sur son prochain, où les habitants en partageant la tâche la rendaient moins laborieuse, où lors d’une fête on se croyait en famille.
Ce qui exclut c’est le désœuvrement, alors "au travail". On restaure, on construit, on fait germer.
Un seul but : améliorer le quotidien. Les mêmes maîtres mots qu’aux jardins partagés, jardins en pieds d’immeubles ou aux jardins ouvriers et familiaux.

Le murmure des feuilles ne couvre pas l'écho des haches 2010
Bois (3 plis), pelles rondes, visserie
360 x 160 x 120 cm

Vues du festival Petit art petit, Marseille 2010
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