Jean-Baptiste GANNE 

Gélém, Gélém 2013
Détail de l'installation lumineuse et sonore, mécanisation du foulard en collaboration avec Vivien Roubaud, Musée Pablo Picasso, Vallauris

Extrait d'un entretien entre Maurice Fréchuret et Jean-Baptiste Ganne
Maurice Fréchuret : Vous vous intéressez à une population à laquelle de nombreux artistes se sont également intéressés. De Courbet à Manet et Corot, de Van Gogh à Picasso, les Gitans, Bohémiens et autres Rroms ont souvent été traités. Dans la peinture occidentale, le cinéma ou la photographie, on ne compte plus les représentations de diseuses de bonne aventure, de scènes de genre où évoluent Manouches ou Zingara, de gens du voyage. Votre appréhension de la réalité rom n'est pas, comme bien souvent, marquée par un certain goût pour un exotisme facile mais par ce qui semble être une véritable manière d'engagement. Cela légitimerait plus encore le lien avec Picasso dont on connaît bien les orientations.
Jean-Baptiste Ganne : Je dois avouer que l'intérêt que je porte aux populations tziganes n'est pas sans rapport avec l'histoire de l'art que vous évoquez, ni sans fascination pour ce peuple libre ne réclamant aucun territoire et n'ayant jamais fait la guerre. C'est une figure d'altérité dans laquelle se sont souvent reflétés les artistes en la prenant comme une métaphore de leur propre position. L'engagement que vous évoquez est, dans mon rôle d'artiste, un engagement dans la représentation. Il s'agit non pas de produire un art politique de combat, ce qui serait une illusion à mon sens, mais un choix d'utiliser des éléments politiques afin de donner une représentation à des gestes politiques, à des groupes, ou, ici, à une communauté. Mes pièces trahissent toujours leur statut de représentation. Ici, à Vallauris, j'essaye de donner un genre d'image des corps absents de ces Rroms, en spatialisant des enregistrements sonores, une absence qui dit à la fois notre manière individuelle de regarder cette communauté - les mendiants que l'on ne veut pas voir – et la manière politique de ne pas les considérer – le refus d'affronter la question de savoir comment un peuple nomade peut vivre en Europe aujourd'hui. Le lien avec la fresque de Picasso devrait se faire naturellement, notamment avec le groupe de droite du panneau de la Paix, une famille déjeunant dans l'herbe ou dans le panneau de la Guerre et ses «légions noires». Picasso est une figure complexe, mais on ne peut nier son attachement à la liberté. Courbet en est une autre, à laquelle je me réfère davantage, mais on le sait, Courbet n'a pas changé le Monde en faisant basculer la colonne Vendôme mais en réinventant une manière de peindre.
Maurice Fréchuret : Le seul élément visuel, hormis les faisceaux de lumière, que vous intégrez à votre nouvelle installation est un foulard acquis auprès d'une femme tzigane qui va voltiger dans l'espace de la chapelle. Quelle signification peut-on donner à une telle économie de moyens?
Jean-Baptiste Ganne : Cette pièce est une proposition à la fois légère et forte, enfin je l'espère. C'est un simple fichu, blanc cassé avec des motifs floraux, qui virevolte dans l'espace, comme emporté par un vent imaginé. C'est le fichu d'une vieille femme Rrom que j'ai rencontrée alors qu'elle glanait des légumes dans les rues de Nice. Le seul élément visuel de cette exposition sera la coiffe de cette femme et c'est donc un de ces déplacements dont nous parlions au début, depuis la rue vers l'espace d'exposition. En faisant voler la coiffe de cette femme, je dis son absence de cet espace-ci mais aussi sa proximité, quelque part au bord du Var. Ce qui me réjouit, c'est que quelque chose des fils du vent planera et dansera au-dessus de nos têtes.

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Gélém, Gélém 2013
Installation lumineuse et sonore, Musée Pablo Picasso, Vallauris

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