FAVRET & MANEZ 

L’aire de rien
Photographies d’Anne Favret et Patrick Manez
Texte de Bruce Bégout Comme un trou dans le continuum du bruit
Éditions de l’air, des livres, juin 2022
 
Depuis une trentaine d’années, Anne Favret et Patrick Manez tissent, d’expositions en éditions, une œuvre photographique commune et poursuivent une réflexion sur le paysage habité, sur le territoire, son histoire et ses usages. En mars 2020, le confinement, le premier d’une longue série qui s’étalera sur plus d’un an et 129 jours, les contraint à réinventer leur manière de voir, dans un espace désormais limité à un kilomètre et un temps soumis aux couvre-feux. Délaissant leur chambre grand format pour un petit appareil numérique, le tandem s’attèle à faire des photographies quotidiennement dans leur périmètre autorisé. Cette chronique n’est ni un journal du confinement, ni un reportage, mais une description de la ville dans laquelle ils habitent et enseignent, Nice. Bloqués dans le Nord de la cité, Anne Favret et Patrick Manez ressassent photographiquement leur paysage qui, bien que familier, leur apparaît, dès le premier jour du confinement, transformé, presque méconnaissable. Cette dérive urbaine se compose de 129 photographies mises en lumière par le philosophe Bruce Bégout ; 129 détails urbains comme autant de pièces d’un puzzle vivant qu’ils ont jour après jour assemblés avec poésie et minutie.

Comme un trou dans le continuum du bruit, Bruce Bégout, extraits :

« Il semble que dans ces 129 images prises dans un tout petit périmètre prévaut une étonnante coïncidence du regard et de l’appareil, comme s’ils avaient fusionné. L’objectivité ici reprend son premier sens, qui est celui de ce qui se tient en face. (…) Refusant toute participation affective, et plus encore toute immersion dans l’environnement, et ce au nom d’un parti pris quasi documentaire, les images révèlent un devant sans dedans, une extériorité sans intériorité. (…) Dans ce microcosme frontal et déserté, comme après une catastrophe, où les hommes ne sont plus présents et où les choses paraissent elles-mêmes être en sommeil, où tout se donne qui plus est dans un recto sans verso, s’annonce une poétique de l’inutile, presque du désuet, de ce qui a perdu son principe de prestation et qui, faute d’un emploi, objecte à la volonté de produire, son improductivité matérielle. »
 
Retour