Nicolas DAUBANES 

Vues de l'exposition monographique Le monde ou rien au FRAC PACA, plateau expérimental, Marseille, 2019
 
15 janvier 1972 2019
Tuiles, bois, 600x600x140 cm
Vues de l'exposition Le monde ou rien au FRAC PACA, plateau expérimental, Marseille, 2019
Photographie Laurent Lecat
« Par ce renversement architectural, l’artiste offre une traduction plastique à l’idée de contestation des ordres, s’inspirant de la mutinerie des détenus de la prison de Nancy en 1972. Au centre de l’espace, une charpente aux tuiles cassées renvoie à cet épisode de l’histoire carcérale pendant lequel les prisonniers se sont hissés jusqu’au toit pour crier leurs revendications. Praticable, elle permet au public de goûter au sentiment de liberté qui peut s’y exprimer, celui des détenus qui échappent à la logique d’enfermement du bâtiment. Il s’agit alors de mettre en scène la tension entre liberté et sécurité, de placer le spectateur en équilibre précaire, porté par l’énergie du soulèvement et menacé par le danger du lâcher-prise.
Pour certaines éclatées, les tuiles, fabriquées lors d’une résidence à la briqueterie de Nagen, ont également la particularité d’être dysfonctionnelles, ramenées à l’état de motifs géométriques (des carrés de terre cuite), alignés au sein d’une composition graphique. »
Extrait ARTPRESS 456 par Florian Gaité à propos de l'exposition « Aucun batiment n'est innocent » à la Chapelle Saint-Jacques à Saint-Gaudens
 
 
La révolte de la prison de Nancy, 15 janvier 1972
© Gérard Drolc
 
Ce jour-là, au petit matin, des détenus de la prison Charles-III à Nancy se plaignent de la mauvaise qualité du café. La discussion monte avec les gardiens et une mutinerie éclate. En moins d’une heure, les trois cents détenus prennent le contrôle de toute la prison. En dix heures, la révolte est réprimée. Les occupants du toit sont chassés par hélicoptère. (Nouvel Obs)
 
Vues de l'exposition monographique Le monde ou rien au FRAC PACA, plateau expérimental, Marseille, 2019
 
Sur les toits 1 2019
Incrustation d'acier incandescent sur porcelaine, 40x50 cm
Photographie Laurent Lecat
 
Vues de l'exposition monographique Le monde ou rien au FRAC PACA, plateau expérimental, Marseille, 2019
 
Les Milles en feu 2019
Dessin à la poudre d’acier aimantée, 160x300 cm
Collection FRAC Provence-Alpes-Côte-d’Azur
Photographie Laurent Lecat
Ce dessin fait écho à une gravure de Hans Bellmer : Les Milles en feu (1940) dont une édition est conservé au Site-Mémorial du Camp des Milles, à Aix-en-Provence. Nicolas Daubanes utilise la technique de la poudre de fer aimantée, évoquant ainsi l’évasion (celle du détenu qui limerait ses barreaux). Ici le rêve d’évasion va plus loin comme chez Bellmer : c’est le désir du prisonnier de voir sa prison brûler. Le dessin, à la poudre d’acier aimantée, est réalisé au sol. Lorsque les panneaux sont levés, tête en bas, la poudre glisse vers le sol et laisse de longue trainée. Une fois les panneaux retournés, ces trainées évoquent la montée de flammes, la fumée et les cendres.
Hans Bellmer : Les Milles en feu, lithographie d’après un dessin réalisé en 1940 dans le camp d’Aix-Les-Milles, 30x38cm, 1970
Biographie : Hans Bellmer né 1902 à Kattowitz en Allemagne et mort en1975 à Paris. C’est un peintre, photographe, graveur, dessinateur et sculpteur franco-allemand. Au départ imprimeur, illustrateur et affichiste, il cesse toute activité à l’arrivée des nazis au pouvoir en 1933. Il décide alors de fabriquer des « poupées » sorte de sculptures composées de morceaux de poupées désarticulées qu’il photographie. Son art est qualifié d’art dégénéré par les nazis. En 1934, il devient membre du mouvement surréaliste. En 1938 il émigre à Paris. Au début de la guerre, il est interné au camp d’Aix-Les-Milles. Libéré en1941, il abandonne la nationalité allemande. Après guerre, il continue sa carrière artistique
Contexte : Le camp d’Aix-Les-Milles est un camp ouvert en septembre 1939 dans une tuilerie en faillite. Il se trouve dans les Bouches-du-Rhône, entre Aix-en-Provence et Marseille, à la sortie du village des Milles.
 
Vue de l'exposition monographique Le monde ou rien au FRAC PACA, plateau expérimental, Marseille, 2019
 
À la faveur de la nuit 2019
Incrustation d'acier incandescent sur verre, dimensions variables
Photographie Laurent Lecat
Dans ses dernières recherches, Nicolas Daubanes intègre la question du lien entre la végétation et le paysage mémoriel, c’est-à-dire celui qui a été le témoin d’événements marquants de notre histoire. Pendant sa résidence à la Synagogue de Delme (2019), il a effectué des recherches sur l’ancien camp de concentration du Struthof-Natzweiler, là où furent enfermés des résistants pendant la seconde guerre mondiale. Son intérêt s’est porté non pas sur le camp en lui-même mais sur les forêts qui l’entourent. Ces forêts, qui servaient à cacher les activités du camp, étaient le lieu des fantasmes d’évasion des internés. Pouvoir se fondre dans la densité de la végétation et disparaître aux yeux de ceux qui surveillaient.
A partir de photographiques faites lors de ses visites, Nicolas Daubanes réalise un ensemble de dessins représentant ces forêts. Ces dessins sont réalisés avec de la limaille de fer incandescente qui s’incruste sur la surface du verre lorsque celui-ci vient le heurter. La poudre de fer évoque toujours chez Nicolas l’idée d’évasion (les barreaux de prison limés). Le choix du verre permet un accrochage en superposition, une narration possible entre ces divers paysages. Sa fragilité évoque une tension interne, une évènement potentiel.
Chaque dessin est percé aux extrémités supérieures, ce qui permet à tout moment de dégager un dessin de la tablette puis de le disposer au mur (accrochage variable).
La série porte le nom : À la faveur de la nuit. Il s’agit d’une expression allemande qui s’approche de «nacht und nebel», Nuit et brouillard. Cette expression était utilisée pour nommer les résistants déportés au camp du Struthof. Une façon de ne pas leur donner de nom. Selon certains, le statut «Nacht und Nebel» aurait été nommé ainsi par allusion à un passage de l’opéra de Wagner L’Or du Rhin, dans lequel Alberich, roi des Nibelungen, coiffé du casque magique, se change en colonne de fumée et disparaît tandis qu’il chante « Nacht und Nebel, niemand gleich » (« Nuit et brouillard, plus personne »). En fait, « bei Nacht und Nebel » était, dès avant la création de cet opéra (1869), une expression allemande courante pour dire « à la faveur de la nuit ».
À la faveur de la nuit, une évasion est possible. À la faveur de la nuit, tout devient possible.
 
 
 
 
La création du KL-Natzweiler au Struthof

Après l'Armistice du 22 juin 1940, l'Alsace et la Moselle sont annexées de fait par le IIIe Reich. Des fonctionnaires du Reich sont nommés pour diriger les administrations, la monnaie et le droit coutumier germanique imposés, les usines et les mines « germanisées » et l'usage du français interdit. À partir de 1942, les Alsaciens et les Mosellans sont astreints au service militaire obligatoire, dans la Wehrmacht.

Le lieu-dit du Struthof, sur le Mont Louise, est une station touristique renommée depuis le début du XXe siècle, en particulier par les Strasbourgeois qui y trouvaient un hôtel et des pistes de ski.
C'est pourtant pour son filon de granite rose que le site fut repéré par le géologue colonel SS Karl Blumberg dès septembre 1940.
En mars 1941, Heinrich Himmler, chef de la SS et des polices du Reich, donne l'ordre de créer un camp de concentration à proximité du filon. La pierre extraite doit être utilisée pour les grands travaux du Reich voulus par Hitler. Comme déjà à Mauthausen ou à Flossenbürg, c'est la Deutsche Erdund Steinwerke (DEST), entreprise minière SS créée en 1938 par Himmler lui-même, qui va gérer l'exploitation de la carrière.

Le camp est officiellement ouvert le 1er mai 1941. Camp de catégorie II, il ne peut initialement recevoir que des détenus déjà interné dans des KL. A partir de 1942, il devient un camp "ouvert" et la Gestapo peut y interner qui elle souhaite.

Les premiers déportés arrivèrent dans deux convois en provenance de Sachsenhausen, les 21 et 23 mai 1941. 
Entre 1941 et 1943, la plus grande partie des baraques du camp est construite sur les flancs escarpés du Mont Louise. L'achèvement des travaux d'aménagement du block crématoire, en octobre 1943, marque la fin de la construction du camp.
 
À la faveur de la nuit 2019
Incrustation d'acier incandescent sur verre, dimensions variables
Photographies Laurent Lecat
 
Lieux dits 2019
Anneau constitué de pierres prélevées sur plusieurs lieux de mémoire, réduites en poudres et agglomérées selon le procédé SPS (Spark Plasma Sintering / Frittage flash)
Collections FRAC Provence-Alpes-Côte-d’Azur

Oeuvre réalisée sous l’égide du groupe français de la céramique, en collaboration avec le CIRIMAT Toulouse (Centre Inter-universitaire de Recherche et d’Ingénierie de Matériaux - UMR CNRS) et l’ONACVG (Office national des anciens combattants et victimes de guerre).
Lieux de prélèvement des pierres :
 
Ancien camp de concentration de Natzweiler-Stuthof (Natzwiller - Bas-Rhin)
 
 
Grotte de la Luire (Saint-Agnan-en-Vercors – Drôme), ancien hôpital de fortune pour les résistants du Vercors
 
Mémorial National de la Prison de Montluc (Lyon – Rhônes)
 
Nécropole Nationale de Vassieux-enVercors (Drôme)
 
Vue de l'exposition monographique Le monde ou rien au FRAC PACA, plateau expérimental, Marseille, 2019
 
Un chien ne voit pas son collier 2019
Incrustation d’acier incandescent sur porcelaine, béton, 49 x 40 cm
Poème de Wols réalisés durant son internement au camp des Milles près d'Aix-en-Provence (de septembre 1939 à octobre 1940)
 
poème triste
un chien ne voit pas son collier
ce qui n’est pas de l’anarchisme
c’est le vol l’assassinat de pauvres
c’est la fraude = la guerre la dynamite
un jour viendra
un jour sans tyran
la respiration le demande
Il y a ceux qui votent pour 99 libertés
les autres pour une
Les résultats se feront voir après la mort
Alfred Otto Wolfgang Schulze dit Wols
 
 
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