Marc CHEVALIER 

La chaire des ombres 2016
120 m3 d’objets en bois récupéré dans les encombrants
Vue de l’exposition La chaire des ombres, Le Dojo, Nice, 2016
Photographies François Fernandez et Marc Chevalier

 

 
À l’occasion de l’exposition RUN RUN RUN et des 20 ans de La Station, Le Dojo invite Marc Chevalier à réaliser une oeuvre in situ : à la fois sculpture, installation et performance. « La chair des ombres » est une chimère de bois dressée au milieu des bureaux de l’agence de communication.
Deux temps ont rythmé la construction de l’œuvre de Marc Chevalier au Dojo.
Tout d’abord, pendant un mois, l’artiste a produit ce qui constituera la substance de l’œuvre, en chinant dans les encombrants de la Ville de Nice. Il a collecté un volume de 120 m3 de meubles cassés et de chutes de bois. Des ornements en volutes pour certains, des bouts de marqueterie du XIXe siècle pour d‘autres sont mêlés à des palettes de chantier et des planches de bois brut. En somme, ce que la rue lui a donné, un joyeux bordel de styles désuets.
Puis dans un deuxième temps, cette masse est transportée dans l’espace du Dojo, lieu hybride entre white cube et bureaux en open space d’une agence de communication. Dès lors, deux esthétiques s’affrontent. La brutalité de cet amoncellement de morceaux de bois et de mobilier démodé vient défier le design fonctionnel des bureaux de l’agence.
Marc Chevalier cherche à sculpter ce fatras épars. Il empile les meubles, déplace des planches, il range et dérange pour désencombrer, mais il encombre à côté, ouvre des passages dans cette broussaille et en condamne d’autres, en improvisant des constructions, des agencements, des « jardins ». Tel est le défi dans lequel que s’est lancé l’artiste : dresser cette chimère au milieu des bureaux.
Ainsi, au travail de sculpture et d’installation, s’ajoute celui de la performance. Comme dans un jeu de pousse-pousse et de cubes, il faut déplacer tous les fragments avant de pouvoir en agencer un en particulier. En dépit de la fonction initiale du mobilier, qui tend à disparaître, la forme de l’œuvre nait de cette multitude de gestes de l’artiste, bien souvent physiques et rarement calculés. Les éléments ne sont vus que pour leur qualité graphique. D’ailleurs chaque intervention a une incidence sur la suite de l’aménagement, puisque mille et une combinaisons sont possibles.
Dans le contexte du Dojo où règne une ambiance de performance professionnelle, avec des gens affairés, téléphonant, recevant leurs clients, l’œuvre en chantier joue une étrange « comédie du travail ». Contrairement à toute logique de rentabilité, l’artiste, dans un work in progress voué à retourner aux encombrants, construit pour rien.
Ce tas, qui encombre l’esprit et dévore l’espace, est un véritable casse-tête. Avec une volonté quasiment autonome, la bête monstrueuse tente sans cesse de se métamorphoser sans jamais parvenir à s’extraire de son état de ruine. Elle prend cependant de la hauteur et s’organise en une sorte d’architecture. En son sein, fragments d’époques et vestiges de mémoire coexistent sous la poussière, où le visiteur peut se risquer à s’aventurer.
Maya Racca

Ce projet a été réalisé avec le soutien de la DRAC PACA (Aide individuelle à la création – 2015), le Chantier 109, la fondation René d’Azur, la Villa Arson, les Charpentiers de la Corse.
 
Voir aussi le site https://sophiebraganti.wordpress.com
 
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