Marc CHEVALIER 

Le château de Lauris de 2002 est un lieu étrange.
C’était quelque temps auparavant un hôpital pour les missionnaires des colonies françaises.
En 2002, c’est un hôpital abandonné dans un château. Il ne s’agit pas de ruines, le château semble en bon état, mais à l’intérieur, en guise de salon de tentures et de lambris, il y a un hôpital abandonné.
L’endroit a été soumis aux normes d’hygiène et de sécurité en vigueur dans les années quatre-vingt et on a fait « tout propre, tout nickel ».
Mais le nickel il est pas éternel et les premiers signes du délabrement pose le doigt sur le vieillissement de la modernisation.
Entendons une modernité vieillissante.
Dans ce genre d’endroit désaffecté, l’art contemporain prospère plutôt bien (sa structure semble plus stable que celle du nickel et plus apte aux soins palliatifs pour modernité vieillissante) car tout y est signifiant et imprégné d’histoires à réinventer.
 

 

La pensée est une sécrétion du corps 2002
Agencement in-situe: sommier, tâche, odeur d'éther, image du christ

Dans la chambre n°16, il y avait une image du Christ punaisé au mur, le squelette d’un lit (un sommier métallique) et une grosse tache douteuse au sol. J’ai repositionné le lit au-dessus de la tache de sorte qu’elle évoque l’écoulement des viscères qui suit l’instant du décès. J’ai ajouté une odeur d’éther pour réactiver l’hôpital.
Ma main d’artiste n’a fait que déplacer les vestiges d’un lit et dévisser le bouchon d’un flacon d’éther faisant ainsi allusion à nos petits soucis de la vie quotidienne : la maladie, la vieillesse, la mort, l’oubli.
Il s’agissait en tout et pour tout d’empêtrer l’élégance d’un geste minimal avec le problème très embarrassant d’un cadavre.

 

Problématique et démarche 2002
Agencement in-situe: rampes d'un couloir dévissé et pivotantes

À chaque étage, les chambres sont desservies par un grand couloir aménager de rampes de soutien pour les personnes à mobilité réduite.
Ces rampes sont faites de barres de deux mètres de long fixées horizontalement à touche-touche par trois points d’ancrages à quatre-vingt dix centimètres du sol. J’ai dévissé tous les points d’ancrage sauf ceux du milieu pour faire pivoter toutes les barres d’un geste désinvolte et donner au couloir une allure d’horizon les jours de mer déchaînée.
Cette pièce ne dégage pas de problématique sur l’œuvre in situ et la démarche artistique qui y conduit.
Elle souligne plutôt la dimension chorégraphique d’un trajet qu’effectue une personne à démarche problématique dans un tel couloir.

 
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