Martin CAMINITI 

Vue de l'exposition La belle rouge, galerie Norbert Pastor, Nice, 2008
Photographie François Fernandez

Au premier plan : La Belle Rouge 2008
Globe d’éclairage urbain customisé, pâte de verre, javelot, aluminium, inox, 200 x 47 cm diamètre
Au mur : Ronde-bosse 2008
Installation
Cordes à piano, 180 x 240 x 40 cm
Photographie François Fernandez

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Caminiti Touch'

Martin Caminiti expose chez Norbert Pastor et nous fait le plus gros coup de charme de sa Carrière: les galbes et la couleurs envahissent son oeuvre. C'est une première. Ne dit-on pas, séduire c'est surprendre? Créer pour ce faire est encore plus sensuel...

Martin Caminiti procède par assemblages. Il met bord à bord des parties d'objets récupérés et interroge constamment ce que déclenche, en sculpture, le phénomène de mitoyenneté. C'est aussi bien une contiguïté matérielle qu'un voisinage sémantique, une proximité référentielle qu'une façon de toucher à un domaine, un espace adjacent. Il fait des blagues avec les mots, il fait des traits avec des fils, il pêche à la ligne les formes, qu'il ne dessine pas avec un crayon. Il dessine avec des lignes qu'il détourne des volumes, comme on conçoit le fil de fer d'un objet en 3D sur un ordinateur. Il évoque des formes dans l'espace par cet art de l'assemblage, du collage, qui lui a permis de se fabriquer un langage.

Le propos nous étonnera toujours puisque pour cette exposition chez Norbert Pastor, c'est l'arrivée de la sphère, des rondeurs, mais aussi de la couleur qui donne à sa création une brillance et à sa pertinence des goûts de séduction par la surprise.

Martin redécouvrirait-il la féminité, une féminité, sa féminité ? Plus que des ronds, ce sont des sphères, voire des galbes qu'il nous montre. Toujours avec humour puisqu'il est vrai que ces lampes n'en sont pas et ont cette insolence qui donne du design des 70's une image décalée et comique. Elles suggèrent la lumière, mais pas celle qui attirent les moucherons suicidaires qui par milliers décident tous les étés de se jeter sur les phares automobiles lancés sur les routes de nos vacances. Ces lumières-là sont celles que Mouans-Sartoux avait tenté de rallumer en les prenant comme thème de son festival du livre. Ces lumières ont fait briller un siècle, l'inverse de ce XXl qui s'annonce aussi terne et obscur que la stratégie menée par ses leaders politiques. Le galbe, on le retrouve dans ces dessins nocturnes, dessins optiques, hologrammes bricolés, invention magique, illusion d'optique, illusion gagnée... « Pour voir il faut regarder». C'est simple, mais c'est vrai. Alors Martin ne s'érige pas en donneur de leçon, en architecte de la monstration, en intello-bobos d'un Art qui n'a de contemporain qu'un discours attractif. Celui des collectionneurs néo-libéraux n'ayant comme culture que l'amour des formes et la peur d(u)es sens... Non, Caminiti humblement avec un procédé magique donne du volume à des dessins en 2D, comme pour faire gonfler les galbes, comme pour caresser ces formes qu'il a créé afin de les gonfler de sens... Pour notre plus grand plaisir. Ces volumes n'apparaissent qu'en se plaçant correctement devant ces objets mi-dessins, mi-sculptures. Une manière pour Martin Caminiti de nous apprendre à regarder sans aucune condescendance, de nous rappeler que l'Art contemporain est celui du montrer. Il faut savoir regarder comment l'artiste montre, et pour le faire comprendre sans littérature, il fallait bien pour ça aller chercher plus loin.

Les mots restent pourtant présents dans son oeuvre. Par incursions précises, surréalistes et toujours ludiques, par assemblages, il se joue des contiguïtés, pour faire des jeux de mots, des jeux de formes jusqu'à jouer avec l'apposition d'un rectangle blanc. Ce cartel où ces mots rapprochés de l'oeuvre qu'ils devraient expliquer, l'éclairent le plus souvent avec humour et poésie. Il a les mains rapeuses après tout ce travail qu'ont demandés ces tours de passe-passe, la redécouverte des courbes féminines. Caminiti, un homme-femme? Un homme à femme? Serait-il parvenu au paradoxe sublime du mâle constructeur aux mains câleuses et à la libido fénoïdes? Je sais qui détient la réponse... Et je l'embrasse très fort l.

Michel Sajn, in magazine culturel La Strada, février-mars 2008