Denis BRUN 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Vues de l'exposition How Creep Is Your Love, Vidéochroniques, Marseille, 2018
Photographies Vidéochroniques
 
How Creep Is Your Love
L’intérêt d’avoir presque 52 ans et de ne pas être vraiment connu, c’est que l’on a finalement pas grand chose à perdre niveau glory hole.
D’aucuns diront qu’on a presque tout à y gagner... surtout si l’on n’aime pas jouer et que la destination finale est la même pour tout le monde.
Alors, la douche dorée mais fertilisante de quelques divinités blasées, inondera les charniers à rêves post-adulescents et seuls les plus forts ou les plus fous survivront.
En combinant cet état d’esprit à un amour immodéré pour la liberté, on peut dire que je pratique depuis pas mal d’années le « freestyle » dans ma production artistique et à travers ma façon de penser comme de vivre.
C’est à dire que je m’autorise absolument toute forme de création, sans échelle de valeur, à partir du moment où celle-ci me semble équilibrée, harmonieuse et qu’elle peut stimuler mon esprit (cette approche peut aussi fonctionner avec le chaos, mais elle se rattachera alors plus d’une quête musicale).
Chaque idée, chaque trouvaille est potentiellement développable, duplicable, remixable et réadaptable suivant un principe d’opportunisme plastique au sens large, défilant sur une ligne temporelle totalement élastique, à plusieurs voies et à double sens...
Le point de départ de mes recherche commence donc toujours par : moi... ma vie... maintenant... après... avant... après... maintenant... etc.
Un questionnement mental, plastique et concentrique, s’opère de façon modeste, globale, particulière ou non, mais déterminée.
Tel un prédateur de formes et de couleurs, je pars à la chasse aux idées non pas avec des armes léthales mais avec ma sensibilité, mes yeux, mes mains, mon vocabulaire, ma grammaire, mon savoir faire et ma mythologie.
Le travail une fois accompli reste cependant tourné vers l’extérieur et les autres.
Le temps de l’exposition terminé, digéré, je peux retourner en moi-même et relancer la machine à concevoir des histoires abstraites, synthétisées à partir d’objets, d’images, de sensations, de sons ou d’expériences diverses et variées.
Pour être plus clair, ce que je produis n’est qu’une simple réaction consciente et inconsciente à mon environnement quel qu’il soit.
Je DOIS concevoir des œuvres d’art, c’est une obligation absolue car le fait que je sois encore en vie et d’une certaine façon, conscient, m’impose cette discipline (excentrique certes) de fabrication artistique polymorphe.
La notion de voyage, de rencontre, et le rapport quotidien que j’entretiens avec internet depuis 20 ans, sont également des facteurs essentiels à ma production et à mon équilibre d’être humain.
Au départ mon action de création est purement égoïste et schizophrène dans la mesure où chaque nouvelle pièce n’est qu’un nouveau bilan comptable, amélioré, customisé en version « art contemporain » de ma vie et de mes récentes expériences, traumatismes ou grands bonheurs, s’il y en a eu.
Et à force de faire tout, n’importe quoi et son contraire, se dégagent des thèmes, des rythmes formels ou chromatiques, des sujets, des personnages et des partis-pris plus ou moins récurrents, mais en aucune façon je ne cherche, ni ne chercherai, à paraître cohérent au travers de propositions artistiques qui dès lors deviendraient à mes yeux, asservies et botoxées.
Si je devais me risquer à faire une tentative de description métaphorique de ma démarche, je dirais qu’elle aimerait ressembler à une Auberge Espagnole tenue par Rodney Mullen, le pro-skater américain qui tutoie aussi bien les figures de style les plus complexes que les équations mathématiques dont on ignore encore l’existence.
Mais en fait, elle ne sera peut-être qu’un mobil-home en Granolas, squatté par Luffy au chapeau de paille
Ça m’ira tout aussi bien !
Manifestement, la quête du Graal ou de LA nouvelle vague n’étant pas pour moi, j’aspire plutôt à trouver, encore et encore, même dans la nuit, une nouvelle vague.
J’ai réalisé How Creep Is Your Love avec des travaux récents et d’autres plus anciens, non pas comme une pseudo-rétrospective mais comme une approche respectueuse d’un présent et d’un passé constituant une épine dorsale en perpétuelle mutation.
Il s’agit également d’un choix collectif d’œuvres et d’accrochage, avec l’aide précieuse et avisée d’Edouard Monnet.
Les vidéos quant à elles sont quasiment toutes présentées dans une programmation segmentée qui s’étalera sur les deux mois d’exposition.
Un certain nombres de travaux seront montrés pour la première fois, notamment la série de films réalisée en Belgique qui, comme beaucoup de mes productions en «.mov» ou «H264» tentent d’évoquer et de sublimer l’ennui par la contemplation et la recherche synesthétique.
Une autre «série» de travaux filmés et montés aux USA pour la plupart, sera diffusée pour la première fois dans son intégralité.
Enfin, une salle d’écoute low-fi mais chic, proposera un voyage dans l’univers sonore de Toshiro Bishoko, l’autre moi, naufragé volontaire entre la techno pourrie d’une mauvaise soirée saucisses/ bières/vin rouge, un anniversaire en CM2 sous acide, l’oreille collée à un Bontempi en phase terminale, et un voyage aussi cheap que désorganisé en terres indus/noïse/shoegazing-friendly. Alors, au nom de tous mes amis invisibles et de moi-même je tiens à remercier vivement Vidéochroniques pour cette invitation et je tiens aussi à remercier tout aussi vivement les personnes et amis qui m’ont aidé et supporté durant de longues années et qui continuent encore à le faire.
Denis Brun, le 11 février 2018
 
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