Sophie BLET 

Du muable
Exposition personnelle, Salon du Salon, 2023
Crédit photos Claudia Goletto

Du muable
Solo show, Salon du Salon, 2023
Photography Claudia Goletto
 
 
 
 
 
 
Modules-mesures (réversibles)
Toile à patron, éléments de compas, verre, laiton
Module-measure (reversible)
Pattern fabric, compasses, glass, brass
 
 
 
 
 
L'ombre blanche
Lame en acier, lame en cire, toile de patron
The white shadow
Steel blade, wax blade, pattern cloth
 
 
 
 
L'espace d'une interruption
Câbles électriques, barres de cuivre, fils de cuivre
The space of an interruption
Electrical cables, copper bars, copper wires
 
 
 
 
 
 
 
Regarder dedans, ce que dehors
Tissu bleu outre-mer, laiton, scarabée, moulage d'intérieur de boîte en plâtre
Looking inside, what is outside
Blue fabric, brass, beetle, plaster cast
 
 
 
 
 
 
 
Du muable
Textes, moulages en plâtre, boîtes, impressions jet d'encre
Du muable*
Texts, plaster casts, boxes, inkjet prints

*refers to a constant changing state
 
 
Sophie Blet travaille à l’intersection de différents médiums – l’édition, la peinture et l’installation -, avec une importance accordée à la sculpture. Tout est question de mise en forme du langagier, du figuré, de l’architecturé. D’une mise en forme et d’une mise en espace : la sculpture est double par ses qualités plastiques et esthétiques. Travail de l’espace dans l’espace ; de et dans : aire de pré-position.
L’artiste explore le « en devenir » des formes comme un « ad-venir » où tout deviendrait visible et invisible, possible comme impossible, déterminé comme indéterminé. Le sens s’évade, les repères s’effacent. Comme si nous pouvions tracer les lignes d’air du vent sur une feuille : suivre l’ombre du geste en mouvement, ne pas voir mais envisager ce qu’il pourrait représenter.
Sophie Blet donne visage à l’in-visagé. Dans une zone d’entre qui se veut plurielle, potentielle : une zone de transparences et de reflets, de double et de mises en parallèle. Cette zone intermédiaire peut prendre la forme d’un pli, d’un bord, d’une limite voire d’une ligne : un espace sans début ni fin, seuil de traverses infinies.
La force de son travail réside en ce que s’expose la fragilité de l’existence à travers une conjugaison du temps du monde et du temps individuel. La désorientation qui s’opère dans l’espace, presque semblable au principe de l’entropie, procède d’une esthétique de la « catastrophe » dans le sens étymologique du terme « renversement ».
Comme si nous regardions le monde à travers une bulle de verre1 : l’avers confondu dans l’envers et vice- versa.

Dans cette réversibilité perpétuelle, l’artiste parsème des traces, joue des rebonds entre les œuvres, entre le contenant et le contenu, entre la forme et les mots, tout se contient et se déverse d’une pièce à l’autre : d’une étagère-mémoire aux modules-mesures en passant par le fugitif des nuages, l’objet et son double.
Elle déloge ainsi le défini de ses catégories, elle procède par contraires afin de déceler toutes les textures et nuances des choses et du langage : l’ombre devient blanche, le verre devient opaque, le dedans le dehors, le creux le plein. Au cœur de ce jeu de « faux-reflets », Sophie Blet esquisse de nouvelles perspectives, ouvre la voie à de nouveaux points de vue.
Elle nous invite à expérimenter le muable du monde en nous positionnant dans un état transitoire, savante mise en abîme de ses œuvres. Car chacune d’elles est en état d’expansion : à moitié vue, à peine décelable.
Non pas qu’il y ait une part manquante mais bien une part à y ajouter ; là où nous pouvons développer un imaginaire, se projeter dans l'œuvre pour y trouver du sens.

Diane Der Markarian

1 — En écho au film La Double Vie de Véronique ( Krzysztof Kieslowski - 1991) qui explore l’histoire d’une double existence, celle de Weronika, polonaise, et de Véronique, française, séparées physiquement mais reliées psychiquement pas un destin croisé, et peut-être réversible.
La mort de l’une, qui s’éteint lors de son premier concert de choriste, semble changer sensiblement la vie de l’autre et laisse ainsi entrevoir l’idée d’un autre à soi, d’une vie et de son double, d’une vie et de son esquisse.

 
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