Hélène BERTIN 

Si l'on frappe une plume bleue avec un marteau, l'air est écrasé et l'on peut voir le bleu disparaître, 2023
Hélène Bertin, Aline Cado, Lamia Talaï
Plumes, 165 cm x 150 cm

Production centre d'art Fernand Léger, Port de Bouc
Photographies Julien Lamarre
Invitation Laure Flores
 
 
 
 
 
 
 
 

À l’occasion du Printemps de l’art contemporain, le centre d’arts accueille une restitution de résidence d’Hélène Bertin, Lamia Talaï et Aline Cado. C’est l’histoire de trois femmes qui se sont retrouvées les soirs d’hiver pour composer un costume de conteuse pour les veillées à venir.

La genèse de cette installation prend racine en 2021 dans le petit village de Cucuron où Lamia Talaï, Aline Cado, Hélène Bertin réactivent la coutume ancestrale du carnaval en fédérant tout un collectif autour de la création d’un char, la Sanglival, entièrement conçu d’éléments végétaux. Ce projet s’efforce, par ses recherches techniques et ses partenariats transdisciplinaires, de brûler la frontière traditionnellement tissée entre l’art et l’artisanat, et où la notion de rite est régulièrement questionnée dans des intentions bien souvent empreintes de féminin sacré. Bien loin d’être une simple référence folklorique, il renvoie à des concepts sociologiques, mémoriels et anthropologiques. 
Dans le contexte de la célébration des dix ans du Centre d’arts Fernand Léger, c’est tout naturellement que ce travail évolue pour prendre en compte plus directement le territoire local tout en conservant sa nature festive. Comme pour la Sanglival, les trois femmes se retrouvent et imaginent, cette fois, la création d’un ensemble d’artefacts renvoyant à l’univers magique des contes. Elles créent un costume complet, châle et chapeau-masque, destiné à faire œuvre aussi bien que vêtement dans sa vocation d’être proposé en prêt à qui souhaitera l’activer, conteurs ou danseurs. « Ce costume invite à la métamorphose du corps. Celui qui le porte est mu par la vibration particulière que confère le caractère des matières naturelles » (Aline Cado). Le choix de la plume n’est pas anodin. Matériau animal, la plume est à la fois l’attribut de l’oiseau, mais aussi le symbole du vent, ici, face à la mer.
Le costume de luxe est démystifié pour être mis à la portée du plus grand nombre. Des milliers de plumes sont minutieusement cousues à six mains durant de longs mois, et font l’objet d’un apprentissage technique inédit et stimulant aux côtés de Coline Privat costumière et Liliana de Vito chapelière, pour parvenir à la finalisation de ce costume où émerge subrepticement la figure de l’oiseau. Ce dernier n’est pas sans rappeler l’image de la Grue, ce grand échassier caractérisé par le rituel très particulier de ses grandes migrations, laissant ainsi au visiteur la sensation d’être transporté dans un ailleurs que renforce la dimension paysagère des variations colorées de la plume. La forme triangulaire du costume est reprise dans les trois plus petites pièces, cette fois-ci réalisées par chacune des trois artistes dans une volonté de faire contraster la dimension temporelle entre travail collectif et individuel. Elle fait référence aux contours classiques du châle, un accessoire féminin universel et intemporel utilisé aussi bien pour se protéger du froid, pour porter un enfant contre soi, que pour se parer.
Forme et matière cristallisent ici le vœu d’un retour nécessaire vers des valeurs d’ancrage aussi bien envers la nature que dans la dimension communautaire où les rites rythmant le quotidien seraient gages d’harmonie entre les acteurs du vivant. 

 
 
Préhistoire du projet
 
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