« L’exposition Bird-Watchers d’Hélène Bellenger à la Maison forte de Hautetour à Saint-Gervais, propose une plongée dans l’imaginaire de la montagne. S’appuyant sur les archives iconographiques conservées dans cette ancienne maison forte, devenue aujourd’hui centre d’interprétation de la haute-montagne et centre d’art contemporain, Hélène Bellenger a ainsi révélé la puissance des représentations qui précède la visualisation des paysages. (...) Sous le terme de « bird-watcher » les chercheurs Law et Lynch (1990) ont mis en avant le décalage existant entre la description des espèces fournies par les manuels de bird-Watchers (dessins, peintures, photographies) et l’acte de regarder les espèces dans les champs. Les représentations donnent alors des instructions implicites sur la manière de voir et de regarder, faisant fi de certaines particularités du réel et précédant nécessairement son appréhension. Hélène Bellenger est partie de ce concept pour questionner celui de notre perception du paysage, plus spécifiquement, le paysage des Alpes qui se lit à travers ce prisme d’images, lui conférant le statut d’icône. C’est donc un panel de l’iconographie de montagne, forgée par les peintres, puis les photographes excursionnistes jusqu’aux publicitaires et autres acteurs promotionnels actuels, que l’installation Bird-Watchers nous donne ici à voir. Hélène Bellenger remonte ainsi sur les traces de la naissance de cette icône contemporaine. (...) En collectant et détournant des logos du Mont-Blanc, omniprésents sur les enseignes du territoire, Hélène Bellenger s’est penchée sur la montagne en tant que support de communication. Réduit au statut de « signe », vidé de réalisme, le logo est un vecteur de transmission dont la fonction essentielle est de « représenter » ou « évoquer » autre chose que lui-même. Devenue une obsession de lignes, souvent bien loin de leurs véritables morphologies, les montagnes sont ainsi réduites à un ensemble de traits déréalisés, des signes qui se confondent et s’entremêlent aux autres logos et supports de communication. De la ligne dessinée sur les cimaises renvoyant aux premières fresques représentant le paysage dans les villas antiques, l’installation photographique et la performance, Hélène Bellenger fait sortir la photographie du cadre. (...) Hélène Bellenger interroge ainsi notre rapport au paysage artialisé et aux émotions qu’il a véhiculé et qu’il continue de véhiculer aujourd’hui : une ouverture vers l’infini, la perte de soi devant une nature grandiose que l’on souhaite toutefois épurée de toute trace de l’homme, ou une de religiosité cosmique issue du romantisme sur laquelle notre société de consommation vient projeter un écrin de nature idéalisée.»

Extrait du texte d’Emma Legrand, commissaire de l’exposition Bird-Watchers à l’archipel de l’Art Contemporain, Saint Gervais Mont Blanc.