Alain PONTARELLI 

J'ai découvert le travail d'Alain Pontarelli en poussant la porte de la Galerie Jean-François Meyer à Marseille, en février 2016. L'exposition, poétiquement intitulée « Conversation saphique dans une arrière-cour », tenait largement ses promesses de prendre le sujet à rebours de certains codes de la sculpture traditionnelle, de privilégier le discours subversif, de jouer avec le spectateur sur le mode ironique et décalé. J'avais trouvé culoté de la part d'un homme de présenter son oeuvre comme « une conversation saphique », mais il s'avéra que ses sculptures représentaient justement de nombreuses culottes, corsets, rubans noués et talons hauts, emblèmes d'une certaine féminité, ou plutôt d'un certain regard, un regard masculin, sur la féminité, avec lesquelles le spectateur avait de quoi satisfaire un penchant pour l'érotisme et trouver plaisir à regarder une oeuvre libre et colorée. Pousser la porte d'une galerie d'art et se retrouver dans l'arrière-cour d'un salon de lingerie féminine, était un plaisir qui se révélait, à y regarder de près, très ambigu. Il ne suffisait pas d'entrer et de voir, mais d'engager la conversation avec les oeuvres, au sens ancien, de vivre avec et de les fréquenter. Passer dans l'arrière-cour, c'était quitter une représentation de vitrine, celle qui se contente d'un coup d'oeil vite fait, pour comprendre les objets d'un autre point de vue, pour entrer dans le jeu de l'artiste. Ses sculptures sont des artifices séduisants et des oeuvres dangereuses à plus d'un titre.
Au fil des expositions sans prétendre tout comprendre de l'oeuvre d'Alain Pontarelli, j'ai tenté le dialogue et je propose ici une conversation à partir de l'exposition de 30 ans et après... qui s'est tenue fin 2018, début 2019 à l'Hôtel des Arts de Toulon et des oeuvres créées pour le musée des Gueules Rouges à Tourves.
A Toulon, au rez-de-chaussée, dans la salle à droite en entrant, on découvrait les oeuvres intitulées Papillon du Maroni, Mains courantes du Maroni, L'écorché du Maroni, Sentier du Maroni, Colonie du Maroni.  
Maroni, Maroni, Maroni, le nom du fleuve frontière entre la Guyane et le Suriname, grondait d'un mur à l'autre. Maroni, Maroni, Maroni, rythme ternaire envoûtant, le choc du pic des chercheurs d'or, du marteau du forgeron qui, inlassablement, cognent comme les coups de matraque qui font plier l'homme et redressent les torts. Maroni, Maroni, Maroni, les cloisons de la salle dressées comme les murs d'une cellule, renvoyaient le mot, pas d'issue au cachot. Maroni, Maroni, Maroni, l'omniprésence de ces mains géantes, comme les poings serrés du bagnard pour contenir son cri, pendant que les mains du garde chiourme, crispées sur sa trique, égrènent les coups. Maroni, Maroni, des centaines de papillons étoilaient le mur et transperçaient la blancheur immaculée des parois de cette grande boîte d'entomologiste et pas moyen de faire taire le murmure lancinant des trois syllabes.  Maroni, en référence au bagne colonial de Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane française, mis en service en 1852 sous le régime de Napoléon III, après la fermeture de celui de Toulon, qui ne ferma ses portes qu'en 1946. Bagne dont on ne pouvait pas s'échapper, rendu célèbre par le récit de l'ex-bagnard Henri Charrière, dit « Papillon », adapté au cinéma par Franklin Schaffner en 1973, avec dans les rôles principaux, Steve McQueen et Dustin Hoffman.  
Là, dans la salle de l'Hôtel des Arts de Toulon, les ossatures de fer tors fermé, soudé, figurant des exosquelettes de mains bourrées jusqu'à la gueule de feuillages séchés, s'inscrivaient comme le trait d'union entre des territoires éloignés partageant une histoire lourde comme l'acier et sauvage comme la végétation de palmes, ayant les accents doux-amers du poème de Verlaine évoquant la prison belge où il purgeait sa peine : « Le ciel est, par-dessus le toit, /Si bleu, si calme ! / Un arbre, par-dessus le toit, / Berce sa palme. / La cloche, dans le ciel qu'on voit, / Doucement tinte. / Un oiseau sur l'arbre qu'on voit / Chante sa plainte [...] -Qu'as-tu fait, Ô toi que voilà / Pleurant sans cesse, / Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà, / De ta jeunesse. » Sagesse (1881)

Des mains colossales, seulement des mains, pour évoquer le bagne, le bagnard et le travail forcé, pour signifier que le bagnard perdant sa liberté n'est plus un homme, mais une force de travail à perpétuité, réduite à ses mains. Des mains, pour marquer la brutalité du rapport de force entre celui qui reçoit les coups et celui qui les donne, une histoire de poings dans un enfer vert.

Ce qui apparaissait dans cette exposition, c'était le poiein , c'est-à-dire l'acte de transformer, de produire et de créer des objets de manière à ce que, comme en poésie, l'objet qui désigne une chose acquière des significations plus vastes, par le travail de la mise en forme. Là, les installations étaient poétiques, grâce à l'économie des moyens et à l'exploitation de toutes les ressources de formes, de matières, de situation dans l'espace, auxquelles s'ajoutaient des mots, par l'intermédiaire des cartels et des titres. Une oeuvre figurative qui invente des objets inédits, séduisants pour l'oeil et intrigants pour l'esprit, des énigmes ouvertes à de multiples interprétations.

Pour l'exposition au Musée des Gueules Rouges de Tourves, les pièces créées mêlent des matériaux variés, fer tors, tôles, végétaux, bois brut, vêtements façonnés ou chiffonnade de tissus légers et tous ont exactement la même valeur artistique. Tous doivent être considérés au même degré dans le geste artistique et pour le potentiel poétique, les pièces fabriquées de la main de l'artiste (les yeux, les mains, les couronnes, les coeurs) et les matériaux récoltés (veste, chapeau, lunettes, pieds de table en bois, chevrons, etc.). Il n'y a pas de hiérarchie entre les objets créés et les objets récoltés, de même qu'il n'y a pas de hiérarchie entre les mots d'un poème, il y a des mises en forme choisies qui favorisent des rencontres poétiquement organisées, qui transforment les propriétés rationnelles des objets et leur permettent d'augmenter leur potentiel signifiant et d'exprimer plus que ce que les objets eux-mêmes ne le pourraient.
Organiser des chocs visuels, chercher le contraste des textures et renouveler les sensations qu'elles transmettent : fer/bois, fer/mousseline de tulle, fer/verre. Le choc est encore de rapprocher des objets de factures différentes, le fabriqué et le ready-made duchampien.
Le geste du sculpteur qui fabrique à partir d'acier, de fer tors ou de tôle est celui de ferronnier-métallier et renvoie au monde ouvrier et à l'histoire familiale d'Alain Pontarelli, le grand-père et le père de l'artiste ayant travaillé pour les chantiers navals de La Seyne-sur-Mer. A cela s'ajoute le procédé de peinture thermolaquée, couramment utilisé dans l'industrie automobile. Enfin, Pontarelli n'exclut pas de produire en série et de fractionner son travail en étapes simples, élémentaires, exécutées de façon répétitive au nombre d'exemplaires visé. Toutefois, chaque pièce est unique, artisanale. Et c'est un jeu de construction et de création efficace et ludique. Alain Pontarelli intègre deux concepts que l'on a opposés au cours du XXe siècle, la sculpture traditionnelle qui crée des formes et le ready-made duchampien, qui déclare que l'objet manufacturé a le statut d'oeuvre d'art du moment qu'il est regardé en tant que tel. Il en imagine donc un autre dans le parcours de l'exposition, le choc des concepts et le jeu décalé, pour instaurer un mode de dialogue avec le spectateur, un mode ludique et intelligent qui le place comme acteur dans la construction du sens.

Il faut d'abord revenir sur la notion de jeu et de plaisir. Le plaisir de créer, visible dans l'abondance des oeuvres réalisées, je pense à la pièce produite à trente exemplaires pour Le mur qui regarde, ou le déploiement d'une forme (les lunettes) en une multitude de propositions décalées et colorées, sorte d'exercice de style oulipien, de la série Optique : Optique tribal, Optique anémone, Optique feuillu, Optique fuoco, Optique palmes enneigées, Optique kabuki, Optique patte d'oie, Optique x ray. Une fascination pour les yeux, le regard, les lunettes, le masque. Une fascination pour tous les accessoires qui sont des écrans entre le regard et la réalité qu'ils habillent, travestissent ou permettent de voir autrement. Quelques masques semblent adopter le principe de camouflage, mimer pour se cacher, rencontré chez certains animaux et certaines plantes pour ne pas se faire voir de leur prédateur, ou pour attraper leur proie : mimer la feuille, mimer la fleur, mimer le flocon de neige, etc. D'autres sont des masques pour voir au-delà du visible : Optique x ray. Masques, donc, invitant à accéder à une réalité poétique, alternative aux réalités triviales qui sont notre lot quotidien, comme aux réalités augmentées ou virtuelles qui rencontrent, aujourd'hui, tant de succès. L'objet artistique, la pièce ou l'oeuvre, appelons-le comme on veut, est un objet augmenté qui exerce le regard différemment, il n'est pas un objet-outil utile au sens trivial, il n'est pas un ready-made de la pensée, non plus, il est une forme attractive, sensible et intelligente. Regardant les Optiques d'Alain Pontarelli, je pense à certains films de Michel Gondry, The Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004), La Science des rêves (2006), Soyez sympas rembobinez (2008), Microbe et Gasoil (2015), autant de films dans lesquels la place accordée aux objets détournés artisanalement est fabuleuse, délirante, poétique, parodique et critique au second degré. Interrogé à leur sujet, Michel Gondry dit vouloir « des objets réalistes, low-tech, inquiétants par leur côté non professionnel, de manière à désacraliser la technique ». Si, esthétiquement, les oeuvres de Pontarelli ne rejoignent pas celles de Gondry, on apprécie chez l'un et l'autre le goût persistant pour l'objet rappelant le jouet (même quand il est érotique), proposé comme un objet à la fois technique et artistique, réel et imaginaire, qui a le pouvoir de déranger, d'amplifier et de renverser le regard.
Les Optiques accrochées au mur à hauteur de regard nous observent autant que nous les observons. Elles sont les spectateurs d'une tragi-comédie où chaque oeuvre est un personnage que le regard du spectateur vient animer, il n'est pas seulement celui qui regarde, il est en interaction avec les oeuvres, il fait partie du dispositif. Le Mur qui regarde, est un mur de spectateurs faisant du visiteur un acteur. Il est aussi une variante de l'avertissement « les murs ont des oreilles », et rappelle les caméras de surveillance omniprésentes et la dérive sécuritaire de nos sociétés, dénoncée dès la fin des années quarante, par Georges Orwell, dans le roman 1984. Objet composite associant des lunettes noires à un nez de clown, reproduit à une trentaine d'exemplaires, le Mur qui regarde joue sur le renversement de la posture de l'oeuvre et du spectateur. Si avec Marcel Duchamp, l'objet devient oeuvre d'art du moment qu'il est déclaré tel par la volonté de l'artiste qui le présente dans un espace d'exposition, ici les dispositifs d'exposition et les oeuvres, précisément les Optiques, sont voulus pour amplifier la position critique de l'objet par rapport au spectateur en exhibant la place et le pouvoir dissimulé de l'objet dans la société de consommation et de culture de masse. En faisant disparaître la fonction prosaïque de l'objet, en le couvrant de couleurs rutilantes, en lui ôtant sa fonctionnalité, il révèle leur pouvoir hypnotisant et séducteur mais pourtant dangereux, voire toxique. Notre relation aux objets est ainsi interrogée, sacralisation de l'objet, désir de divertissement, aveuglement face à la réalité.
C'est le sens que l'on peut donner à Bilboquet, une oeuvre composée de deux mains de fer reliées par des chaînes, dans lesquelles sont fichés des bâtons en bois tourné. Le titre de l'oeuvre renvoie à un jeu d'adresse, à un pur divertissement, impraticable ici, et on pense plutôt aux expressions, il s'est fait taper sur les doigts, il s'est pris un retour de bâton. Les puissantes mains d'acier ou gants d'ouvrier, évoquent des équipements de protection individuelle, rendus inutiles et hors d'usage, pendant à l'extrémité de chaînes qui les entravent.
Pour revenir aux Optiques, l'accessoire clownesque dont elles sont ornées, les couleurs attractives qui en jettent, les paillettes qui nous font de l'oeil, nous les rendent sympathiques et privilégient la perception de masques de comédie burlesque dans la pure tradition de la commedia dell'arte italienne. La pièce Optique Kabuki évoque le théâtre japonais dans lequel les formes, les couleurs et les sons vont atteindre les spectateurs en des points précis de leur organisme. De ces formes théâtrales très physiques, Antonin Artaud tira le concept de Théâtre de la Cruauté, un spectacle total « qui nous réveille : nerfs et coeur ». Du masque à la comédie, de la comédie à la satire sociale, la suite de l'exposition est un défilé de personnages tragi-comiques, marionnettes et épouvantails, jouant de leur mimétisme anthropomorphique, de leurs accessoires amusants, à première vue dérisoires et humoristiques, bonnet de lutin, chapeau de paille, noeud papillon et couleurs vives pour séduire et flatter le spectateur, avant de lui décrocher une vérité coup de poing.

Portant bien et Round Up l'Epouvantail, sont deux pièces significatives à cet égard. Ces deux sculptures conçues selon le même principe, un crâne en fer tors soudé garni de tulle coloré, coiffé d'un bonnet pointu rouge pour le Portant bien et d'un chapeau de paille pour Round up l'Epouvantail, fiché au sommet d'une structure en bois brut à mi-chemin entre la croix et le poteau de direction qui évoque aussi un squelette humain. Au bout des bâtons servant de bras, de solides mains en ferraille. A la place du col, un large noeud papillon en métal découpé, laqué en noir brillant, comme les hommes en smoking en portent pour parachever leur tenue de soirée. Mais, la fête est finie ! En place du sexe ou du slip kangourou, un gros noeud en tôle découpé, laqué blanc, allusion sexuelle évidente. Round up l'Epouvantail, perçu comme tel au premier regard, est un dérisoire unijambiste claudiquant sur son unique sabot, une allégorie de la mort. Round up, épelé ici en deux termes, est une allusion au rassemblement des victimes de la puissante firme Monsanto, productrice de l'herbicide Roundup. L'issue du procès n'est pas tranchée, qui sera le gagnant ou le perdant du match juridique qui les oppose, up or down ? Portant bien est à la croisée des chemins entre le pantin de bois Pinocchio, le Père-Noël et l'image d'Epinal de l'ouvrier, son couvre-chef pointu rouge rappelle le foulard rouge de la tenue traditionnelle des mineurs, et plus généralement des ouvriers, mais là encore, le crâne exhibe l'ironie de l'objet, à rebours d'une lecture idéalisée, lénifiante et trompeuse, ni le mineur, ni l'ouvrier ne sont bien portant dans l'ère post-industrielle ! Jouets et pantins d'une économie capitaliste, ils sont les victimes sacrifiées sur l'autel du profit.
Sans fioriture et sans ironie cette fois, Col bleu et mains rouillées est un vibrant hommage au monde ouvrier. Un cintre métallique est revêtu d'une véritable veste de mineur de coton bleu, les manches se terminent sur des mains en fer tors soudé, laissées dans leur apparence de fer brut, rouillé. Elles sont démesurées. Cette sculpture qui est une allusion au vestiaire des mineurs, fait l'éloge du travail manuel et de la condition ouvrière, mais la démesure des mains rouillées est tragique.
L'éloge est comparable dans les oeuvres Pelle à charbon et Workers'arms. Pelle à Charbon est constituée d'une pelle usagée et de deux volumes en forme de mains, magnifiquement sculptés. Cette oeuvre transmet une émotion. On dirait des gants d'ouvriers déformés par l'usure qui garderaient à jamais la forme sensible des mains qui s'y étaient glissées. Déposés sur le plateau de la pelle, ils semblent des offrandes à une divinité. Workers'arms est composé de deux pelles de mineur posées côte à côte. Le manche est prolongé par une main sculptée enveloppée d'une mousseline noire, qui en épouse la forme comme un bas galbe la jambe d'une femme. Le surgissement de l'accessoire féminin dans cet objet viril, issu d'un univers essentiellement masculin interpelle. De façon similaire, les nombreux crânes visibles dans l'exposition, sont garnis de tulle, tissu léger aux couleurs vives, intéressant pour le contraste de matières qu'il introduit par rapport au fer et pour l'évocation de la femme, comme une obsession en creux, lovée à la place du cerveau. On peut se demander s'il faut y voir une quelconque transposition du dessin qui par illusion optique, superpose le corps nu d'une jeune femme au profil de Freud, intitulé What's on man's mind ? L'obsession pour la féminité est encore explicite dans La Bouche charbonneuse, une bouche de métal aux lèvres rouges et pulpeuses, brillantes comme une carrosserie de berline américaine, d'inspiration Pop'Art. Visuellement c'est une synthèse de la bouche de Marylin Monroe, du canapé en forme de bouche que Dali réalisa pour le musée de Figueras et une allusion à l'affiche du film de Federico Fellini, la Città delle Donne (1980). Séductrice et sexy, la bouche d'Alain Pontarelli est charbonneuse. Parée d'un voile noir, elle exprime le deuil et la mort, rejoignant l'image d'une femme, sexuellement désirable mais inquiétante et dangereuse que l'on trouvait dans l'exposition « Conversation saphique dans une arrière-cour ». Poursuivant le chemin de l'obsession sexuelle, la mine de charbon, peut aussi être perçue comme une bouche, ou un orifice inquiétant et dangereux dans lequel les ouvriers pénètrent. L'esthétique Pop'Art à laquelle se réfère la sculpture d'Alain Pontarelli, tend toujours à exhiber la séduction comme un leurre potentiellement dangereux qui aveugle le réel.
Ici, au Musée des Gueules Rouges, Alain Pontarelli nous parle de la fin d'une époque industrielle et de la muséification du monde ouvrier. Carré noir sur fond avec mains en écart, peut-être vu comme allusion à l'oeuvre Carré blanc sur fond blanc de Malevitch, où l'artiste russe poursuivant l'expérimentation sur la couleur à l'extrême, parvient à ce que l'on a considéré comme la mort de la peinture. En parallèle, l'oeuvre de Pontarelli montre le cynisme d'une logique économique capitaliste qui poussée à l'extrême, crucifie l'humain. En ce sens, elle est aussi comparable au Carré noir sur fond blanc du même Malevitch, exposé à l'endroit où l'on expose les icônes dans les maisons paysannes russes. Le carré noir de la sculpture d'Alain Pontarelli évoque le carreau de mine, lieu de travail et de souffrance, que le processus de muséification sacralise, après qu'il a été sacrifié sur l'autel de la rentabilité, par le capitalisme. Pour cette raison, cette oeuvre peut-être vue comme une icône. L'Idole, autre pièce de l'exposition, peut être comprise de façon sensiblement analogue pour sa dimension provocatrice et spirituelle. L'Idole figure un Christ en croix, deux chevrons de bois brut forment la croix, le corps disparaît, seuls les ornements en métal découpé et peint symbolisent certains repères classiquement présents dans les sculptures et les peintures de crucifixion : l'auréole, la couronne d'épine, le sacré coeur, le pagne noué autour des hanches et les clous. Mais, l'ensemble est traité dans le langage formel pontarellien, on voit des couleurs de panoplie de déguisement d'infirmière, le blanc, le rose, mais alors d'infirmière sadique, puisque les clous et l'auréole sont figurés comme de larges bracelets de métal, garnis de pointes, à l'instar des bijoux punks et des accessoires sado-maso. L'auréole jaune d'or est elle-même agrémentée de pointes qui la font ressembler à une couronne d'épines ou un collier pour chien-méchant. Comme on l'aime, celui qu'on a torturé à mort ! L'Idole interroge le choix de l'image de la crucifixion comme icône dans la religion chrétienne et elle dénonce d'une tentative de sanctification de la condition ouvrière, après que la classe ouvrière a été mise à mort.  Allusion douce-amère aux chantiers navals et aux carreaux de mine, deux industries issues de la révolution industrielle du XIXe siècle, qui n'ont pas survécu au capitalisme triomphant.

Les Gueules Rouges et Le Grand Conseil sont constituées de nombreux crânes en fer tors stylisés, sensiblement à taille humaine, peints en rouge. Les premiers sont pendus dans l'espace comme des têtes sans corps, ils figurent les mineurs et plus largement la classe ouvrière sacrifiée sur l'autel du profit. Se balançant dans le vide au bout d'une corde, ils semblent pour toujours entonner la Ballade des pendus du poète François Villon, « Frères humains qui après nous vivez, N'ayez vos coeurs contre nous endurcis, Car si pitié de nous avez, Dieu en aura plus tôt de vous merci ». Les crânes des membres du Grand Conseil sont eux affublés d'un entonnoir, orifice béant, symbole d'une faim qu'on ne peut jamais rassasier. Ils sont posés sur des bonbonnes de vin en verre aux ventres démesurément gonflés. Symbolisent-ils les grands patrons des industries ? Les crânes des uns et les crânes des autres sont absolument semblables, après la mort, rien ne distingue plus le petit ouvrier du grand patron. Les paroles de la chanson Armstrong, de Claude Nougaro résonnent : « Au-delà de nos oripeaux/ Noir et blanc sont ressemblants/ Comme deux gouttes d'eau... ». La mort est l'ultime leçon pour les aveugles du coeur, vainement accrochés à la quête de richesses matérielles. Memento mori, souviens-toi que tu es mortel.

Plus que jamais, les oeuvres anthropomorphes d'Alain Pontarelli, sous un masque ludique, semblent révéler un drame.

Florence Laude
Décembre 2019










Alain Pontarelli : L'écart maniériste

Si l'on interroge Alain Pontarelli sur les particularités de son identité d'artiste, il répondra volontiers qu'il est avant tout un sculpteur. Mais cette référence, dominée par l'esprit des anciennes catégories de l'histoire de l'art, ne dit rien précisément de son inscription personnelle dans le vaste champ historique qu'elle convoque. Elle apparait dans ce cas plutôt comme une coquetterie de langage pour couper court à une explication plus détaillée de ce que le nom de sculpture signifie pour lui.
Cette question, reprise à partir du récit visuel livré par le déploiement de son oeuvre, s'éclaire cependant d'un jour qui nous permet de comprendre certaines des pistes du cheminement artistique aboutissant aux réponses qu'il propose à notre regard. Sa recherche intègre en effet un processus de génération de la forme et une spatialité spécifiques où le processus sculptural est globalement interrogé, sous le signe d'un humour paradoxal, du point de vue de ses mises en oeuvre physiques et des échos signifiants portés par les éléments visuels qui le constituent.
C'est ainsi, par exemple, que la place centrale donnée au dessin comme principe d'invention de la forme se traduit littéralement dans la construction des pièces par une matérialisation métallique du trait, non seulement dans sa dimension graphique mais aussi comme structure de sa projection dans l'espace. Dans ces conditions la sculpture apparait comme un dessin tridimensionnel dont la légèreté visuelle contredit la pesanteur même des matériaux dont elle est faite. Si l'on ajoute à cela que nombre de ces sculptures sont conçues comme des bas-reliefs, inscrits sur le mur qui leur sert de support comme un dessin sur la blancheur d'une page, il apparait à l'évidence que cette indexation graphique mise en scène par l'artiste est l'expression d'une stratégie majeure de sa relation au sculptural.
A rebours de toute la tradition moderne de la sculpture construite qui a donné à voir le poids, la puissance et la couleur oxydée de l'acier brut comme signifiants définitifs d'une identité matérielle de l'ère industrielle, Alain Pontarelli choisit presque systématiquement de revêtir de laque l'âme métallique de sa sculpture. L'utilisation de cet épiderme masquant la substance primaire dont sont faites ses pièces lui permet des jeux coloristiques variés et sophistiqués : une forme de picturalité déclinée quelquefois en couleurs chatoyantes qu'il peut associer à des éléments hétérogènes, bois naturels, bandes colorées, pour composer des objets hybrides, dont les aspects décoratifs sont exposés avec une franchise assez provocante au regard d'un certain puritanisme minimalisant. Dans ce contrepied esthétique il se confronte directement au monde des objets produits par l'industrie consumériste actuelle et certains aspects du design qui lui sont associés. C'est aussi dans cette confrontation qu'il se rapproche le plus de l'esprit ludique et acide du Pop-Art, de ses séductions ambigües et de son imagerie brillante et froide.
Toutefois, en poussant la dynamique décorative de sa sculpture jusqu'aux confins d'un maniérisme kitsch, l'artiste côtoie un monde indexé sur le lexique ornemental de la broderie et des ouvrages de dames. Dans cette extrémité il donne à son projet sculptural une exubérance grinçante qui lui permet de tenir à distance les glaçages mortifères de la répétition chic et lui ouvre un champ expérimental renouvelé. L'ensemble de l'entreprise se place alors sous le signe d'un humour mis au service de dessins-sculptures dont les complications ornementales et le maniérisme délibéré sont à la fois un pied de nez à l'éthique traditionnellement virile du sculpteur et un hommage décalé à l'érotisme iconophile du Pop-Art.
Jean-Marc Réol, Janvier 2016










Osons le postulat : Alain Pontarelli est sculpteur. Tendanciellement ? Principalement ? Essentiellement ? Autant de réserves qui tendraient à démontrer que la casuistique est inhérente à l'art contemporain. Pour tenter d'expliquer le paradoxe examinons les faits. Alain Pontarelli dessine, Non pas aussi, mais dans le même temps qu'il pense et réalise des volumes. Non des esquisses, des croquis, des schémas, mais des éléments constitutifs de son projet artistique. Il pratique également le collage. Une présence surréaliste assumée qui manifeste une volonté de penser l'hybridation comme vecteur de compréhension du réel. Saisir le sens d'une image, en créer de nouveaux, par la rencontre, le détournement, la séquence morcelée. Une volonté de saisir dans son mouvement même la mécanique des images, donc du récit. L'hybridation et la combinaison impliquent la segmentation. Etudier les ressorts (les secrets), du mouvement du monde en les mettant à nue. Disséquer le visible mais à la façon d'un horloger. Tout cela doit se faire par soi-même, en refusant toute pièce manufacturée. Ici, le readymade n'est pas de saison. Cet aspect artisanal que l'on distingue implique le changement d'échelle, le modèle réduit, y compris dans ses dimensions ludiques et souvent érotiques. Le désir secret d'un cabinet de curiosités contemporain où se dissimuleraient des objets du second rayon, « Irréguliers et libertins », Objets à mobilité réduite/objets maquettes. Devenir mécanicien, ouvrier d'un espace réinventé, celui d'une construction navale disparue (les Chantiers de La Seyne-sur-mer) comme ce fut le cas lors de l'exposition à la galerie La Tête d'Obsidienne en 2002 (Le Laborieux). Travailler, tordre, manipuler, tourmenter la forme et le sens pour en révéler leur permanente duplicité. La quête des causes internes constitue un point nodal de ce travail dont l'aspect rudimentaire favorise paradoxalement la complexité. « Quoi contient quoi » ? Alain Pontarelli a aussi élaboré des armatures, des boites, des cages dépourvues de grilles, dans lesquelles il tente vainement de s'insérer. Des corsets trop étroits, des réceptacles, des refuges imparfaits munis de rouages, de manivelles qui donnaient à voir cette dialectique du matériau et de l'organique. Une mécanique du vivant saugrenue et aliénante, un engrenage suppliciant dans l'esprit, sinon la lettre de Raymond Roussel. Prolongeant la piste en évoquant l'exposition, ou plutôt la récente série Conversation saphique dans une arrière-cour. Des sculptures en métal et matériaux divers avec des titres en forme de jeux de mots. Ciselages, découpes, corsets, talons, rubans, dessous féminins... La mécanique du corps érotique et aussi son armature, sa structure (La Femme qui marche). Nous parlons du dessin, du collage, de performance dans la perspective d'un dépassement des catégories de la sculpture. De la peinture également dans cet emploi de la couleur qu'Alain Pontarelli qualifie de « non peinture ». La peinture devient plus qu'une surface, une peau (l'organique encore). Souvenons-nous de la réflexion du Diderot : « en peinture comme en morale, il est dangereux de voir sous la peau ». Ici, la couleur recouvre, habille, rend conforme les objets. Elle les place, sous l'égide d'un point de vue tout à la fois neutre et informé. Elle caractérise l'apparence, son sens en laissant la mécanique en attente. Diderot serait perplexe, il laissait cet aspect aux savants ! Pourquoi pas aux sculpteurs ? Alain Pontarelli décline son travail en séquences. Le jeu de pistes empruntées, oubliées, défrichées, abandonnées, interrogent en permanence la forme en épuisant ses possibles. Les allers-retours favorisent l'émergence des récits induits comme autant de Machines célibataires « aux rouages figés ». Objets, dessins, collages ne sont au service mais s'inscrivent dans la perspective du volume, dans ce désir d'explorer en permanence la forme tridimensionnelle. Sans tabous, mains non sans règles. En ce sens, Alain Pontarelli s'affirme sculpteur de son temps (contemporain si l'on veut), mais surtout tel un artiste qui a su ouvrir, définir et baliser son propre champ d'expériences. Son univers singulier. Voilà l'essentiel.

Robert Bonaccorsi
2017











Mon travail de sculpteur est rudimentaire par ses mises en oeuvre, mais les objets produits possèdent une valeur ajoutée. La sculpture me permet de modeler de l'intérieur la forme endogène. Elle devient contenance : quoi contient quoi ? Une sculpture à claire-voie faite de fils d‘acier colorés ou pas. Cette matière ténue est ordonnée comme un squelette, s'impose alors la forme produite par le vide. Au début, il s'agissait d'étudier une mécanique en la démontant. Ensuite je construisais des armatures et confectionnais des écrins, ainsi que des prothèses et des cages dans lesquelles je prenais place, pour y actionner des manivelles. Je devenais alors un élément mécanique, tout à la fois absurde et aliénant. Je montre avec une certaine jubilation toutes les étapes de mon travail, formé par le trait en fer de mon dessin en trois dimensions. Les Objets maquettes, les Objets à mobilité réduite, les Archicages, les Tondi, les personnages, les installations développent un travail à double visage. Dans le genre tragicomique, situé entre le jouet et l'instrument de torture, la performance et la sculpture, l'image et le dessin. C'est à partir de ce moment que j'ai fonctionné malgré tout par série. Cela me permet de tirer le fil d'une idée jusqu'à l'aboutissement de la forme. Je travaille sur plusieurs séries : sculptures, objets, dessins, collages, images en les déclinant. J'aime interroger plusieurs formes et voir où cela me mène. Certaines pistes méritent d'être suivies plus longuement. Dans une série chacune des pièces produit son univers propre autour d'une histoire qu'elles partagent. Elles se construisent comme une suite qui se déplace dans le temps. Une série comme les objets à mobilité réduite, les objets maquettes issus d'un improbable cabinet de curiosité se nourrissent d'objets existants dans le réel. Certaines pièces antérieures constituent son énergie et avancent en parallèle. Le fait de travailler dans la durée me permet d'affiner mes réalisations. J'ai besoin de réaliser mes pièces moi-même sans avoir recours au ready made et selon une économie de moyen. Le « do it yourself » est pour moi la capacité de travailler à ma mesure, avec des contingences matérielles, financières, physiques tout en les remettants en cause pour repousser mes propres limites. Mes objets ne sont pas une appropriation du tout prêt, mais une copie dévoyée du réel. Certains objets sont produis dans un format réduit. L'échelle est celle d'un volume qui pourrait prendre place sur un bureau. Je m'approprie la forme du mobilier pour en détourner sa représentation. Je retire, rajoute certains éléments structurants. Avec cette petite fabrique, il s'agit de produire une pléthore d'objets comme l'on fait de multiples croquis, avant de trouver le bon rapport. Une certaine idée du faussement comique, d'une pensée érotique détourné et du doux amer, inverti dans le champ de la sculpture et du dessin sont les éléments récurrent de mon travail. Mes productions plastiques composent des récits qui prennent en compte l'espace dans lequel existent de multiples points de rencontres d'un univers imaginaire nourri par le réel et soi.

Le décoratif ou le faussement décoratif
C'est un élément assumé dans mes productions, notamment dans les Tondi. Il me permet de concevoir un décalage, une singularité qui détermine l'ornement de la pièce. Les Tondi sont des dessins en cernes forts qui s'ajustent et cloisonnent l'espace. L'encadrement agence les bordures du Tondo. Le cadre est constitué de formes baroques qui évoluent de la périphérie au centre. Les rythmes des lignes, les sinuosités s'agencent pour former une résille tumescente. Les motifs m'offrent la possibilité de détourer tout en modelant, d'entrer en profondeur dans une bidimensionalité à géométrie variable. Ces motifs, installent des signes topiques à mi-chemin entre structure armée et réseaux capillaires. Ils oscillent entre figuration et abstraction. C'est le kaléidoscope d'une mécanique érotisée aux rouages figés.

La couleur ou la non peinture
Elle tient une place importante dans mon travail. Elle met en place une physionomie sur chacun de mes travaux. Elle est traitée non pas dans la masse mais en recouvrement, comme une peau. Elle habille les pièces et met en conformité chaque objet. Elle peut être : bariolée, bicolore, mat, rehaussée, irisée, pailletée, thermolaquée, peinte au pistolet ou aux pinceaux.

Entailles : le couper à vif
C'est le tandem « sculpture-dessin » qui réapparait dans mes collages et images. Ces incisions mettent en place de nouvelles ébauches. Les prélèvements sont pratiqués sur des images publicitaires, (portraits, paysages, scènes de genres, objets) que je détourne. Certains éléments sont choisis pour y être redessinés au scalpel. Cette situation graphique se fond dans la scène ou parasite l'image qui produit un nouveau scénario.

Les dessins
Ce sont des écheveaux colorés qui produisent un modelé à deux dimensions. Les traits incisifs se mêlent entre eux pour révéler le graphisme. Ce type de dessin me renvoie à ma sculpture, qui est faite de fils. Elle produit un faisceau et devient forme.

Alain Pontarelli, 2013










Alain Pontrelli construit des tours, tours de Babel, de défense, d'attaque, à la fois métalliques, anguleuses et vides...des carcasses. Là s'impose la forme, produite par le vide, lui-même amplifié grâce au squelette du volume... Vanitas vanitatum et omnia vanitas, utopie grandeur réduite à un jouet qu'il nomme « Archicage ». Et il ne s'arrête pas. Ses « objets- maquettes », sortes de machines de guerre ou de torture, comme issus d'un improbable carnet de croquis d'un ingénieur militaire de la renaissance devenu fou. Curieusement, tout est fragile, délicat, en équilibre. Alain Pontarelli nous invite dans le cabinet de curiosités d'un condottière égaré dans un univers fantastique, onirique.
Rémy Kerténian pour l'exposition Atomik Blues, 2007


My concerns are sculptural. They concern matter, the way it takes shape and thow the object sits in space.
My first works were conceived realistically and inspired by classical sculpture.
Afterwards, the body was used to produce volumes which could hypothetically move about, emprisoning a part of my body which had served as the pattern for their construction.
In other sculptures, the body can be found through the "maquette-objects" which are in fact accessories understood as extensions of the volume.. These can be manipulated by the sense organs,
Their operation becomes absurd and derogatory as a result of the mechanism's banality and the fragility of the accessories that make it up.
In my works movement or displacement is fettered. Their materiality thus bears relation to a fictitious game, a fantasy.
Alain Pontarelli, 2000
Techniques et matériaux


Soudure, moulage, collage, entaille, couleur, dessin, assemblage, arc électrique, découpage, pliage, série, foisonnement, accumulation...
Mots Index


Sculpture, dessin, structure, corps, tissage, capillaire, dentelle, corset, volume, espace, rudimentaire, miniature, valeur ajouté, tragicomique, absurde, enfermement, faussement décoratif, fragment, érotiser, résille, surface, trait...
champs de références


Alan Clarke, Federico Fellini, Chantal Thomass, Paul Virilio, Dario Argento, John Kennedy Toole, Sergio Corbucci, James Ellroy, Jim Sheridan, Richard Brautigan, Christian Louboutin, Pier Paolo Pasolini, Alexander McQueen, Don Delillo, Thomas Pynchon, John Fante, Jim Harrison, Gus Van Sant, Akira Kurosawa, Kathy Acker, Primo Levi, Hubert Selby, Jack London, Bret Easton Ellis, Charles Bukowski, Ettore Scola, Grégory Corso, George Didi Huberman, Barbet Schroeder, Tennessee Williams...
repères artistiques


Fausto Melotti, Gino De Dominicis, Charles LeDray, Pierre Molinier, Vencent Fercteau, Martin Kippenberger, Shoji Ueda, Simon Rodia, Nobuyoshi Araki, Max Mohr, Paul Thek, Le Facteur Cheval, Giacomo Balla, Marcel Breuer, Conrad Marca-relli, William Copley, François Pouillon, Franz Kline, Helio Oiticica, Arman Avril, Franz West, Pierre Letuaire ...