Florent MATTEI 

Textes de Julien Camy, journaliste


La réussite d'une oeuvre artistique tient souvent dans sa capacité à toucher le coeur du spectateur/regardeur. Pour cela, il faut notamment savoir raconter une histoire. Et des récits, les photos de Florent Mattei en débordent. L'artiste investit ses images d'un espace de narration très fort, ouvrant ainsi une dimension nouvelle et imaginaire tout en évoquant le champ cinématographique. Que s'est-il passé pour en arriver là et que se passera-t-il ensuite ? Telles sont les questions que nous nous posons devant ses photographies. Chacun de ses clichés sont des incitations à penser, à réfléchir, à imaginer, instaurant ainsi un échange privilégié avec le regardeur. Les oeuvres se prolongent, s'imaginent dans les esprits et deviennent alors uniques pour chacun de nous. D'une précision au réalisme frappant, la vie y éclate. Mais il se garde bien d'en faire des images réalistes. La mise en scène minutieuse et perfectionniste donne un recul important pour se projeter avec intensité et acuité. Tensions, haine, incompréhension, violence... ses images sont le reflet des interrogations qui parcourent notre société et sa génération. Elles portent avec elles une part de réel, chacune comportant en son sein un élément, un détail en lien direct avec le sujet de la scène photographiée. Le contexte sociétal porté par ses photos est aussi une prise de position et un engagement ferme et franc du discours de l'artiste. Inspiré par l'actualité, par des faits de société qui l'agacent ou le révoltent, celui-ci lève l'objectif pour témoigner d'une tension sociale et d'un monde qui chaque jour se répète « jusqu'ici tout va bien ». Ainsi, par ses ponts multiples entre la réalité et la fiction, entre cette réalité fictionalisée et le spectateur, l'art de Mattei se veut populaire, nous interpellant et nous appelant à « participer » par cette mise en abyme de notre société. Populaire aussi par ses références culturelles et musicales, et son envie de redonner à l'artiste son rôle d'agitateur et de relais d'un sentiment populaire qui s'exprime.



Série "Poussières", 2015

Un enfant. Une famille. Un père et son fils. Ou encore une femme regardant au loin. Ils ont  leur corps, leurs vêtements, visage blanchis par la poussière. Derrière eux, un paysage du Moyen-Orient avec ses collines et ses figuiers de barbarie. Cette population lambda semble sortir d'un bombardement. Ils pourraient être nous.
Le dispositif est visible. Ils posent dans un studio, s'appuyant sur une chaise ou un colonne grecque un peu pompeuse. Le paysage du fond est peint. Dans ces 20 photos réalisées au moyen format en argentique, Florent Mattei convoque une tradition ancienne empruntée à la photographie de portrait de la fin du XIXème, début du XXème siècle. En artiste contemporain, il pastiche et transcende cette esthétique d'époque par la couleur, propulsant cet imaginaire populaire classique dans le monde en guerre d'aujourd'hui. Chacun est alors interpellé par ce sujet plus prégnant. Percutantes et belles, ironiques et sérieuses, ces photographies deviennent ainsi intemporelles.