Luc DUBOST 

Petit à petit, j'avais l'impression de me perdre. Au plus j'avançais dans mes recherches, au plus je me sentais éloigné de tout ce que je porte en moi. C'est comme effacer un à un, insidieusement, de sa mémoire les visages des camarades de classes. Oublier les temps heureux de la première gorgée de bière et tous les autres plaisirs minuscules qui ont contribué à former mes goûts et ma sensibilité.

J'avais besoin de (re)créer un décor, un monde que je connaissais mais que j'ignorais de plus en plus dans mon travail. Ce monde qui est le mien. Un mélange d'images qui m'ont formé, ou dont j'ai envie de me débarrasser pour me sentir plus léger. C'était devenu pour moi une nécessité de renouveler des images qui me fascinaient. Dans le sens où la fascination est un mélange ambiguë de peur et d'admiration.

Ce nouveau travail est un retour aux sources, autant dans les matériaux utilisés que sur les sujets traités. C'est aussi une manière de recoller ces clichés que j'avais enfouis en moi. Même s'il y a une pudeur, voir une gêne, de montrer des secrets qui n'ont de valeur que pour celui qui les a vécu.

Cette plongée dans mes souvenirs m'a confronté aux paysages des basses Alpes qui sont autant de clichés : la partie de boule, le linge qui sèche, la rocaille, les versants où fourmillent les transhumances. Et sans vraiment m'en rendre compte j'ai focalisé sur le mouton.

Le mouton qui façonne les paysages et qui fait aussi partie du paysage. Le mouton dont l'intervention est très dure vis-à-vis de la nature : Il ne coupe pas l'herbe, il l'arrache avec les racines. C'est un geste agressif, sans compromis.

Il prend ce qu'il a à prendre, avec cette violence contenue, et il poursuit son chemin.

Il ne se pose pas de question. Il suit l'homme avec cette confiance légendaire et se rend mille fois utile sans le savoir. Moi aussi j'ai souvent envie de suivre aveuglément les hommes. Et de me rendre utile.

Le côté rustique de la rocaille qui a délimité le jardin de mon enfance m'a aussi séduit. Ces représentations de la nature, ces concrétions minérales, ces imitations du bois, sinuosités végétales, gargouilles camouflées ou coquillages fossilisés sont souvent assimilés aux parents pauvres de la décoration et de l'artisanat. On a souvent utilisé la rocaille par économie dans des constructions par goût, mais aussi par manque de moyens ou de compétences à façonner des angles droits.

Et même si je ne suis pas engagé politiquement ou socialement, j'ai un rapport direct à l'artisan, au maçon, au berger qui sont le capital humain de notre civilisation.

Je ne revendique pas le côté provençal de la crèche, même si la crèche fait partie de la culture et des images qui ont bercé ma jeunesse. Et d'un autre côté, je ne veux pas non plus entrer dans la course à l'innovation événementielle qui va mourir avec l'événement lui-même : Je pense avoir assez mûri pour me contenter des matériaux qui me ressemblent et que j'ai à portée de main. C'est donc de cette façon que je revendique mon identité.

Luc Dubost





Techniques et matériaux


bois / wood
peintures / paints
cires / wax
crayons de couleurs / colored pencils
tronçonneuse / chainsaw
arrachements / tearings
Mots Index


nécessité du corps / the need of the body
indispensable désir / indispensable desire
présence
action
charge corporelle / bodily impact
charge spirituelle / spiritual impact
champs de références / repères artistiques


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