Christophe MARTIN 

Il travaille avec de la semoule, un ordinateur, un appareil photo, des outils pour le bois ou de l'adhésif c'est selon. Pour vidéos et sculptures. Des sculptures verticales en bois ou au sol en semoule, de la semoule colorée sous forme de tapis : façon de monopoly ou paquet de saucisses et code barre. Il dessine avec de l'adhésif sur des murs ou des vitrines. Il détourne la semoule et l'adhésif. Ambigu. Un dessin à l'adhésif représente un officier qui se fait lacer les chaussures par une jeune fille. A-t-elle le choix ?
Il réalise aussi des vidéos. Des vidéos sans choix ni fin. Aussi équivoques que la jeune fille à lacet. On ne sait pas s'il les aime, si elles le fascinent ou s'il les déteste. Dans sa vidéo intitulée Abdomen/Guillaume II, il réunit photographies dessins d'un dictionnaire encyclopédique dans un enchaînement formel de type morphing. De Abdomen à Guillaume II, les objets et les gens font une gymnastique enchaînée. Les photographies et dessins s'enchaînent en une image continuelle qui se transforme et tourne au centre de l'écran, prenant la forme de six cents images, boucle sans fin, feu de cheminée éternel à l'écran, façon d'illustrer un rêve encyclopédique et numérique, et son cauchemar, celui de tout rassembler dans un savant entonnoir, le meilleur et le pire, le bien et le mal, le vice et la vertu. Dans une vidéo, les couchers de soleil succèdent aux couples d'amoureux qui succèdent aux cocotiers, aux plages, aux nageurs, aux bateaux, des images de poster pour agences de voyages ; ces images d'une banque d'images pour graphiste s'ouvrent vite à l'écran et giclent au visage du spectateur, sans point de fuite, le tout accompagné d'une musique techno. Aucun échappatoire au défilé. Ceci est notre monde. Voilà des vidéos à mettre dans un coin, sur un mur de boîte de nuit. Ailleurs il présente des écrans dans une pièce noire, sur chacun tourne un objet gris, un colt, un fauteuil roulant, des jumelles, une hache, un couteau. Il se tient à la lisière de la publicité, à la limite du non-sens. Ni choix ni fin. Ce qui l'attire ce sont les limites et l'incertitude, le malaise, le jeu avec le feu. S'il choisit les inventaires et les listes ce serait pour éviter de choisir. Il n'y a qu'à se pencher, nous sommes entourés d'inventaires, de listes, comment ne pas tout prendre pour s'en débarrasser.
Il veut du constat. Il n'y a pas de jugement. Ou bien dans l'ambivalence, le double sens : positif et négatif, image de notre monde qui donne le meilleur et le pire. Les couleurs sont choisies sans choix. Pourquoi s'arrêter ? Il place en boucle. Ce sans fin serait notre temps, notre temps d'informatique aux possibilités infinies, avec son réseau du plus ignoble au plus noble, sa succession de bien et de mal.
Cette ouverture du sans fin donne des vidéos closes, où on peut tout interpréter, et rien interpréter. Celui qui ne jette rien ne tient à rien. Il prend des images dans les revues, les catalogues, partout, pour la sensation des objets, leur présence. Il veut que les choses existent dans leur forme. Il aime les choses simples. Ni parasite ni fantaisie. Un peu austère. Soigné, équivoque, clean, clinique, cynique, joli, horrible. La précision et l'ordre jusqu'à la provocation, mélange de fascination et de dégoût. Fascination pour le mouvement giratoire, un goût enfantin pour l'image en 3D qui tourne, pour l'image qui revient, l'amour de l'identique à répétition. Le système du circuit fermé.
L'ordinateur est son atelier et son médium principal de chaque jour. Avec l'ordinateur l'idée de l'objet unique (à vendre) l'a quitté. Et il ne veut plus stocker. Stocker l'étouffe. Avec la semoule ou l'adhésif, (l'éphémère et la précision d'un dessin sur le sable avant la marée), il évite aussi le poids du stock. Il voudrait juste agir. Le CD Rom qu'il prépare s'appelera : Act as a free person, please just press the button, agis comme une personne libre, appuie juste sur le bouton.
Il a un projet de catalogue d'exposition imaginaire accompagnée de textes en yaourt. Dans sa vidéo intitulée Martin Christophe (où est le nom, le prénom ?), il fait suivre les quatre cents Christophe Martin du Minitel. La publicité, en bas de chaque page de Minitel finit par tout occuper, capter (Évitez les kilos en trop... Tout sur la généalogie...), on ne voit plus qu'elle. On ne pouvait pas vous vendre des pages électroniques de publicité, alors on a pensé le personnaliser.
Pour Christophe Martin tout peut s'inverser, rien n'est sûr. Autant être insaisissable. S'amuser de l'ambiguïté, loi sans équivoque. L'accumulation, le jeu, la liste, l'inventaire, l'absence de choix, la rotation, tout nous conduit à la machine, à la mécanique, au mouvement perpétuel, au système en boucle, au système idiot et autonome. Là où les choses ne sont jamais finies.
Le souci, nous le savons, vient des choix multiples et incessants. Ça nous éreinte de choisir du matin au soir. C'est la raison pourquoi les dirigeants gardent les grandes décisions et laissent aux employés la foule des détails quotidiens.

Jean-Pierre Ostende : Ne rien vouloir dire mais quelque chose in catalogue Lundi-Jamais, Kunsthaus Hambourg, 1998
He works with semolina, a computer, a camera, woodworking tools or adhesive according to. For videos and sculptures. Vertical wooden sculptures or on the floor in semolina, colored semolina in the shape of a rug : monopoly style or package of hotdogs with barcode. He draws with adhesive tape on walls or windows. He deviates semolina and adhesive tape from their intended use. Ambiguous. An adhesive drawing represents an officer having his shoes tied by a young girl. Does she have the choice? He also makes videos. Videos without choice or end. As ambivalent as the girl tying the laces. It's not clear whether he likes them, whether they fascinate him or if he hates them. In his video entitled "Abdomen / Guillaume II" he assembles photographs and drawings from an illustrated dictionary in a formal succession of the morphing type. From "Abdomen" à "Guillaume II", things and people do one unending gymnastic exercise. The drawings and photographs form a continuous image which transforms and turns on itself at the center of the screen, assuming the form of six hundred images, endless loop, eternal chimney fire on the screen, a way of illustrating an encyclopedic and digital dream, and its nightmare, that of all compiling in a knowing funnel, the best and the worst, the good and the bad, vice and virtue. In one video, the sunsets follow couples who follow coconut trees, beaches, swimmers, boats, images of posters for travel agencies; these images from an image bank for graphic designers opens quickly on the screen and spurts into the viewer's face, without a vanishing point, the whole accompanied by techno music. No way to escape the parade. Tis is our world. Here's some videos to put in a corner, on the wall of a night club. Elsewhere he displays screens in a dark room, each shows a gray objet turning, a colt, a wheel chair, binoculars, an ax, a knife. He walks the fringes of advertising, the limit of nonsense. Neither choice nor end. He's attracted by the limits of uncertainty, discomfort, playing with fire. If he chooses inventories and lists it's to avoid having to choose. A quick glance and you'll see, we're surrounded by inventories, lists, how to avoid taking everything so as to rid oneself of it? He wants observations. There is no judgement. Or else in ambivalence, the double meaning : positive and negative, the image of our world offering the best and the worst. Colors are chosen without choice. Why stop? He loops. This endlessness would be our time, our computer time and its infinite possibilities, with its network spanning the most ignoble to the most noble, its succession of good and bad. This coverage of that without end makes for closed videos, where one can interpret eveything and nothing. Nothing is dear to he who throws nothing away. He takes images form magazines, catalogs, everywhere, for the sensation of objects, their presence. He wants for things to exist in their form. He likes simple things. Neither parasite nor fantasy. Slightly austere. Tidy, equivocal, clean, clinical, cynical, pretty, horrible. Precision and order to the point of provocation, a blend of fascination and disgust. Fascination for the gyrating motion, a childlike taste for 3D images that turn,return, a love for the identical in repetition. The closed-circuit system. The computer is his studio and his primary everyday medium. With the computer, the idea of a unique object (to sell) left him. And he no longer wants to stock. Stocking suffocates him. Semolina and adhesive tape, (the ephemeral and the precision of a drawing on the beach before high tide), allows him to avoid the weight of stocking. He would like just to act. The CD-ROM he's working on is called : Act as a free person, please just press the button... He has a project for an imaginary exhibition catalog accompanied by texts in yogurt. In his video entitled "Martin Christophe" (which is the first, the mast name ?), the four hundred Cristophe Martins in the Minitel directory follow each other. The advertisement at the bottom of each Minitel screen ends up taking all the space, attracting al the attention (Avoid those extra pounds...Everything about your family tree...). Not being able to sell electronic pages of advertising, one decided to personalize them. For Cristophe Martin everything can be reversed, nothing is certain. Might as well be elusive. Have fun with the ambiguity, law without ambiguity. Accumulation, play, the list, the inventory, the absence of choice, rotation, everything leads us to the machine, mechanics, perpetual motion, closed circuit systems, to the idiotic and autonomous systems. Where things never finish. The concern, as we know, comes fromendless and multiple choices. It's exhausting to choose from morning to night. This is the reason why our leaders keep the big decisions for themselves and leave the daily details to the hordes of employees.
Jean-Pierre Ostende : "Ne rien vouloir dire mais quelque chose" (Not wanting to say anything but something) in the catalog Lundi-Jamais, Kunsthaus Hamburg, 1998

Techniques et matériaux


internet
vidéo
CD-Rom
son / sound
impression numérique / digital print
image de synthèse / computer images
adhésifs / adhesive
bois / wood
métal
semoule / semolina
photo
Mots Index


ambiguïté / ambiguïty
boucle / loop
systèmes idiots / idiotic systems
ironie / irony
X
champs de références


La politique
L'histoire
La philosophie
La morale
La publicité
La littérature
Le cinéma
repères artistiques


Jorge Luis Borges
Herman Melville
Gustave Flaubert
David Lynch
David Cronenberg
Alain Resnais
Michael Haneke
Rainer Fassbinder
Nicolas Poussin
Jan Vermeer
Dominique Ingres
Edgar Degas
Andy Warhol
Richard Artschwager