Frédéric CLAVÈRE 

Du côté du temps et du secret.

Il commence toujours à peindre dans le noir, même en plein jour. Il peut peindre une femme à barbe dans le noir. Ou un officier polonais pendu par un pied avec un bâton dans le cul, empalé. Il peut se peindre lui-même entièrement dépecé. Il adore faire le détail.
Dans sa peinture il y a beaucoup de corps, partout. Des corps fragmentés aussi. Des jambes. Des corps sans tête. Tête posée au sol. Visages masqués par des loups. Et des objets à secrets aussi : cordes, scies, chapeau, masques ( loups ), voitures. Les titres de ses tableaux ( Le nu descendant la Canebiére, In media res, Speak easy, Bez tytul ( sans titre en polonais ). Orchestration infecte qui n'a d'ailleurs servi qu'à enterrer des maréchaux et des présidents assassinés ) sont accessoires et peu fréquents. La plupart de ses tableaux sont sans titre.
Il peut peindre avec tous les tons de gris, en grisaille, autant qu'avec l'orange minium ; ainsi ce squelette de cheval en orange fluo ; mais sinon il jouera large les couleurs, les supports et la technique, à travers histoire et tradition de la peinture.
Aux outils classiques ( pinceaux, brosses carrées en soie de porc, pinceaux de peintre en lettre, pour faire le faux bois, faire le marbre, aérographe, pastels, white spirit, scies ( circulaire et sauteuse ), pinces, tenailles. ponceuse ) il a ajouté diapositives, appareil photo, projecteur, rétroprojecteur et ordinateur.
Son outil majeur est le projecteur. Le projecteur et la diapositive. Il commence ses toiles dans l'obscurité, un cinéma arrêté. Il travaille sur bois ou sur toile ( tendue ou libre ) de lin, coton, satin et velours. Il photographie beaucoup d'images de livres, ce sont ses notes. Il fait des croquis. Il photographie des publicités. Il utilise des images dans les revues et magazines. Se documente en bibliothèque. Photographie aussi en extérieur,parfois. Il s'approprie des photographies de film en les peignant. Il utilise des modèles qu'il photographie. L'ordinateur ( avec les images numériques ) lui sert de carnet de croquis.
Il a une préférence pour le sexe, la monstruosité, les hermaphrodites, les femmes à barbe, la mort, la torture en général, les images d'histoire et d'archives, les images de presse, les animaux ( poissons, chiens, chevaux, singes, éléphants ), la zoophilie, les végétaux, les paysages, le ciel, le corps, ( la tête, le visage, le portrait, le corps nu,l'anatomie -il s'est peint dépecé- le crâne, le squelette ) et le cinéma ( les photographies de film ). La violence est au centre de son travail. Il accumule des images violentes ( il faut qu'il y ait quelque chose d'emblématique ) et le classe dans une armoire à tiroir ( deux mille diapositives ). Il accumule le sexe et la violence. Les images de violence historique en particulier, celles des documentaires. Le cannibalisme a son rayon, les photographies de scarification et de tatouage aussi.
La torture est récurrente dans sa collection. Il s'est peint nu, pendu par les pieds, prêt à être scié à l'entrejambe par deux bourreaux ( lui-même ) qui tiennent une scie.
Il découpe les corps dans les toiles et dans le bois, travaille sur plusieurs tableaux en même temps, en abandonne peu. Il ne vient pas régulièrement dans l'atelier. Mais quand il vient il est rapide, il aime la vitesse, l'exécution rapide.
Les objets de la société contemporaine ne sont pas absents de ses tableaux. Il y a des voitures, des fils éléctriques, des feux rouges. Il y a notre temps, l'histoire, la littérature. Le capitaine Achab, les bagnoles, les boulevards.
Il pratique souvent une peinture proche du collage. Il est attiré par l'image cinématographique. Et la juxtaposition inattendue, les rencontres. Il peut exposer une suite de toiles, de tissus et de formes en bois découpées ou peintes directement sur les murs pouvant se répondre les uns les autres. Il crée ainsi des rencontres, entre une BMW,
un corbillard, une danseuse indienne, l'hermaphrodite rouge, Shiva, deux animaux, le diable...
S'il provoque c'est avant tout lui. L'image atroce ( le martyre ) est une preuve. Et un jeu. Une épreuve et un jeu.
Frédéric Clavère peint les calvaires. Et la souffrance. Et la violence. Il ne sait pas ce que ça lui apporte. Il sait qu'il en a besoin. Il construit ses tableaux autour des mythes et de la mythologie. Il tourne autour du secret. Du secret et de l'inavouable. Il n'est pas le premier.
Frédéric Clavère tourne autour d'une connaissance qui passerait par le secret. Il dit que la peinture est obscène et qu'elle peut le surprendre quand il l'a oubliée. Il ne cherche rien. Ou bien il cherche quelque chose du côté du temps. Du côté du temps et du secret.

Jean-Pierre Ostende
Extrait du catalogue de l'exposition Lundi Jamais ( galerie du Tableau, Marseille et Kunsthaus Hambourg, Allemagne, 1998 )


On the side of time and the secret.

He always begins painting in darkness, even in broad daylight. He can paint a bearded woman in the dark. Or a Polish officer hung by one foot with a pole up his ass, impaled. He can paint himself totally cut-up. He loves doing the details.
In his paintings there's lots of bodies, everywhere. Fragmented bodies as well. Legs. Bodies without heads. A head on the floor. Faces hidden by wolves. And secret objects as well : rope, saws, hat, masks (wolves), cars. His paintings' titles (Le nu descendant la Canebiére, In media res, Speak easy, Bez tytul
(untitled in Polish ). A foul orchestration which has besides only served to bury assassinated Marshals and Presidents are accesories and seldom seen. He can paint in all shades of gray, in grisaille, as well as with minium ; whence this fluorescent orange horse skeleton ; but otherwise, he plays with a large palette of colors, techniques and supports from throughout the history and tradition of painting. From classical tools (brushes, flat pig-hair brushes, sign painter's brushes to do fake wood grains and marble, airbrush, pastels, white spirit, saws (circular and jig), pliars, sander) he has added slides, cameras, projectors, overhead projectors and computers.
He begins his paintings in darkness, a film frozen in motion. He works on wood or satin, velvet, linen or cotton canvas (stretched or unstretched). He photographs many pictures in books, which act as notes. He makes sketches. He photographs advertisements. He uses images in journals and magazines, gets documents from the library, occasionally photographs outdoors as well. He appropriates film stills as well by painting them. He uses models that he photographs. The computer (with its digital images) acts as his sketchbook. He has a penchant for sex, monstruosities, hermaphrodites, bearded women, torture in general, historical and archival images, press photos, animals (fish, dogs, horses, monkies, elephants), zoophilia, vegetables, landscapes, the sky, the body, (the head, the face, the portrait, the naked body, anatomy -he paints himself cut up into pieces- the skull, the skeleton) and film (film stills). Violence is at the center of his work.
He accumulates violent images ( he needs something emblematic ) and classifies them in a file closet ( two thousand slides ). He accumulates sex and violence. Images of historical violence in particuliar, those from documentaries. Cannibalism has an aisle to itself, photos of scarring and tattoos as well.
Torture recurs troughout his collection. He's painted himself naked, hung by his feet, ready to be sawn in half between the legs by two henchmen (himself) holding a saw.
He cuts bodies out of canvas and wood, works on several paintings at a time, abandons few. He doesn't go to the studio on a regular basis. But when he goes he works fast, he likes speed, rapid execution.
Objects from contemporary society are not absent from his paintings. There are cars, electric wires, red lights. Our time, history, and literature are present. Captain Ahab, cars, boulevards.
His painting often resembles collage. He is drawn by the cinematographic image. And unexpected juxtapositions, encounters. He can exhibit a series of canvases, fabrics and wood shapes cut out or painted directly on the wall answering one another. He thus creates encounters, between a BMW,
a hearse, an Indian dancer, the red hermaphrodite, Shiva, two animals, the devil...
He is the first provoked by his work. The atrocious image (the martyr) is proof. And a test. A test is a game.
Frédéric Clavère paints calvaries.And suffering. And violence. He doesn't know what this does for him. He knows he needs it. He builds his paintings around myths and mythology. He works around the secret. Around the secret and the unspeakable. He isn't the first.
Frédéric Clavère works around a knowledge acquired through the secret. He says painting is obscene and can surprsie him when he's forgotten it. He seeks nothing. Or else he seeks something on time's side. On the side of time and the secret.

Jean-Pierre Ostende
Excerpt from the exhibition catalog Lundi Jamais ( galerie du Tableau, Marseilles and Kunsthaus Hamburg, Germany, 1998 )



Techniques et matériaux


peinture à l'huile, acrylique, industrielle sur toile tendue, libre, bois ou mur
résine
photographie, diapositive et super 8
image/collage numérique
video


oil, acrylic, or industrial paint on stretched or unstretched canvas, wood or the wall
resin
photography, slides and super 8
digital image/collage
Mots Index


corps / bodies
amour / love
animal / animal
peinture / painting
collage / collage
champs de références


LITTÉRATURE :
Friedrich Nietzsche
Georges Bataille
Sade
Lewis Carroll
Alfred Jarry
Michel Foucault
Guillaume Appolinaire
Stéphane Mallarmé
Jurgis Baltrusaïtis
Les Milles et une nuits
Le Coran, La Bible, traduction de Chouraqui
Les Mythes grecs de Robert Graves
Le Jeu d'or de Stalisnas Klossowski
Les Demeures philosophales de Fulcanelli
les guides de conversations en général (Français, Khmer, Sioux, Coréen, Anglais, Tagalog...)


CINÉMA:
Federico Fellini
Pier Paolo Pasolini
Jean Renoir
Luchino Visconti
repères artistiques


Diego Vélasquez
Francisco Goya
Jan van Eyck
Guido di Pietro Fra Angelico
Wallace Wood
Steve Ditko
Jean Auguste Dominique Ingres
Edouard Manet
Robert Rauschenberg
Marcel Duchamp
Matthias Grünewald
Joseph Beuys
Hergé
Joël Kermarrec
Gerhard Richter
Martin Kippenberger
James Ensor
René Magritte
Francis Picabia