STAUTH & QUEYREL 

COURRIER DES LECTEURS

Ce soir à l’Hôtel Meurice à Paris, lieu en général quelque peu compassé, je fais connaissance avec une foule d’un ton bien différent. Celle d’un film réalisé à Frais Vallon, présentant une exposition dont fait partie un défilé de mode. Il passe en boucle, avec des images un peu remuantes qui sont annonciatrices de l’entrain de ses personnages.
Au début, on découvre un décor fait d’immeubles sans grâce, de parkings, de passages avec leurs vitrines aux rideaux baissés. Mais à cette pauvreté presque banale, s’oppose la vivacité de quelques adolescents évoluant en mobylette ou en patins à roulettes, dont l’énergie, les jeux, les chocs, les chutes amusées et presque voulues sont dans le ton que vont ensuite nous donner tous les personnages de ce film. Les mannequins, la foule qui les regarde et les applaudit, tous donnent ainsi une impression d’énergie. Tous dans cette foule, paraissent avoir l’art enviable de savoir savourer une fête. Les quelques visages d’hommes de la cinquantaine, vus par-ci par-là, ont également cet éclat sur le visage. Ils me paraissent – en donnant à ce mot un sens plein – être débonnaires, qualité dont j’avais appris, enfant, qu’elle était celle d’un roi de France; peut-être ont-ils dans leur sérieux mitigé et dans l’importance des problèmes qu’ils abordent, un peu du sentiment royal ? Ou peut-être qu’ingénument, ils se trouvent les rois de la fête ?
Après eux, la caméra se fixe sur les visages immobiles (mais comme ils vont remuer et vivre tout à l’heure !) de deux jeunes filles que d’habiles maquilleuses sont en train de parer. On les retrouve quelques secondes plus tard en une ronde, mêlées à d’autres jeunes filles qui, alternativement les remplacent, où elles vont, viennent, tournent en rond. Jolies, à l’aise, sympathiques, elles présentent des collections de costumes dont elles s’amusent. Massé devant les boutiques fermées, le public qu’elles enchantent, les applaudit.
Toute une bonne partie du film, elles et d’autres, passent, avec la même jeunesse, la même ardeur, le même plaisir, la même connaissance de leur droit de plaire. Le rythme qu’elles donnent à cette journée se manifeste aussi en d’autres passages, par les percussions, les tambours, les tam-tams qui entraînent cette si jolie jeune femme, au long corps qui s’incline et se ploie, à danser devant eux, à danser avec nous.
Puis reviennent les défilés. Les jeunes filles mannequins, si heureuses de leurs robes nous font sentir combien ces vêtements sont à elles. Devant une photo de couture ou devant une robe à la vitrine d’un magasin, on ne sait, en général, quelle femme la portera ; ici il est clair que ces jeunes filles, ces jeunes gens, ont des sœurs et des frères qui, tout près d’eux, auront la même allégresse, la même satisfaction, à s’en vêtir et à s’en parer.

J. Forest

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