Stéphanie NAVA 

Considering a Plot (Dig for Victory) 2008-2011
Croquis d'ensemble du projet

Ce travail en cours comporte à ce jour plus de 150 dessins. De taille variant de 10 x 25 centimètres à 150 x 500 centimètres, ils sont entre autres réalisés au crayon sur papier, en papier découpé, en aluminium repoussé ou encore en feutre horticole. Diverses constructions en carton, bois, feutre, toile, brique ou métal viennent compléter l'ensemble, ainsi que des livres, des boites de conserve, des luminaires, des meubles, un incinérateur, un récupérateur d’eau, une brouette, une serre, une chaise d'arbitre et des pièges à taupes. L'installation est modulable et de dimensions variables. Elle se déploie potentiellement sur une surface d'environ 400 mètres carrés.

Based on the English allotment history and specifications, Considering a Plot (Dig for Victory) is a work in progress currently comprising over 150 drawings: varying in size from 10 x 25 centimetres to 150 x 500 centimetres. The drawings make use of pencil and paper, cut-out paper, repoussé aluminium and gardening felt. The drawings are complemented by structures made of wood, felt, canvas, brick and metal, together with lamps, an incinerator, a wheelbarrow, a greenhouse, a tennis umpire's chair, mole traps and other objects. Modular and of variable dimensions, the installation can potentially cover an area of some 250 square metres.


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Considering a Plot (Dig for Victory) a fait l'objet d'une publication co-éditée par le Centre d'art contemporain de la Ferme du Buisson, Noisiel, et le Centre d'art Passerelle, Brest, avec le soutien de l'ADERA - Les écoles d'art de Rhône-Alpes, en juin 2008.
Ce livre comprend un texte de Marie-Cécile , Coucher sur le papier l'art des jardins et de la guerre (lire un extrait), et un texte de Stéphanie Nava, Notes sur l'élaboration d'un jardin (lire un extrait).
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A book about Considering a Plot (Dig for Victory) has been co-published by the Centre d'art contemporain de la Ferme du Buisson, Noisiel, and the Centre d'art Passerelle, Brest, with the support of ADERA - Les écoles supérieures d'art de Rhône-Alpes in June 2008. 
Two texts have been written for this publication, by Marie-Cécile Burnichon: Putting It on Paper: The Art of Gardens and War (read an extract), and by Stéphanie Nava: Notes on Developing a Garden (read an extract)

Cette œuvre s’est formée par stratifications successives. Les fondations en ont été assurées par les préoccupations constitutives du travail de Stéphanie Nava – à savoir le dessin, le langage, le jardin et la fabrication d’une communauté et de son territoire. D’autres sources, pour certaines contextuelles, ont pris racine sur ce canevas : notamment, la lecture d'ouvrages relatifs à l'histoire des jardins anglais, leur fréquentation et la découverte de Dig for Victory, programme d’économie de subsistance mené pendant la seconde guerre mondiale en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. (…)
Considering a Plot se présente comme un jardin ouvrier, que les Anglais nomment allotment. Prenant pour dimensions la taille réelle du lopin britannique, il est composé de dessins réalisés dans un style encyclopédique sur de grandes feuilles de papier blanc, que viennent compléter et organiser diverses constructions (une serre, un abri à outils, des fortins…). Une clôture en délimite la partie cultivée. À sa périphérie se déroulent d’autres activités, de nature économique et stratégique. Depuis son origine, le jardin passionne les esprits car il est un territoire utopique mais également, selon la formule de l’artiste,  « un réflecteur des modes d’organisation de la société » constitué par le truchement de la politique, de l’économie, du spirituel et de l’esthétique. Considering a Plot s’intéresse donc à toutes ces dimensions. Territoire fortement hiérarchisé, cet allotment est divisé en sections et en zones, une terminologie qui relève à la fois de l’économie et de la stratégie. La première est celle des interactions stratégiques, qui regroupe la zone de production des légumes (le potager et les chaînes de transformation en conserves ou en munitions) et la zone des plantes envahisseuses, mauvaises herbes natives de l'extérieur du jardin qui s’infiltrent parmi les plants du potager. La seconde section est consacrée aux dispositifs de contraintes et de contrôle, rappelant qu’un jardin est avant tout le résultat de gestes de domestication du végétal, comme le montrent de façon emblématique les parterres de fleurs en forme d’entrelacs. Enfin, la troisième zone s’intéresse aux interactions entre le jardin et le corps, qu’il s’agisse de nourrir ce dernier, de le soigner, de le faire sortir du rationnel via les plantes narcotiques, ou de protéger le jardin par des gaz qui étaient auparavant utilisés pour détruire des corps.

Marie Cécile Burnichon, extrait de Coucher sur le papier l’art des jardins et de la guerre, texte écrit pour le catalogue publié à l'occasion de l'exposition de Considering a Plot (Dig for Victory) au Centre d'art contemporain de la Ferme du Buisson, Noisiel (juin-juillet 2008) et au Centre d'art Passerelle, Brest (mars-avril 2009).

[…] Au départ, il y a le projet conçu pour ma résidence à Londres. Mon idée initiale était d’investir un jardin ouvrier et que, d'une façon ou d'une autre, le travail au jardin trouve un parallèle dans l'atelier. Arrivée sur place, je me suis inscrite sur liste d'attente pour obtenir un lopin, et j'ai attendu… Ne voyant rien venir, j’ai mis mon temps à profit pour faire des visites de jardins et des recherches documentaires. J’ai commencé un plan (qui est devenu une maquette) de ma future parcelle, décidant de son organisation et des espèces qui allaient la peupler à l’aide de manuels et de documents d’archives. La maquette est devenue de plus en plus foisonnante, un immense champ de notes qui s’est affirmé comme l’amorce d’un travail à part entière. J'ai alors décidé de réaliser cet objet en papier, à taille réelle, et j'ai oublié la terre... Cette grande installation m’a permis d’articuler des questions de représentation propres au dessin : le rapport du plan à la perspective, la question de l’unique et de la série, le trait comme découpage physique de l’espace, le rapport au genre (schéma, dessin d’archive, technique, botanique...).

[…] Tout au long de l'élaboration de ce travail, je me suis nourrie des télescopages lexicaux que l'on trouve dans le langage horticole. Le vocabulaire politico-belliqueux, entre autres, y est constant : les plantes migrent, envahissent, se naturalisent… au point que certains systèmes mis en place pour gérer les flux migratoires des hommes leur sont appliqués. Ainsi, le Weeds Act promulgué en 1959 par le gouvernement britannique liste les “non native invasive species” (les espèces envahissantes étrangères) qui sont interdites à l’importation et pourchassées en raison de leur propension à coloniser le territoire…

[…] Cette pièce est un fac-simile. Elle est reproduction – avec toutes les implications, écarts et déplacements que cela sous-tend – mais aussi objet réel, soit un environnement praticable. Je voulais conserver ce rapport au « vrai » jardin : un lieu propice aux déambulations, tours et détours. Il est important pour moi que le spectateur trouve dans son exploration un certain plaisir qui est le mien lorsque je visite des jardins. La découverte en est graduelle, comme celle d’un livre dans lequel on avance page après page. Son étendue et sa configuration en interdisent de toutes façons une vue d’ensemble et obligent à un mode de lecture que je qualifierais de « feuilleté ».

Stéphanie Nava, extraits de Notes sur l'élaboration d'un jardin, catalogue Considering a Plot (Dig for Victory), juin 2007.

Begun in 2005 during a Villa Médicis Hors Les Murs residency in London, this work developed via successive stratifications. Its foundations are Stéphanie Nava's underlying concerns: drawing, language, gardens, and the shaping of a community and its territory. Other factors also fuelled the overall picture, notably books on the history of gardening in England, visits to gardens there, and the discovery of Dig for Victory, a subsistence economy programme implemented in Great Britain and the United States during the Second World War. (…)
Considering a Plot presents as the kind of workingman's garden the English call an allotment. Using the allotment's actual dimensions, the work is made up of encyclopaedia-style drawings on large sheets of white paper, systematised and complemented by a range of structures that includes a greenhouse, a toolshed and small forts. A fence of stretched cables marks out the cultivated area. On its periphery other activities of an economic and strategic kind take place.
Since the earliest times the garden has exerted a special fascination: firstly as a utopian territory, but also, to quote Stéphanie Nava, as "a mirror of a society's modes of organisation" thrown up by politics, economics, spirituality and aesthetics. Considering a Plot examines these various aspects. Rigorously hierarchical, the allotment is divided into sections and zones, terms simultaneously suggestive of economics and military strategy. The first section is that of strategic interaction and includes the vegetable production zone – the kitchen garden and the processing into preserves or munitions – and the invasive plant zone, occupied by weeds originating outside the garden which sneak in among the vegetables. The second section is given over to systems of constraint and control, reminding us that a garden is above all the outcome of deliberate domestication of the vegetal world, as emblematically illustrated by the tracery of the flowerbeds. The third and last zone points up the interaction between the garden and the body, whether in terms of nourishing the latter, healing it, cutting it free of rationality via narcotic plants, or protecting the former with gases formerly used to destroy bodies.

Marie-Cécile Burnichon, extract from Putting It on Paper: the Art of Gardens and War, published in the catalogue that marks the presentation of Considering a Plot (Dig for Victory) at the Centre d'art contemporain de la Ferme du Buisson in Noisiel in June—July 2008 and at the Centre d'art Passerelle in Brest in March—April 2009.

Traduction : John Tittensor

[…] It all began with the project for my residency in London. My initial idea was to work on a garden allotment in such a way that, somehow or other, the gardening would generate a parallel in the studio. As soon as I arrived, I put my name down for an allotment—and then I waited. As there were no developments, I used my free time to visit gardens and do some research. I began working on a plan—which evolved into a model—of my future strip of land, using manuals and archival material to decide on the layout and the varieties to be planted. The model just kept on growing, becoming a vast fi eld of notes that turned out to be the beginnings of a work in its own
right. So I decided to create this object on paper, life-size, and gave up on the idea of actually working the soil. This largescale installation enabled me to bring together questions of representation relating to drawing: the relationship between plane and perspective, the issue of the one-off and the series, the line as physical cutting-up of space and the connection with genres: archival, technical and botanical drawings, diagrams, etc.

[…] Throughout the project I fed off the lexical telescoping that characterises garden-speak.One constant is the politico-bellicose vocabulary: plants migrate, invade and naturalise to such an extent that human systems for handling migration fl ows are applied to them. Thus Britain’s Weeds Act of 1959 lists “nonnative invasive species” whose importation is illegal and which are to be eliminated because of their tendency to colonise. The garden is a written space: because it is designed, but also because it is modelled by decrees and laws and illustrates narrative-style functionings.

[…] This piece is a facsimile, a reproduction—with all the ramifi cations, shifts and displacements this implies—but at the same time a real object, a usable environment. I wanted to preserve the link with the ‘real’ garden as a place conducive to strolling and going off at tangents. It is important for me that the pleasure I feel when visiting gardens should be part of the spectator’s exploration. Discovering the work is a gradual process, like leafing page by page through a book; in any case the extent of the work and the way it is configured exclude any overall view and impose a mode of reading I would describe as ‘foliated’.

Stéphanie Nava, extracts from Notes on Developing a Garden, Considering a Plot (Dig for Victory) catalogue, June 2007
Traduction : John Tittensor

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