Serge LE SQUER 

« Quelles soient fixes ou en mouvement, sonores ou textuelles, les œuvres de Serge Le Squer explorent l’espace, habité par la présence humaine et les signes que l’homme tour à tour produit, construit et déconstruit.
D’abord engagée par l’attention portée aux lieux dévastés, marqués par les événements et l’histoire, l’exploration de Serge Le Squer se prolonge sur les agents de ces bouleversements structurels. En ce sens, l’homme, et particulièrement le monde ouvrier manœuvrant dans l’espace public et social, incarne cette reconstruction du monde sans cesse recommencée. Parce qu’il reflète une forme éclatée du travail, ce monde résume les modes d’inscription du corps dans un espace, comme le montre sa vidéo Pas à pas, les arpenteurs. En investissant ces signes, qu’ils soient statiques ou en mouvement, Serge Le Squer propose de re-baliser l’espace public, pour engager une lecture qui dépasserait les limites du topographique et de la forme documentaire. S’il fait partie des producteurs d’images et de sens qui dédoublent le monde réel, son œuvre évite l’écueil du reportage en déplaçant la distance critique à l’endroit même de la production d’images. Il ne s’agit plus alors de s’intéresser uniquement à ce qui est filmé ou capturé, mais au pourquoi et à quel moment. Ainsi, au moment de l’aliénation par le travail des Ouvriers, Beyrouth, Serge Le Squer préfère l’instant où «?conscient d’être filmé, chaque ouvrier sort de son identité de travailleur pour devenir l’acteur de sa propre fiction?». L’appréhension des territoires se formule alors comme une stratification de lieux qui se définissent d’abord par le sensible, celui d’une expérience concrète qui produit des documents plutôt que des documentaires.
Dans l’œuvre de Serge Le Squer, les territoires sensibles de l’humain sont aussi bien réels, physiques, que virtuels - comme le soulignent les œuvres intitulées RealTime ou Re?:en grève. Cette dernière œuvre répertorie les pages web traitant de la grève sur internet. Une sorte d’activisme en ligne, où la forme physique de l’individu, absente, se situe hors champ, en même temps que sa forme collective se situe sur le terrain médiatique pour recréer du lien social. L’acte réel ou virtuel, vu ou vécu, motivé par une réflexion sur le monde du travail, est avant tout une dynamique médiatique, qui rallie des constructions segmentées du monde. À ce titre, l’organisation morcelée du travail telle qu’elle s’applique depuis la fin du 19e siècle apparaît comme un paradigme des formes, à la fois narratives et inscrites dans l’espace physique.
Porter son attention aux lieux affectés, est ainsi une manière pour l’artiste de signaler et d’accepter la relation affective de l’individu au monde. C’est rétablir une pensée collective à travers l’éclosion de projections et de narrations individuelles.»

Leslie Compan, critique d’art, Catalogue du Salon d’art contemporain de Montrouge, 2009

 

 
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