Denis Brun publie régulièrement sur Instagram les ponctuations photographiques, les stations, d’un voyage à Rome sans cesse renouvelé. Comme il est allé il ira, il retournera, marcher dans la ville ouverte depuis des siècles à la noce des formes qui s’y succèdent.
Denis est fasciné par cette ville. Et c’est parce qu’il a besoin de prendre la mesure de cette intensité qu’il photographie ce qu’il y trouve, tout ce qu’il y trouve, tout ce que Rome abrite et révèle.
Pour ce photographe-là, comme pour beaucoup d’autres, photographier c’est essayer de comprendre ce qu’il voit, ce à quoi il assiste. lire la suite…
Denis Brun publie régulièrement sur Instagram les ponctuations photographiques, les stations, d’un voyage à Rome sans cesse renouvelé. Comme il est allé il ira, il retournera, marcher dans la ville ouverte depuis des siècles à la noce des formes qui s’y succèdent.
Denis est fasciné par cette ville. Et c’est parce qu’il a besoin de prendre la mesure de cette intensité qu’il photographie ce qu’il y trouve, tout ce qu’il y trouve, tout ce que Rome abrite et révèle.
Pour ce photographe-là, comme pour beaucoup d’autres, photographier c’est essayer de comprendre ce qu’il voit, ce à quoi il assiste. Photographier c’est vouloir préserver quelque chose de la jubilation causée par une intuition, c’est indiquer ce que l’on voudrait comprendre lorsque l’on voit.
Rome est la ville fascinante de l’Antiquité continue, celle du Futurisme accompli et des années soixante sans fin. Rome ça n’est pas la fin de l’Histoire mais sa concrétion dans la croûte des pins centenaires et qui se répand jusque dans les vitrines de la via Condotti. Le lien entre les époques est organique. Il pourrait puer.
C’est cette épaisseur développée sur toute chose que l’on appelle la Culture, et qui la distingue des loisirs.
Les vestiges millénaires que l’on y trouve n’y sont pas précieusement enchâssés dans la pompe du patrimoine, mais articulés par les graffitis d’un irrésistible sauvageon parricide.
Steven Morrissey à Rome en 2013, photographe inconnu
Rome n’est pas la représentation de son histoire, mais la culture maintenue férocement populaire.
C’est cela que m’indiquent les photographies de Denis, c’est ce que j’y vois, comprends, et ce qui m’a intéressé avant que je le sache : avant qu’ait été fait le travail de l’exposition, avant même que je retourne à Rome, un jour prochain, peut-être, pour voir.
Faire l’exposition, c’est comme faire des photographies : faire l’exposition produit l’occasion de comprendre ce que l’on a aperçu, et d’exposer ce l’on s’efforce de comprendre, ce que l’on a aperçu puis regardé, ce à quoi j’ai pu songer en faisant. Denis est l’auteur consentant de chapitres à l’intérieur desquels j’ai construit les phrases de l’exposition.
Rome, attracteur ruiné, conduit Denis Brun à écrire en photographies un chapitre supplémentaire dans une vie faite de pérégrinations. Je me souviens de Denis à Prague, à Saint-Petersbourg... Cet enfant de la Chute du Mur cherchera peut-être encore longtemps le centre perdu de l’Europe : Rome c’est Rome et Berlin et Paris, et un peu Marseille, et Cracovie aussi. Prises ailleurs dans le Monde et partout dans les siècles, les photographies que Denis remonte à la surface de mon visiophone me rassemblent en évoquant la terre d’une culture partagée qui rêve de convergence.
Instagram laisse croire que cette photographie est d’actualité, mais à s’y attarder : rien ne l’indique vraiment, et la publication de nouvelles photographies épaissit le doute.
Denis est un photographe de son temps : cyclope incontinent qui redouble chaque expérience perceptive de sa diffusion dans un partage inquiet de réciprocité. Reflet, mon cher reflet, m’aimeras-tu enfin?
C’est sur Instagram que j’ai découvert puis suivi puis « liké » les photos de Denis, et me voilà vite suspendu au fil de leur publication.
C’est afin de préserver quelque chose des conditions de cette découverte, afin poursuivre quelque chose de la qualité de cette expérience que j’ai placé au pied de chacune de ces photographies un QR code.
Présenter une de ces étranges mosaïques à votre téléphone portable vous permet de voir affichée (presque) immédiatement la page Instagram sur laquelle la photographie concernée était présentée. Scanner le QR code vous permet de voir les photographies dans les conditions qui furent celles qui m’ont permis de les découvrir.
Scanner le code permet également d’avoir accès à ce que Denis Brun tient pour être le titre de ces photographies et qui est la suite de hashtags inscrits au pied de chacune des photographies.
Il m’a semblé qu’il serait bien triste de pétrifier dans une nouvelle impression jet d’encre ces éléments graphiques et scripturaux dont la nature est interactive et le langage désormais universel.
Ce qui n’est pas tout à fait rien...
Sylvain Sorgato
Texte de présentation de l'exposition Sententiae in Capitulis, Hôtel Elysées Mermoz, Paris, 2019