Jean-Adrien ARZILIER 

Parce qu'il a séjourné longtemps, enfant, dans la bergerie familiale en Cévennes, entouré d'outils rustiques et vernaculaires — La chambre des benjamins est aménagée dans l'extension la plus récente du mas, où sont entreposés, suspendus aux murs, bannes d'osier, brouette rudimentaire, clés pour les foins, râteau tortu, fauchet démesuré, cribleuse en châtaignier, tous faits de la main de ses aïeux — Jean-Adrien Arzilier projette encore aujourd'hui sur chaque chose le regard curieux qu'il avait alors, du temps où il ne se souciait guère de lever le mystère quant à l'emploi de ces objets.
Les oeuvres de Jean-Adrien Arzilier tendent à donner davantage de mobilité et de mobilisation émotionnelle dans notre lecture du monde. Les objets qu'il détourne, réinterprète ou produit à nouveau sont abordés comme autant de conceptions démontables, malléables et réassemblables. Dans chacun des objets qui inspire l'artiste, il y a originellement, en latence, une faille ou la poésie peut prendre racine. Pareils interstices se situent à la charnière des idées suggérées par leur fonction, leur forme, leur charge symbolique. Jean-Adrien Arzilier cultive ces lieux poétiques, y creusant d'avantage d'espace, labourant et retournant la couche superficielle et infertile de l'usage, pratiquant des boutures et de délicates greffes d'idées sur l'ordinaire. Il joue des réductions opérées par l'homme pour saisir le cosmos. Le geste prédomine toujours puisque c'est par lui que se manifeste l'appréhension sensible, une domestication pourrait-on dire de l'environnement et du monde. L'action plastique qu'il renvoie à la cosmologie est un travail sur le vide : son refus, tout autant, que son acceptation. Combler, creuser sont les aptitudes du modeleur et de l'humain même.