Georges AUTARD 

Easy painting

L'évolution récente de l'oeuvre d'Autard nous montre à quel point il a réussi à transformer l'exorcisme et la catharsis en une énergie claire, lumineuse et rassérénée. Lors de sa dernière exposition à la galerie Athanor, nous avions été mis en présence d'immenses surfaces de bois noir fracassées, trouées, éclatées. C'était peindre à la hache, au couteau. Il y avait une grande âpreté dans cet affrontement. Il y avait surtout une dépense explosive et spectaculaire, avec cette affirmation la peinture est acte avant d'être intellection ou moyen d'analyse. Elle concentre un être et un état d'être en un seul geste mutique dont la racine est viscérale. Dix ans plus tard, c'est le même goût de l'instant, de l'instantanéité visuelle mais avec la couleur, la fluidité, la coulure, la sensualité retrouvées. On a quitté le monde de l'écharde et de l'éclat, le monde nocturne où une pelote de chats se battait dans un sac, pour retrouver celui de l'impact sonore et de la vibration la plus exacte. C'est d'une fraîcheur retrouvée dont il s'agit, celle qui nous avait tellement fait aimer les séries inaugurales de lunettes, de petits vélos ail-over dont on voit encore quelques exemples à la galerie Porte-Avion, mais àtravers l'apprentissage d'une complexité les dernières peintures obéissent à des lois de mesures, de proportions, de tenues et de tensions de la surface qui demandent autant d'exactitude que d'instinct. Toute la réussite de ces dernières peintures est là la maîtrise des démons ceux du débraillé gueulard de l'instinct comme ceux de son maniérisme, parce qu'il y a aussi une théâtralité bouffonne du jaillissement. En réalité, nous sommes devant des gestes répétés, comme on peut répéter une performance. Il y a là une sonorité aussi claire qu'un coup de cymbale demandant une concentration et une répétition dans la concentration. Bien entendu, on pourrait évoquer Pollock, le grand danseur de corde. Mais si Pollock travaille la libation
scandée, le timing, Autard , lui, se concentre sur l'impact, la zone de contact. Il ne s'intéresse pas au temps ni à la durée. Pour lui, la seule harmonie possible est celle qui fond intimement la décision et le geste réconciliés, la pensée et le corps, la pensée faite corps. La spiritualité extrême-orientale dont il se nourrit sans puritanisme stimule sa recherche d'un satori pictural. Cependant, on sait toujours à quoi la revendication d'une unité nous expose. On ne peut pas demeurer entier ou le désirer sans prendre le risque de la rigidité ou de la certitude la plus bornée. L'oeuvre d'Autard ne se résume pas à un seul geste ni à une seule attitude, même si ce voeu d'unité apparaît en premier, comme un étendard. Si nous sommes convaincus par cette dernière exposition de peintures chez Athanor, c'est parce que comme pour les premières, mais là c'était la grâce de l'enfance sous les dehors de la timidité, le geste va au-delà ou en deçà de la simple affirmation. Il est posé mais il n'est pas certain, il ne fait pas étalage de certitude, il n'est pas péremptoire. Il est beaucoup plus mû par un élan vital natif et joyeux que par la volonté d'affirmation. D'ailleurs, l'exposition à la galerie Porte-Avion, pendant et suite de la première à Athanor, ne montrant que des dessins, dévoilant les pistes, les chemins de traverse du travail, déplace cette idée d'une oeuvre dirigée vers un seul but et dépendant d'une seule attitude. Il y a là une très belle salle recouverte de tissus volants aux dessins peints ou sérigraphiés, salle tendue de draperies violentes à effeuiller, feuilleter, laissant retomber les rames de tissus après les avoir dévoilées. On a là tout le vide-poche, tous les bavardages d'atelier, toute la sédimentation de possibles rassemblant le geste ultime ou de dernier ressort. On traverse la multiplicité des intérêts, des époques et des admirations à travers les copies ou les croquis d'après Malévitch, Beuys, Smithson ou Eva Hesse, pour en ressentir que c'est là le contraire d'une oeuvre tendancieuse, mais demeurant mobile et d'une jeunesse regagnée.

Frédéric Valabrègue, in Journal Sous Officiel n°022, hiver 2005




Georges Autard

Se déployant maintenant sur un nombre conséquent d'années et avec un ensemble imposant d'oeuvres, le parcours de Georges Autard traverse des styles si différenciés, des démarches si diverses, des techniques si inconciliables qu'il atteint aujourd'hui à une cohérence et une logique reconnaissables.

Les dernières séries du printemps et de l'été 2001, qu'on nommera volontiers des translations, laissent apercevoir qu'après avoir abandonné pour un temps son vocabulaire attitré (vélo, tableau noir, chiffre, écriture), Georges Autard retraverse le vocabulaire de l'histoire de l'art du XXème siècle à partir de quelques figures et mouvements emblématiques de la modernité : Cézanne, Picasso, Beuys, Ryman, le Body art. Des oeuvres qui encerclent son travail depuis longtemps sans y avoir laissé jusqu'à aujourd'hui une trace effective. Plutôt que d'en assumer l'influence indirecte et formelle, il en récupère l'image immédiate pour la soumettre à sa vision picturale. Ni référence, ni citation, ni hommage, c'est pour lui l'occasion de déconstruire et de reconstruire la leçon de l'autre, de fragmenter pour mieux reconstituer les lignes de force, de souligner pour mieux prendre de la distance. De se plier pour mieux être lui-même.

Ayant intégré dans sa violence picturale, maintenant contenue et canalisée, les architectures théoriques de Cézanne aux cubistes jusqu'à nos jours, Georges Autard les détoure et les détourne avec les moyens techniques et analytiques de son temps. Décortiquant jusqu'à la structure les formes significatives et jusqu'à la simplification les couleurs reconnaissables des paysages de Cézanne ou des compositions de Picasso, il utilisera donc la reproduction, photographique puis infographique, d'une oeuvre que Cézanne avait peint en contemplant directement le motif. Cette distance supplémentaire qu'il met entre le peintre et l'objet lui donnant accès à une réflexion sur la peinture actuelle, pragmatique et sensible, capable de relire les autres arts, leurs pensées les plus complexes, leur possible devenir. Lui donnant la capacité de relire le monde de l'art et donc le monde.

François Bazzoli, 2001



By now spanning a consequential number of years with an imposing ensemble of works, George Autard's development crosses styles so diverse, techniques so irreconcilable, that it now attains a recognizable logic and coherence.

The latest series from spring and summer 2001, which we would gladly name translations, allow us to ascertain that, after having momentarily abandoned his usual vocabulary (bicycle, blackboard, number, writing), George Autard revisits the vocabulary of 2Oth century art history using some of modernity's emblematic figures and movements : Cézanne, Picasso, Beuys, Ryman, Body art. works surrounding his work for a long time without having left an effective trace still as of today. Rather than assuming an indirect and formal influence, he salvages the immediate image to submit it to his pictorial vision. Neither reference nor citation, nor hommage, it is for him the occasion to deconstruct and reconstruct the other's lesson, to fragment, the better to distance himself. To bow down, the better to be himself.
Having integrated the theoretical architectures spanning from Cezanne to the Cubists up to today, into his pictorial violence, now contained and channeled, George Autard isolates and deviates them with the technical and analytical tools of his time. Stripping and signifying forms right down to their structure and simplifying the recognizable colors of Cezanne's landscapes or Picasso's compositions, he thus used first photographic then computerized reproduction, of a work that Cezanne had painted while directly contemplating the motif. This additional distance he places between the painter and the object grants him access to a reflection on current painting which is pragmatic and sensitive, capable of re-reading the other arts, their most complex thoughts, their possible becoming. This thus grants him the capacity to reread the art world and thus the world itself.
François Bazzoli, 2001



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