Bruno PELASSY 

À la merci de l'autre

L'intimité est l'espace à partir duquel la relation à la personne existe. Depuis l'intime, l'autre est. L'autre est de même qu'il renvoie à soi. Je crois distinguer sa différence lorsqu'insiste le regard. A force d'insistance, je vois émerger de son visage ce qui pourrait être une carence, la marque discrète d'un déséquilibre que les traits, ou l'expression, livrent au monde dans une mise à jour ombrée par l'exactitude faussement rassurante d'une mise à nu où paraît s'enraciner l'évidence. Ainsi, l'autre est, différent de moi, je suis sauf. Sauf que la différence de l'autre est également la mienne.
Tel est l'impératif : je ne peux me soustraire au défaut de vie que la vie de l'autre m'inflige, comme la porte fermée de son corps, que me signifie aussi sa figure, est une invite à pénétrer plus loin, plus avant, par delà ce que je sens d'abord comme une faille, au sein de ce qui devient insensiblement une vulnérabilité susceptible de provoquer une intolérance plus ou moins larvée, sur cette frange charnelle où vibrionne la tentation de dominer plus faible que soi, cependant qu'en vérité, c'est encore de moi dont il s'agit.
Je ris, je souris, je m'indigne, ou je me moque de ce qui me menace en fait, quand pire je m'impose sans cesse et sans me l'avouer d'adopter le profil d'une indifférence technicienne, ou d'enfouir une peur ou une émotion qu'un blasement au mieux bride. L'intime m'intime de dire alors qu'au juste, je pourrais tout autant choisir de me taire, ou d'être, tel que...
Aussi cela revient, période après période, cela revient scandé de même que l'emblême joue toujours les boucliers, tandis que s'enfoncent dans la nuit d'une quasi-mémoire, avec un désordre qui n'est qu'apparent, les images en réalité fouisseuses d'origine qui nourrissent, sans distinction aucune, dès que déposées, mais dans un spectre d'une terrible justesse, depuis l'intérieur de moi-même, en moi-même, ce qui m'a permis, voire ce qui me permettrait, enfin, de me définir.
L'homme fusille mais du regard, de l'autre l'intimité qui, le touchant, le porte à se clore sur lui-même, tant le poids du désir qui semble aussitôt vouloir éclore, lui semble le conduire à s'écrouler à terre, dans un tremblement formidablement personnel, s'il le vit en relation à l'autre, en oubliant d'avoir peur, de n'être que lui-même, vivant, vibrant d'aimer jusqu'à l'épuisement, le risque de vivre ainsi que le souci de l'inconnu, avec l'idée d'avoir aussi à mourir.

Comme l'amour est une crainte qui s'ignore
Traversée
Aux perles de lumière
Au fil de l'autre
Sur la lame
De son merci

Didier Bisson, Mons, mars 1995
At the other's mercy

Intimacy is the space in which the relation to a person exists. Within intimacy, the other is. The other is in that he refers to himself. I believe I perceive his difference through the insistence of the gaze. As a result of my insistence, I see what might be a lack emerge from his face, the discreet sign of unbalance that the features or the expression reveal to the world in a revelation overshadowed by the falsely reassuring exactitude of a revelation where obviousness seems to take root. The other is therefore different from me. I am safe. Save for the fact that the other's difference is equally my own.
Such is the imperative: I cannot escape the lack of life that the life of the other inflicts upon me, like the closed door of his body, which also signals his face to me, is an invitation to penetrate further, further on, beyond what I intially feel is a flaw, within what becomes a vulnerability liable of provoking a more or less dormant intolerance, on this carnal fringe where the temptation to dominate the weaker being vibrates, while in reality, the problem remains me.
I laugh, I smile, I get annoyed, or I mock what truly threatens me, when worse still, I continuosly impose a technician's indifference upon myself without admitting it, or I stifle a fear or an emotion that boredom at best keeps in check . Intimacy then intimates that I should choose to shut up, or be, like...
The feeling returns, time after time, it returns with emphasis, while the images which in reality burrow origins that indifferently nourish what allowed me, or what will ultimately allow me, to define myself, fade into the night of a near-memory with a disorder that is only in appearance.
Man looks daggers at the other's intimacy but with the gaze, this intimacy which will, upon touching him, lead him to hole up in himself, so great is the weight of a blossoming desire which seems to him to want to drive him into the ground.
It is wonderfully personal, if he experiencesit in relation to another, forgetting to be afraid, to be only himself, living, vibrating with the will to love to the point of exhaustion, living in this manner the unknown, with the thought in mind that he will also have to die one day.

Love is a fear that ignores itself
Traversed
by pearls of light
strung by the other
On the razor's edge
of his mercy

Didier Bisson, Mons, March 1995

Techniques et matériaux


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