Laurent DEJENTE 

Je puise dans les habitudes comportementales de l'homo urbanis, les stéréotypes et les clichés qui me servent de base stratégique. Toutes mes mises en scène consistent à inverser la logique du cliché, à y jeter la confusion au moyen de l'ambiguité et du paradoxe. Je mets en place une polysémie là où elle faisait défaut. Mes images deviennent alors le support d'un questionnement à géométrie variable.

Dans l'exposition Itinéraire bis, je m'attache à montrer les postures de l'homme dans la nature à travers certaines activités de loisir. Je souhaite rendre compte d'une quête aussi banalisée que dérisoire et mettre en crise notre rapport conditionné au sublime.

Laurent Dejente, août 2001



Laurent Dejente, photographe, réalise portraits et reportages photographiques. Bien qu'elle s'y donne des airs d'instantané, la photographie relève chez lui d'une patiente mise en scène : les modèles de Dejente, changés en acteurs, posent et jouent à sa demande devant une chambre, lourd instrument de prise de vues interdisant toute improvisation. Thème d'élection de l'artiste, sous les dehors très ordinaires d'une photographie du quotidien : le cliché, à comprendre, dirait le Robert, comme "l'idée ou l'expression trop souvent utilisée". Exemple signifiant, à cet égard, que la série des Sorties. On y voit des randonneurs appliqués arpenter la campagne puis suspendre leur marche pour observer un panorama, but de leur promenade. Mais Dejente nous les présente de dos, sans que rien ne les identifie, sans que rien non plus, du paysage qu'ils contemplent, ne soit donné à voir. Fi du mythe rousseauiste d'une nature objet de ressourcement, où retrouver la pureté originelle. Ici, il serait plutôt question de rendre compte d'une quête aussi banalisée que dérisoire et de mettre en crise un rapport conditionné au sublime (notre pulsion à rejouer l'exaltation romantique du voyageur au-dessus des nuages de Caspar David Friedrich).

Autre exemple non moins éloquent : les Panoplies, ensemble de photographies de sportifs du dimanche équipés de pied en cap par Decathlon, en une très actuelle déclinaison de l'être occidental par vêtement interposé. D'ordinaire, le sportif, tel que nous le concevons, se définit comme cette figure par excellence de la rhétorique de l'esprit sain dans un corps sain, figure devenue, à l'heure du culte du corps triomphant, l'objet de fétichisme social que l'on sait. À cette nuance près, mise en exergue par Dejente au terme d'une manipulation discrète mais bientôt perceptible : soit qu'il témoigne d'une inquiétude hors de propos (une contraction du visage), soit qu'il est occupé à un acte inopportun (fumer), le corps du sportif tel que l'artiste en dresse le portrait photographique n'est pas cette substance accomplie que l'on attend mais, à dire vrai, le reflet de notre propre corps désespérément accroché à ses fantasmes de performance et de réalisation héroïque. Manière de dire, au niveau métaphorique, que l'art du portrait objectif n'est simplement plus possible tel quel (toute pose est posture, toute posture théâtre, tout théâtre affabulation). Dejente, en somme, révèle le corps comme il ne peut pas être, il se définit comme un fauteur de trouble traquant l'impossible de la représentation.

Paul Ardenne, extrait de L'image corps, éditions du Regard.




I delve into the behavior of Homo Urbanis, searching for the stereotypes and clichés that will act as my strategic base. All my photos consist in inverting the snapshot's logic, flooding if with confusion through the use of ambiguity and paradox. I establish a polysemics where it was lacking. My pictures act as the support for a questioning process of variable geometries.
In the exhibition entitled Itinéraire bis, I commit myself to showing man's postures in nature through certain leisure activities. I wish to account for aquest that is as banal as it is derisory so as to throw our condtioned relation to the sublime into crisis.

Laurent Dejente, August 2001



Laurent Dejente, photographs, executes portraitsand photojournalistic documents. Although it bears the allure of the snapshot, Dejente's photographie is the fruit of patience : Transformed into actors, Dejente's models pose and play at his command in front of a box camera, a heavy photographic apparatus leaving no room for improvisation. The artist's preferred theme, beyond what appears at first glance to be ordinary snapshot photography, is the cliché, or in other words, "the idea or expression too often used".
In this respect, the series entitled "outings" is a meaningful example. Dedicated hikers can be seen exploring the countryside then pausing to observe a panorama, the goal of their walk. But Dejente, shows them from the back, without nothing identifying them and nothing of the landscape they are contemplating visible to us. Bah! to the Rousseauvian myth of nature as an object to recharge one's batteries and get back to one's roots. Here, the question has more to do with accounting for a quest as banal as it is derisory so as to throw our conditioned relation to the sublime into crisis (our urge to replay the traveller's romantic exaltation above the clouds of Caspar David Friedrich).
Another, no less eoquentexample is the Outfits (Panoplies), an ensemble of photographs showing weekend athletes fitted from head to toe by the Decathlon sporting GOODS CHAIN, The result is a very trendy image of the western being par vêtement interposé.
Normally, the athlete as we tend to conceive of him/her, is defined by the rhetorical figure "par excellence" of a sound mind in a sound body, a figure that has become, at a time in which the cult of the body triumphs, this well-recognized social fetish.
There is one subtle difference which distinguishes Dejente 's images from the figures we all know, which takes the form of a discreet but pereivable manipulation : either that s/he testifies to an un-called-for uneasiness (a facial contraction), or else that S/he is busy carrying out an incongruous act (smoking).
As seen by the artist, the athlete's body is not the perfected substance we expect, but to tell the truth, just the reflection of our own body desperately clinging to its fantasies of performance and heroic achievement.
On a methaporical level, it is a way of stating that the art of the objective portrait is simply no longer possible as such (every pose is a posture, every posture theater, all theater (af) fabulation).
In conclusion, Dejente, reveals the body as it cannot be. He defines himself as a troublemaker tracking down the impossible of representation.

Paul Ardenne, excerpt from L'image corps, éditions du Regard.



Techniques et matériaux


chambre photographique 4 x 5 inches / 4 x 5 inches box camera
rollei à focale fixe 6 x 6 / rollei 6 x 6 fixed lens
ou adaptation au projet / or adapted to a specific project
dessin
CD-Rom
vidéo
dessin / drawing
découpage / cut paper
collage / collage
annotations
papier / paper
magazines
photocopies
photos de reportage / news photos
photo d'écran de télévision (émissions) / photos from the tv screen (shows)
plaquettes de publicité / advertising brochures
quotidiens / daily newspapers
journaux d'information / news magazines
Mots Index


symptôme / symptom
surcodification / overcodification
perplexité / perplexity
retenue / restraint
médiatisation
précarisation
isoler
crispation
champs de références

Philosophie :

George Steiner
Léon Chestov
Edmund Burke
Henri Bergson
Roland Barthes
Walter Benjamin
David Hume
Emmanuel Kant
Sören Kirkegaard
Théâtre :

Thomas Bernhard
Heinrich von Kleist
Anton Tchekov
William Shakespeare
Tadeusz Kantor
Bertolt Brecht
Bernard-Marie Koltès
Littérature :

Francis Ponge, La Mounine
Raymond Roussel
Thomas Bernhard
Patrick Chamoiseau
Cinéma :

Luis Buñuel
Alfred Hitchcock
Andreï Tarkovski
Wim Wenders
Orson Welles
le cinéma japonais
Harun Farocky
Chris Marker
Jean Rouch
repères artistiques

XVè- XVIè :

Albrecht Dürer
Lucas Cranach
XVIIIè :

de Diego Velasquez, Les Ménines
XIXè :

Caspar David Friedrich, Moine au bord de la mer et Voyageur au-dessus de la mer de nuage
Edvard Munch
Gustave Courbet, L'atelier du peintre, allégorie réelle
XXè :

Henri Matisse, Le bonheur de vivre
Conceptuels :
Joseph Kosuth
Jan Dibbets
Edward Rusha
André Cadère
Actuels :

Wim Delvoye
Raymond Hains
Jean-Marc Bustamante