Le paysage ne devrait pas être une habitude ni un décor dans lequel les corps et les idées bougent un tant soit peu mais plutôt une série d’événements que le regard redécouvre dans le trajet ou à l’arrêt, des pe­tits pans de mur jaune (Marcel Proust) comme autant de détails qui se posent et s’imposent en surprise. Chaque paysage est un kilomètre zéro pour celui qui accepte d’avoir le regard inaugural de la première fois, avec l’excitation fébrile et amoureuse d’un début d’histoire. Lire et écrire le paysage c’est restituer ter­ritoire et langage depuis lesquels il est possible de raconter l’histoire véritable du monde (Jack Kerouac).
Cette exposition collective réunit douze artistes comme autant de perspectives dans la notion de pay­sage. S’appropriant un thème de l’histoire de l’art classique, chacun d’entre eux éprouve au cœur de sa pratique l’actualité voire la nécessité de la représentation de notre environnement aujourd’hui.

Gilles Bingisser, LATELIER, Sète 2024

Dans cette exposition collective, je montre quatre œuvres. Les deux premières sont des toiles de petit format qui reprennent le motif qu’adorent les touristes, le flamant rose de Sète. La première s’appelle Flight mode, dont la composition et le titre sont un clin d'œil au vol d’un avion. La seconde, After Goya, est inspirée par des gravures de Goya où il est souvent dessiné des ânes portés sur les épaules, pour faire des critiques sociales et de la satire. Vol de flamants roses est une reprise d’un éventail, ici un objet de décoration qui contraste avec l’habituelle idée d’un paysage comme un espace pictural. Sublime fusionne deux citations, un fragment de dessin de Picasso et la peinture iconique du paysage romantique, Der Wanderer über dem Nebelmeer, de Caspar David Friedrich - dans laquelle le brume cache le paysage et où l'humain prend la place centrale.