Emmanuelle VILLARD 

(…) La peinture d'Emmanuelle Villard est assez "on the road". C'est une peinture hors-champ, mouvante et mouvementée. À tel point que, l'errance, l'artiste en a fait son mode de travail et son esthétique : la peinture ne tient à rien, elle s'égoutte sur la toile, déborde, instable et gluante, elle excède vite les bords du cadre. Culture de l'excès vraiment too much, mais pas très grave non plus. Pas tourmentée ni violentée, la peinture feint juste ici de rater sa cible, comme une midinette fait mine de laisser tomber un truc pour laisser le charme agir. Genre, Oops, i did it again…

Pas question en effet de matiérisme viril, mais pas question non plus de virer béat et de tomber dans le panneau d'une peinture Britney Spears, que d'autres appellerait savoir-faire féminin. Par un effet de surface et de miroir, Emmanuelle Villard projette une image déformée, surconcentrée, de l'industrie du spectacle. Ses toiles ont plus avoir avec le grotesque qu'avec l'expressionnisme abstrait. Même leur taille, souvent ramassée, les apparente à des petites caricatures cruelles des univers pailletés et saturés de couleurs.

(…) Emmanuelle Villard suit donc une pente outrageuse. Une pente spectaculaire ou, pourquoi pas, puisqu'on parle d'hyperpuissance, une pente hyperspectaculaire. La peinture est un art de la mise en scène et plus tellement un art de la composition. Du coup, Emmanuelle Villard est attentive aux modes d'exposition de sa peinture. Avec un tic assez révélateur : l'inversion de l'ordre des choses. Les traînées qui s'accumulent sur le sol de l'atelier sont accrochées très haut. Les bulbes gracieux pendent en hauteur. Quand la peinture descend, ou semble couler, le regard devrait donc s'élever. La surprise, le moment de battement se situant sans doute à l'intersection des deux, entre le haut et le bas. Mais il y a un peu plus qu'un fléchage malin du regard dans ces mises en scène : les points d'accroche de la peinture se raréfient. En accrochant trop haut ou trop peu, de manière trop excentrée ou au contraire trop centrée (tout un pan de mur pour un tableau minuscule), on ne fait qu'accuser le vide alentour, voire tracer le chemin à parcourir jusqu'au tableau. Qui semble aspirer l'espace et les êtres autour, comme un trou noir. On revient à Alien. Ou encore à Bret Easton Ellis, et à la sentence récurrente de son premier roman, Less Than Zero : "Disparaître ici". Rengaine masochiste de toute une génération en crise dans les années 80, décadente et hagarde, que l'auteur sème encore dans Glamorama. Et qu'Emmanuelle Villard entretient un peu : en vamp experte, elle ne fait aucun cadeau à sa peinture et reste hantée par le spectre de sa disparition. Raison de plus pour en rajouter une couche ?

Judicaël Lavrador
Extrait : « Oops, I did it again… », in catalogue Emmanuelle Villard, 2005
Edition galerie de Multiples, Paris
Coédition Le crédac, centre d’art d’Ivry et La Criée, centre d’art contemporain, Rennes

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