Arnaud VASSEUX 

Arnaud Vasseux, Des creux étendus, Galerie White Project, Paris, 2013


Les représentations communément associées à la sculpture portent à voir dans cet art des types d’objets et de configurations spatiales offrant l’image, plus ou moins lisible comme telle, d’un processus de production durant lequel un matériau a été transformé – et informé – car littéralement “travaillé par la forme”. Situation moins attendue, certaines expressions sculpturales ne laissent pas seulement deviner comment elles ont été réalisées, mais conservent fidèlement ou, mieux, “assument” dans leurs volumes, textures et accidents le souvenir de leur propre formation. Dans de tels cas, ce n’est pas seulement le matériau qui est informé, mais aussi lui qui, en quelque sorte, informe la forme et, ce faisant, donne forme à la sculpture.
Qu’une telle mémoire – au sens temporel, mais aussi physico-chimique du terme – demeure perceptible, et surtout qu’elle puisse faire l’objet d’une attention particulière de la part de certains sculpteurs montre qu’il est des œuvres qui ne se déploient pas seulement dans l’espace, mais habitent des durées, le temps de la fabrique y croisant le temps expérientiel du spectateur. Ces productions se donnent en cela comme des réalités doubles, à la fois achevées et irrésolues, où deux constructions temporelles que l’on croyait hétérogènes se trouvent fragilement réunies, l’une en devenir, l’autre moins révolue qu’il n’y paraît car comme retenue dans la matérialité sculpturale.
L’exploration de cette double temporalité oriente nombre des travaux d’Arnaud Vasseux. Les conséquences en sont diverses et radicales. Ainsi, le sculpteur ne cherche jamais à retrouver ni à reconstituer un volume préalablement conçu. À la forme, il substitue la formation et au projet, préfère la projection. Car si le volume n’est pas donné, il n’est pas vraiment recherché non plus comme un but à atteindre, mais davantage porté par le mouvement qui accompagne et enregistre la prise de forme. La tension qu’instaurent l’activité et la fixation du matériau se manifeste concrètement lorsque celui-ci, encore fluide, est projeté contre un support souple – tel le plâtre pulvérisé lors de la réalisation des Cassables – ou bien lorsqu’il vient se loger à l’intérieur d’un moule déformable – selon le processus mis en œuvre dans les Résines craquées et dans bien d’autres empreintes tridimensionnelles. Et si une telle conception de la sculpture et de ses gestes s’avère fatalement indifférente à quelque idéalité formelle, elle n’en est pas moins attentive aux formes justes, attestant avec une sorte de véridicité photographique l’événement de leur apparaître. À la prise de forme s’ajoute ainsi la fonction de prise spatiale conférée à la sculpture elle-même, le terme prenant cette fois le sens d’un relais capable de témoigner de l’interdépendance de l’œuvre, du spectateur et du lieu qui les accueille l’un et l’autre. C’est pourquoi les questions du contact, de l’adhérence, de l’écart et de la distance, ainsi que les suggestions tactiles qui en découlent sont omniprésentes dans le travail d’Arnaud Vasseux. On les repère aisément dans la sorte de bougé accompagnant ses empreintes-durées, entre emprise et espacement. Peut-être peut-on même voir dans cette polarité décisive un reflet discret de notre appartenance au monde et de notre condition d’êtres séparés.
Fabien Faure
 
ABR reprise (Cassable) 2012
Plâtre non armé, pigment noir, chaises, 360 x 43,5 x 270 cm
 
Contacts #2 2012
Plâtre non armé, pigment noir, 36 x 36 x 16 cm , socle en métal
Courtesy galerie White Project, Paris
 
Pause 2012
Cire, acier, 21 x 16 x 10 cm
Collection particulière
 
À gauche au mur :
Débordement (empreinte)
2012
Plâtre armé, 77,5 x 1,3 x 120 cm
Courtesy galerie White Project, Paris

À droite au mur :
Plié, déplié 2012
Moustiquaire, plâtre , 102 x 78 x 0,7 cm
Courtesy galerie White Project, Paris

Débordement est l’empreinte d’une planche de travail de l’artiste Gabriele Chiari. Cette artiste a utilisé cette planche en 2011 pour réaliser une de ses aquarelles ; ces débordements d’encre non controlés en constituent les traces et l’indice. Lors de la prise d’empreinte, les traces d’aquarelles et quelques fragments du papier ont été transférés et saisis dans le plâtre.
 
Là où 2013
Bois, plâtre, 30 x 30 x 1 cm
Courtesy galerie White Project, Paris
 
Forme perdue 2012
Plâtre, pigment noir, 13 x 10,8 x 10,1 cm
Collection particulière

Voir aussi www.whiteproject.fr
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