Arnaud VASSEUX 

Document, Dunkerke 2004
Carton d’invitation
Sol-Mur-Plafond, Marseille 2006

Marseille, le 25.09.2006

Au départ, la photographie d’un ballon prise sur une plage à Dunkerque.
Cette plage (à proximité de la raffinerie) est à plus de 1000km de Marseille (et vice-versa). J’ai préféré faire la photo et ne pas emporter le ballon, qui aujourd’hui est ailleurs. C’est la situation de l’objet hors du jeu qui a d’abord retenu mon attention. Puis, en regardant la photo, j’ai imaginé la formation lente des creux et des bosses sur l’objet autant que sur le sable.
Cette image, matérialisée par le carton d’invitation, constitue le premier élément pour une exposition de sculptures à venir.
À la réception de cette image, Olivier Roubert a souhaité réagir avec une autre photographie, extraite de ses archives. Elle sera présentée conjointement aux sculptures réalisées dans l’espace d’exposition.

A.V.

La crête intérieure

« Donatello, à son retour de Padoue, en 1452, avait imposé - ou voulu imposer - à Sienne, d’où il partit brusquement, puis à Florence, avec les ambons de Saint Laurent commandés par Cosme en 1461, un nouveau style où les formes, gardant délibérément un aspect d’ébauche, se lient moins bien mais se massent mieux et vibrent sous la lumière. »
André Chastel, Le Grand atelier d’Italie

L’exposition d’Arnaud Vasseux montrait en quantités égales des œuvres de grande taille et d’autres de moins grande taille. Ces dernières créant comme le cadre où les premières s’inscrivaient ; cadre, ça pourrait être un mot, principe ou générique : érosion, par exemple. Mais sous son trait fatal ; il est dit quelque part que les muscles se renforcent ou s’atrophient, et qu’à la fin, même le dormeur use son drap. Parmi les œuvres cadre, l’image de ballon d’Olivier Roubert (invité d’A. Vasseux) ne peut pas se soustraire à cette signification qui rôde dans l’exposition. L’ombre et la lumière, à l’image des aspérités du lierre (ce parasite), d’un feuillage mouchetant son éclairage, usent le ballon ; en photographie plus qu’ailleurs.
Comme dit Victor Hugo dans Quatre-vingt-treize : « C’est l’entrée en liberté de la matière ; on dirait que cet esclave éternel se venge ; […] »
À ce cadre qu’un plâtre et une chose appelée « Drop » complètent, trois grandes sculptures répondent ; dont une effondrée durant l’exposition. Si l’on ne peut raisonnablement se mettre à la place du spectateur qui a vu cette œuvre avant son effondrement, on peut cependant voir qu’elle exhausse - effondrée - son propre caractère programmatique et périlleux. Ceci renforcé par le rappel documentaire de ce que cela fut ; et si le visiteur se console comme il peut, sa déception est atténuée par les œuvres qui restent plutôt que par ces images-documents.
Deux grandes sculptures donc, l’une, tout en plâtre tendu non armé, faite par des parois ajourées d’une baie sur la quasi-totalité de leurs surfaces, et qui s’élèvent sur la base d’un quadrilatère, depuis le sol jusqu’au plafond ; sans titre. La seconde se compose d’un amoncellement de cartons sur toute la hauteur de la salle, et plus ou moins carré ; volume sur lequel un film plastic est tendu qui l’entoure, et donc intitulé « Tour ». Par le jeu de tension élastique, le film tend ainsi à rétrécir la périphérie du volume se cintrant peu à peu.
Deux sculptures qui semblent données pour le contre-type l’une de l’autre… La bâche (qui sera retirée comme un moule) sur laquelle est tendu le plâtre avant de prendre rappelle nettement le film étirable qui vient ceindre les cartons ; et dont l’élasticité rappelle à son tour celle du plâtre au cours de la prise, puis du séchage. Encore, le geste de projeter le plâtre au moyen de la force centrifuge semble se jumeler avec ce que les cartons développent contre le film plastic. Comme applications contraires d’une origine commune, que l’œuvre effondrée mettait en jeu par sa double face type boite d’œuf.
Notons que deux seulement des six œuvres montrées portent un titre. Tour et Drop, comme si de toute façon les autres titres n’auraient pas pu être bien différents de ceux-ci (gire, envoi, jet…), vu les opérations principales que ça sous-entend.
Physiquement, la simplicité de ces opérations met en évidence la complexité d’en réaliser le geste à telle dimension sans dénaturer ce geste ni modifier la dimension voulue ; les différentes contraintes fondues en une seule. Simplicité qui veut que le visiteur attribue quelque signe ou image à l’œuvre (ici la cabane, là l’entrepôt…), la difficulté devenant d’accepter une simple direction du travail au lieu de lui chercher et trouver un sens. Ce qui reste debout dans l’exposition se comprend en regard des enjeux de la pièce effondrée, avant sa chute mais la prenant en compte. La possibilité de casse souligne cet aspect d’équilibre ; entropie tenue à distance par le moyen des œuvres moins grandes et qui cadrent.
Simplicité selon quoi le matériau (film) devient seul outil mais appelant la main qui déjouerait la question d’échelle. Reprenant alors cette question de direction soulevée ci-dessus, le titre « Tour » en tant que générique nous montre qu’il ne peut donner qu’un type d’objet - tourné -, ce qui nous intéresse ici par opposition aux sens que peut prendre cela ; ayant alors pour objet le vase ou le pas de vis. L’allusion au tour de poterie permet de voir dans l’œuvre où le modelage est le moins dirigé, le moins visiblement produit de la main (mais confié à l’élasticité dont le processus à la fois vertical et horizontal de cintrage mené à terme ferait quelque chose comme l’anti-sphère), celle même où l’indice de la main qui serre est le plus prégnant, à une échelle démesurée, l’ordre géant des historiens de l’art, qui répond à la somme des gestes non vus de cette main pour élaborer cela, et dont la simplicité devient inversement proportionnelle aux problèmes que pose leur mise en œuvre dans « l’ordre géant ».
La référence au « non-fini » de Donatello concerne ici le traitement du plâtre, d’en montrer un envers et, conventionnellement, d’en accentuer la production plutôt que le produit. Mais la réverbération fait de la question du style une question de présence, et le « non-fini » se comprend aussi comme donnée temporelle.
Aussi, n’y a-t-il pas quelque chose de volontairement cocasse dans la réalisation de sculptures qui ne soient qu’une surface et apparentée au crépi blanc d’intérieur d’une pizzeria ? Souvenir d’un tableau que Laurent Boucher et Ian Daumas avaient peint ensemble à Luminy ; avant de le diviser d’un trait de scie puis de le coffrer dans un bloc de mortiers peint à son tour au rouleau façon crépi.

Mathieu Provansal

Tour 2006
Cartons usagés, , film étirable polyéthylène, 280 x 224 x 240 cm
Vues pendant le montage et durant l'exposition

Vue d'ensemble de l'exposition

Sans titre 2006
Plâtre non armé, 270 x 240 x 250 cm

 

Sans titre 2006
Plâtre non armé, 190 x 160 x 220 cm

Sans titre 2006
Effondrement de la pièce durant l'exposition

Drop 2006
Polypropylène, 80 x 80 x 45 cm

Sans titre 2006
Photographie d'Olivier Roubert
Tirage jet d'encre sur papier, 50 x 70 cm

 

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