Julien TIBERI 

Participant à la fois de la sculpture et de l’installation, l’oeuvre se présente à première vue comme une cimaise mobile vide qui impose une redéfinition de l’espace en interagissant avec l’architecture du lieu. Ce n’est qu’en la contournant qu’on y découvre, intégré dans sa structure, comme dans l’envers du décor, l’aquarium et ses deux animaux. C’est en ce sens qu’on peut y voir un genre particulier de ready-made, un ready-made dans le décor, diamétralement inversé autour de l’axe de l’indifférence. A la disqualification nécessaire à l’opération nominaliste répond de façon quasi symétrique la surqualification d’une réalité extraordinaire exacerbée par la fiction.
Camille Videcocq


L’axolotl, urodèle vivant dans les lacs des hauts plateaux du Mexique, a la particularité (dite «néoténie») de se reproduire à l’état larvaire et d’en garder toute sa vie les caractéristiques. De ce fait, il a la capacité cellulaire à régénérer des organes détruits et vit relativement longtemps. Le caractère extraordinaire de cette espèce très ancienne (présente dans la mythologie aztèque en tant que «Xolotl», dieu du jeu et des phénomènes doubles) l’a naturellement favorisée d’un surplus imaginaire jusqu’à faire dire à Julio Cortazar dans sa nouvelle, «Axolotl», qui raconte sa rencontre avec l’axolotl au vivarium du Jardin des Plantes à Paris : “Ce fut leur immobilité qui me fit pencher vers eux, fasciné, la première fois que je les vis. Il me sembla comprendre obscurément leur volonté secrète : abolir l’espace et le temps par une immobilité pleine d’indifférence.” Ces axolotls pourraient en effet presque passer, à nos yeux, soit pour une espèce mutante, soit pour le chaînon manquant menant des vertébrés aquatiques aux vertébrés terrestres, maillon qui aurait persisté jusqu’à nous en restant éternellement jeune, non fini, parfaitement suspendu dans son évolution. L’ axolotl a été importé en 1850 à Paris pour être observé au Jardin des plantes. Si l’axolotl est tiré de son milieu aquatique c’est là qu’il accomplira sa métamorphose en adulte, devenant une espèce de salamandre, dont la vie, dès-lors, s’accélérera et s’écourtera.

L’Axonautl 2008
Contreplaqué, tasseaux, aquarium avec deux Axolotl, dimensions variables de la cimaise et de l’aquarium (ici 100 x 50 x 35 cm)

La cimaise modèle l’espace de la galerie, composée ici de deux salles, en y glissant un espace transitoire, qu’elle ordonne en couloir et en impasse. La nature de cet espace, espace transitoire et corridor arrêté, recoupe le mode existentiel des Axolotls: ceux-ci sont le lieu d’un devenir qui ne s’accomplit jamais, puisqu’ils ne se métamorphosent guère à l’âge adulte, entretenant un état d’éternelle jeunesse.
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