Elvia TEOTSKI 

Texte de Claire Astier dans le cadre de l'exposition Au loin les signaux - Al-lou'lou, 2017

La mention d'oeuvre éphémère, labile, périssable ou précaire fait naître un sourire malin sur le visage d'Elvia Teotski. Guettez-là à cet instant, quand pour accompagner son air railleur, splosh, l'une de ses sculptures faite d'agar-agar s'écrase mollement dans un bruit humide et absurde. La science et les manipulations qui s'y rapportent sont devenues l'un des réservoirs de protocoles des artistes contemporains. Chez Elvia Teotski ce recours n'est qu'un artefact : une fois dissipé le doute sur les ambitions réelles de l'artiste, on regardera les dévoiements qu'elle inflige aux certitudes, les mutations engagées par une chimie galvaudée et les transgressions opérées par ses précipités. Formes ondulantes et douces, couleurs acidulées et matériaux naturels restent inoffensifs jusqu'à ce qu'on s'interroge sur les gestes qui les ont produits, et les objectifs auxquels ils se prêtent : l'artiste élabore ses recettes qui résistent au format d'une exposition. Indifférentes, elles mutent et poursuivent leur propre régime de formes à travers différents lieux, ceux intimes du jardin, de l'atelier ou de l'errance, ceux publics de la galerie et de ses prédications. De ces variations esthétiques et des ombres qui en subsistent naît en écho un discours le travail et son produit et peut-être sur le métier d'artiste et la destination de son objet.
Pour sa participation à l'exposition, Elvia Teotski a proposé Un monde en construction, une sculpture composée d'éléments qui semblent d'origine naturelle, végétale ou minérale. Ont-ils été prélevés des fonds marins ? Ou d'une grange abritant la nourriture d'un troupeau ? Jouant sur les similitudes entres les mondes vivants, l'oeuvre constitue aussi une réhabilitation sous forme de ready made d'un matériau devenu obsolète. Les briques de paille composant l'installation proviennent d'une culture intensive de champignons destinés au commerce agroalimentaire. Dans le but de systématiser la production, à chaque brique est intégré le champignon sous sa forme végétative, le mycelium, qui se nourrit de la cellulose de la paille et alimente ainsi sa croissance. Ces briques-là ont été jugées caduques au regard d'un objectif productif, les doses de cellulose ayant été absorbées par les champignons. En les découvrant, abandonnées, et en les recyclant en oeuvre d'art, l'artiste nous propose de regarder la manière dont le vivant recrée ses propres dérives et poursuit sa vie en secret, profitant ainsi de son abandon. La relativité de la “fin” est ici exposée.

 
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