Michèle SYLVANDER 

Caroline Hancock :
Only You

« J’ai reçu un jour d’un photographe une photo de moi dont il m’était impossible, malgré mes efforts de me rappeler où elle avait été prise  : j’inspectais la cravate, le pull-over pour retrouver dans quelle circonstance je les avais portés ; peine perdue. Et cependant, parce que c’était une photographie, je ne pouvais nier que j’avais été là (même si je ne savais pas où). Cette distorsion entre la certitude et l’oubli me donna une sorte de vertige, et comme une angoisse policière (le thème de Blow-up n’était pas loin) ; j’allai au vernissage comme à une enquête, pour apprendre enfin ce que je ne savais plus de moi-même. »
Roland Barthes, La chambre claire, 1980 1

Chaque œuvre de Michèle Sylvander vient enrichir sa palette d’une grande diversité, faite de mondes qui se lient et se contredisent malgré une continuité certaine dans les sujets abordés. L’exposition À mon retour, je te raconte au Château de Servières à Marseille permet d’apporter de nouveaux éléments à cette tapisserie qu’elle semble faire et défaire au fil de ses séries ou de ses projets. Comme dans un tableau de Jérôme Bosch, avec tout ce qu’il comporte de grotesque, tendre et obsessionnel, troublant et magnifique, le travail de Sylvander tient toujours le voyeur en haleine pour la suite, surpris d’être dans un entre-deux parfois inconfortable mais hypnotisant. Sensualité, froideur, douleur et humour se répètent et interloquent. Peintre à ses débuts, elle s’est ouverte à d’autres médiums, et particulièrement à la photographie et à la vidéo, à partir de la fin des années 1980.
Dans un entretien de 2003, elle dit  : « Pour moi, il n’y a pas de réalisme possible. La photographie m’aide à produire ou à reproduire des images mentales. »2 C’est sans doute cela qui la différencie d’autres photographes connues pour leur association avec la ville de Marseille comme Marie Bovo et Valérie Jouve. Sylvander invente des histoires, revisite des mythes, tout droit sortis de son imaginaire et d’une contemporanéité absolue. Elle parle souvent de fards et de métamorphoses. Ses œuvres ont souvent une base autobiographique, mais ses adaptations les déplacent dans le domaine de la fiction et travaillent des notions universelles plutôt que de simples vérités personnelles. Son œuvre est parfois de l’ordre de l’art corporel en différé, devant ou derrière la caméra. Elle met en scène les autres et elle-même. Il s’agit souvent d’une revendication puissante de sa présence au monde, comme dans l’œuvre C’est une fille 9 (1995). Titre très dérangeant et obscur pour une photographie dans laquelle elle pose de dos, sur fond vert, vêtue d’une gaine blanche ne laissant paraître que la fente de son fessier et le haut de son dos, sans bras. Provocation absolue mais d’un classicisme irréprochable et singulier qui rappelle ironiquement une caryatide. Céline Ghisleri écrivait  : « Michèle Sylvander a toujours joué avec des images chocs qui renversent les codes de monstration du corps féminin généralement sublimé, idéalisé, commercialisé. » 3 L’artiste irlandaise Alice Maher réalise en 2003 une série d’autoportraits photographiques durant sa lutte contre le cancer, notamment Collar où son cou est cerné de cœurs d’animaux4. L’inconfort y est différent mais tout aussi palpable. Il s’agit là de témoignages étonnants de ressentis intimes, ou de pressions externes. Les titres de la série d’autoportraits de Sylvander réalisés en 1990 en disent long  : L’une et L’autre 5, Moi, Achille, Tant pis pour nous, La Conversation?14, Rencontres. « Je peux passer de la chanteuse de rock un peu allumée à la maman ou à la putain. Je trouve que ce sont des rôles que l’on fait jouer aux femmes et qu’elles se sentent souvent obligées d’assumer. », nous dit l’artiste 6. Travestissement encore dans une autre œuvre majeure du corpus de Sylvander, La Fautive???20 (1995), ou détournement du vêtement dans L’Ostensible???39 (2007) et dans In God We Trust???41 (2006). On songe alors, entre autres, aux travaux de Chantal Akerman, Esther Ferrer, ou Hannah Wilke. Les associations s’accumulent pour signifier le prisme élargi des intérêts de Sylvander  : on songe également à Mona Hatoum et Shirin Neshat par exemple. Tout en s’en démarquant tout à fait.
Les maelströms de corps nus dans la série de photographies Droit de visite (1999) sont énigmatiques. Un dispositif de bulle en plastique et de miroirs renverse tout sens d’orientation en créant des distorsions ou des anamorphoses. Ce monde incompréhensible d’apparence flottant paraît clinique mais rempli de convivialité féminine. L’impudence est volontaire ! Michèle Sylvander dit aimer le monde à l’envers. Les vidéos Insomnie (1997) et Somnolence (2002) dans lesquelles Sylvander se trouve masquée et enfermée dans un tube en plastique en sous-vêtements ou en costume de cuir, auraient plutôt à voir avec le bas matérialisme des photographies de Jacques-André Boiffard qui accompagnaient les articles de Georges Bataille dans la revue Documents à la fin des années 1920 ou avec le sadomasochisme photographié par Robert Mapplethorpe dans sa série X Portfolio à la fin des années 1970. Dans de véritables mises à l’épreuve, Sylvander teste les limites du tolérable et manifeste l’étouffement, la violence sous-jacente, l’enfermement et la contrainte, une façon d’interroger la condition des femmes dans la société.

L’idiosyncrasie de l’œuvre de Sylvander se trouve aussi dans l’oralité de certains de ses titres, tirés du langage courant. Ils ont le don de mystifier le spectateur par leur simplicité apparente, tout en appelant parfois un sourire en coin  : Je me demande dans quel sens commencer mon gâteau???37 (1998) n’en est qu’un exemple type. À propos de La Fautive???20, l’artiste nous dit  : « Je m’étais mise à garder les cheveux laissés sur ma brosse. Cela faisait une toison. Une touffe de poils. Au moment de la prise de vue je les ai glissés sous ma chemise. C’étaient des faux-tifs. »7
En parallèle, Sylvander a une pratique photographique quotidienne, de type journal intime, qu’elle exerce en particulier dans le monde artistique qui l’entoure. La série montrée dans son exposition personnelle au Mac pour la première fois sous le titre Issue de Secours rappelle le travail de Nan Goldin (elle-même y apparaît d’ailleurs). Dans le film I’ll Be Your Mirror, réalisé pour la BBC en collaboration avec Edmund Coulthard en 1996, Goldin affirme qu’elle n’a « jamais cru qu’il puisse y avoir une seule image décisive de quelqu’un, mais qu’il faut différentes images pour fixer la complexité d’une vie. » Sylvander détaille sa démarche ainsi  : « Depuis des années je fais des photos avec un petit appareil banal. Je fixe des moments en photographiant mon entourage dans des situations disons ‘sociales’. [...] Je mets ensuite en place un rituel très précis. J’étale, je trie, je classe, je tamponne, j’expédie. Chaque personne sur la photo reçoit son image. J’en garde toujours un exemplaire pour moi que j’archive. »8 Philippe Vergne réagissait ainsi  : « Au-delà du plaisir ou du déplaisir de recevoir des images de soi, ces envois sont terrifiants. Les clichés sont sans pitié, sans concession pour les sujets photographiés, d’une part. D’autre part, ils pointent après quelques envois successifs le caractère incestueux et clos d’une société. »9
Dans sa quête d’identité, l’accès répété à ses archives familiales donne une nouvelle impulsion à son travail. « J’ai opéré une sorte d’intrusion périlleuse dans une zone intime qui ne m’appartenait pas et qui m’était d’une certaine façon interdite. Mes images actuelles sont une reconstruction du passé par pulsations successives. »10 Il en résulte une interaction ambiguë entre biographie et fiction, entre passé et présent. Le décalage et l’incertitude de cette fable intitulée Un monde presque parfait???6-13-47-50 (2002) sont renforcés. Sylvander utilise des photos faites par sa mère lorsqu’elle était enfant et les fait rejouer à sa belle famille cinquante ans plus tard. Ce qui aurait pu être un processus entièrement lié à l’intime et au familier est transformé en archétype de scènes domestiques de loisirs qui pourraient appartenir à tout un chacun. Les personnes de la famille sont devenues des personnages qui viennent brouiller les pistes. Comme le décrit Frédéric Vallabrègue  : « Cet ensemble intitulé Un monde presque parfait reconstitue en quelques impressions pelliculées que Sylvander, dans le cadre de l’exposition, détache du mur en les faisant flotter dans l’espace, un roman familial qui n’évacue aucune de ses tensions par l’exutoire de sa théâtralité, mais qui, au contraire, confirme une angoisse sourde. Pourtant un certain humour est là, dans la situation du père évidemment omnipuissant et tyrannique et dans celle de la mère soumise et dévouée. »11

Plasticienne, Sylvander travaille la mise en forme de ses expositions. Pour À mon retour je te raconte, certaines images, comme celles de parachutes issues de l’album de son père, sont répétées à l’infini pour couvrir des murs tel un papier peint et ainsi ponctuer l’espace. Il en allait de même pour Je ne peux pas dormir???7 (1995), autoportrait jaune avec lunettes dans l’exposition du Mac. Chaque manifestation différente d’une image ou d’une vidéo la charge alors d’un sens renouvelé, de façon subtile et presque subliminale ou bien tout dans l’intensité de la répétition sérielle. Selon Antoine de Baecque, « les fonds de Michèle Sylvander sont ces surfaces de jouissance et d’angoisse, cette latence d’entre-deux monde. Uniformes, plats et intenses dans le même temps, glacés et vifs tout à la fois, ils sont en attente, tenant le spectateur dans la calme stratégie de la patience. »12 La photographie Rouge uniforme???17 (2014) semble justement entrer dans ce cas de figure de façon magistrale. Il est intéressant de noter que Sylvander s’est passionnée pour les drapés quasi érotiques des vêtements des patientes que Gaëtan Gatian de Clérambault photographiait au début du xxe siècle, mais aussi de savoir que pour la construction de certaines de ses images elle s’est inspirée de la peinture italienne empreinte de classicisme de Piero della Francesca ou de Giorgio de Chirico.

Liliane Giraudon écrit  : « Metteuse en scène en proie à la hantise M.S. avance ses miroirs, ses fonds, bulles, costumes et accessoires. Elle dit  : ‘Ma mère coud les costumes.’ Ce qui ne peut être dit doit être montré. On peut aussi douter de la fiabilité des miroirs puisque les fantômes disparaissent au lever du jour. »13

Après le décès de sa mère elle a découvert d’autres archives qui l’ont menée à ce qu’elle appelle une expérience de « mise à plat familiale ». Elle aborde l’histoire de la situation coloniale avec une sensibilité exacerbée. La famille suivait le père militaire, dans ses postes en Allemagne, au Maroc, en Algérie durant les années 1950 et 1960. Michèle Sylvander, revisite aujourd’hui ses « images migrantes ». Sa position semble osciller entre culpabilité et distance, signifiant sans doute un questionnement plus général sur les dernières colonies françaises. La vidéo Pourquoi tu pars ????19 (2015) est un montage d’images de son père, rapportées à son retour d’Indochine en 1950, seul pays où la famille ne l’a pas suivi. Elles défilent, associées à d’autres images trouvées, fixes ou animées. Des images de sa série Un Monde presque parfait réapparaissent ici et là et prennent alors une autre dimension. Les sons d’une machine à écrire, du vent, ou les bruits saccadés des coups de fusil qui scandent la vidéo rappellent une des caractéristiques célèbres et troublantes de la bande sonore d’Ennio Morricone pour le film de Gillo Pontecorvo La Bataille d’Alger (1966), chef-d’œuvre du cinéma anticolonialiste au statut complexe entre documentaire et fiction. Les planches montrent la camaraderie, le travail, le bureau, les cartes, les Vietnamiens, la vie quotidienne sur place, des paysages sublimes, le feu, la machinerie de guerre, des corps ensanglantés et autres scènes violentes presque insoutenables. Le sentiment d’abandon et de panique exprimé dans le titre est répercuté dans La convocation (2015), vidéo qui reconstitue la mémoire de l’énoncé des noms des soldats morts à Diên  Biên  Phu. Les temporalités se mêlent et se confondent. Le passé se conjugue au présent. Les souvenirs servent à interroger son quotidien d’artiste et d’être humain mais aussi l’actualité de la société au sens large. Des bobines de film brûlent dans un lavabo dans Disparues (2015). Qu’en est-il de ces histoires ? De cette Histoire ? Sylvander se laisse hanter par différents niveaux de narration, par l’inconnu ou l’indicible, le temps d’une exposition. Quelle forme donner à ces bribes reconstruites ? C’est le sujet de l’exposition À mon retour, je te raconte dont la forme tend à naviguer de la figure du père à la figure de la mère, du féminin au masculin ; pour finalement revenir à la question de la relation. L’émotion est à son comble dans les disjonctions et les répétitions diverses. Les apparences et points de vue sont toujours aussi trompeurs. Les conflits d’aujourd’hui sont sur le pas de la porte. Mais Un jour mon prince viendra???34 (2012) et Only You???49 (1997) viennent nous consoler ou nous inquiéter davantage.

« L’histoire de ma vie n’existe pas. Ça n’existe pas. Il n’y a jamais de centre. Pas de chemin, pas de ligne. Il y a de vastes endroits où l’on fait croire qu’il y avait quelqu’un, ce n’est pas vrai il n’y avait personne. » Marguerite Duras, L’Amant, 1984

« Le bonheur n’est pas gai,
le soleil et la mer non plus. »
Michèle Sylvander 14

1 Roland Barthes, La chambre claire. Note sur la photographie, Éditions de l’étoile, Gallimard, Le Seuil, 1980, p. 133-4.
2 Jean-Christophe Royoux, « Face à face (en miroir). Conversation sur les images de Michèle Sylvander », Michèle Sylvander, Mac, Musée d’Art Contemporain, Marseille, 2003, p. 2.
3 Céline Ghisleri, « L’étude des jours », Journal Ventilo, Marseille,
27 novembre 2012.
4 À propos d’Alice Maher : http://www.alicemaher.com/

5 À propos de la photographie L’une et l’autre (1995)  : « La couleur est brutale. Le visage émerge du fond noir qui le sertit. Il m’enjoint de le regarder. Il est une injonction. […] Une injonction donc mais aussi une colère et une obstination à aller au-delà du miroir, de la transformation ou de la trace. Cette photo-là a quelque chose d’impératif et de scrutateur  : elle se refuse au laisser-aller. Car laisser-aller, c’est voir fuir, et l’on sait à ce propos ce que la photo a à dire à la mort. » in Bernard Blistène, « J’entends dire parfois ‘Tu es encore belle’ », Autoportraits  : Michèle Sylvander, Galerie Roger Pailhas, Marseille, 1995, non paginé.
6 Jean-Christophe Royoux, op. cit., p. 8.
7 Liliane Giraudon, « M.S. Fille d’Artaud et de Marie-Thérèse », trace, espace d’art le moulin, La Valette-du-Var, 2008, p. 3.
8 Jean-Christophe Royoux, op. cit., p. 3.
9 Philippe Vergne, « Michèle Sylvander. J’ai pas sommeil », in Michèle Sylvander. Droit de Visite, Villa Noailles, Hyères, 2000, non paginé.
10 Jean-Christophe Royoux, op. cit., p. 4.
10 Frédéric Valabrègue, « Chemins de traverse de l’atelier au paysage »,
in La Planque, Parenthèses, Marseille, 2013,  p. 108
12 Antoine de Baecque, « Sur trois têtes posées là... », in Autoportraits  : Michèle Sylvander, Galerie Roger Pailhas, Marseille, 1995, non paginé.
13 Liliane Giraudon, op. cit., p. 3.
14 Michèle Sylvander in La planque, op. cit., pp. 164-165.

«  Des Histoires  », catalogue éditions P., Marseille, 2015

 

Caroline Hancock  : Only You

“One day I received from a photographer a picture of myself which I could not remember being taken, for all my efforts; I inspected the tie, the sweater, to discover in what circumstances I had worn them; to no avail. And yet, because it was a photograph I could not deny that I had been there (even if I did not know where). This distortion between certainty and oblivion gave me a kind of vertigo, something of a «detective» anguish (the theme of Blow-Up was not far off); I went to the photographer’s show as to a police investigation, to learn at last what I no longer knew about myself.” Roland Barthes, Camera Lucida: Reflections on Photography, 1980 1.

 

Each of Michèle Sylvander’s art pieces lends great diversity to her palette, made of worlds that complement and contradict each other despite a certain continuity in their subjects. The exhibit À mon retour, je te raconte (‘I’ll tell you when I get back’) at the Château de Servières in Marseille brings new elements to this tapestry that she seems to weave and unweave throughout her series and projects. As in a painting by Jérôme Bosch, with everything it contains of the grotesque, tender and obsessive, unsettling and magnificent, Sylvander’s work always keeps the viewer in suspense for what comes next, surprised to be in a sometimes uncomfortable but mesmerizing interval. Sensuality, coldness, pain, and humor are repeated and leave us stunned. Beginning as a painter, she became open to other media since the late 1980s, especially photography and video.

In an interview in 2003, she says, “For me, there is no possible realism. Photography helps me to produce or to reproduce mental images.” 2 This is probably what distinguishes her from other photographers associated with the city of Marseille such as Marie Bovo and Valérie Jouve. Sylvander invents stories and revisits myths straight from her imagination and an absolute contemporaneousness. She often speaks of make-up and metamorphoses. Her pieces often have an autobiographical basis, but her adaptations move them to the world of fiction and deal with universal ideas rather than simple personal truths. Her work is sometimes in the genre of recorded body art, either in front of or behind the camera; she directs both others and herself. There is often a powerful demand for her presence in the world, as in the piece C’est une fille????9 (‘It’s a girl,’ 1995). A very disturbing and obscure title for a photograph in which she poses backwards against a green background, wearing a white girdle that only reveals the crack of her buttocks and the top of her back, with no arms. It is absolutely provocative but of an irreproachable and unique classicism ironically reminiscent of a Caryatid. Céline Ghisleri wrote, “Michèle Sylvander has always played with shocking images that reverse the codes for displaying the female body, usually sublimated, idealized, commercialized…” 3 In 2003, the Irish artist Alice Maher produced a series of photographic self portraits during her battle with cancer, in particular Collar, in which her neck is encircled in animal hearts.4 The discomfort, though of a different sort in this piece, is just as palpable. There are surprising testimonies of private feelings or of outside pressures. The titles in Sylvander’s series of self portraits produced in 1990 speak volumes: L’une et L’autre 5 (‘The one and the other’), Moi (‘Myself’), Achille (‘Achilles’), Tant pis pour nous (‘Too bad for us’), La conversation????14 (‘Conversation’), Rencontres (‘Meetings’). “I can switch from the slightly drunk rock singer to the mom or the whore. I think these are roles that women are made to play and that they often feel obligated to assume,” the artist tells us.6 There is cross-dressing again in another major piece in Sylvander’s body of work, La Fautive????20 (‘Guilty,’ 1995), or appropriation of clothing in L’Ostensible????39 (‘Conspicuous,’ 2007) and in In God We Trust????41 (2006). They are reminiscent of works by Chantal Akerman, Esther Ferrer, or Hannah Wilke, among others. There are so many associations of this sort, showing Sylvander’s broad range of interests—we are also reminded of Mona Hatoum and Shirin Neshat, for example—and yet she clearly establishes her own style.

The maelstroms of nude bodies in the photographic series Droit de visite (‘Visiting Rights,’ 1999) are enigmatic. A device with a plastic bubble and mirrors is used to invert all sense of orientation by creating distortions or anamorphoses. This apparently floating and incomprehensible world seems clinical but filled with feminine conviviality. The impudence is voluntary! Michèle Sylvander says to love the world backwards. The videos Insomnie (‘Insomnia,’ 1997) and Somnolence (‘Sleepiness,’ 2002) in which Sylvander is enclosed in a plastic tube while wearing a mask and undergarments or leather suit, bear resemblance to the base materialism of André Boiffard’s photographs accompanying George Bataille’s articles in Documents in the late 1920s, or to the sadomasochism photographed by Robert Mapplethorpe in his series X Portfolio in the late 1970s. In a series of trying experiments, Sylvander pushes the limits of tolerance and displays suffocation, underlying violence, confinement, and restraint, a way of questioning the condition of women in society.

The idiosyncrasy of Michèle’s work is also found in the oral character of several of her titles taken from everyday language. They have the power to mystify the viewer by their apparent simplicity, while sometimes bringing a little smile: Je me demande dans quel sens commencer mon gâteau????37 (‘I wonder which direction to begin my cake,’ 1998) is only one example. Concerning La Fautive, the artist tells us, “I started to save the hair left behind on my brush. It made a clump. Tufts of hair. Just as I noticed them I slipped them under my shirt. They made faux- tifs*.”?7

At the same time, Sylvander has a daily photography practice, a type of private journal, which she keeps mainly in the artistic circle around her. The series shown in her personal exhibit at the Mac for the first time under the title Issue de Secours (‘Emergency Exit’) calls to mind the work of Nan Goldin (who actually appears in the piece). In the film I’ll Be Your Mirror, produced for the BBC in collaboration with Edmund Coulthard in 1996, Goldin affirms that she “never believed in a single decisive portrait of someone, but in a variety of pictures that record the complexity of a life.” Sylvander details her approach this way: “For years I’ve been taking photos with an ordinary small camera. I capture moments by photographing the people around me in so-called “social” situations (…) Next, I establish a very precise ritual. I spread out, I sort, I file, I stamp, I dispatch. Each person in the photo receives his or her image. I always keep a copy for my own archives.” 8 Philippe Vergne commented, “Beyond the pleasure or displeasure of receiving images of yourself, these mailings are terrifying. For one thing, the clichés show no pity or concessions for the subjects. For another, after several successive mailings, they reveal the incestuous and closed nature of a society.” 9
In her search for identity, repeated access to her family archives gives new impetus to her work. “I carried out a sort of perilous intrusion in an intimate area that didn’t belong to me and that was in a way forbidden to me. My current images are a reconstruction of the past by successive beats.” 10 The result is an ambiguous interaction between biography and fiction, between past and present. The time lapse and the uncertainty of the fable entitled Un monde presque parfait?6-13-47-50???????(‘An almost perfect world,’ 2002) are reinforced. Sylvander uses photos taken by her mother when she was a child and has her in-laws reenact them fifty years later. What could have been a completely private and familiar process is transformed into an archetype of domestic scenes of leisure that could belong to any family. The family members have become characters who confuse the issue. As Frédéric Vallabrègue describes it, “The series entitled Un monde presque parfait recreates a few photographic impressions that Sylvander takes down from the wall of the art exhibit and floats in space, a family novel that loses none of its tension through its theatricality but rather confirms a silent anxiety. Nevertheless, there is a certain humor there, in the positioning of the obviously all-powerful and tyrannical father and the submissive and devoted mother.” 11

As a visual artist, Sylvander works on the arrangement of her exhibits. For À mon retour je te raconte, certain images, like those of the parachutes from her father’s album, are repeated continuously to cover the walls like wallpaper, thus punctuating the space. It was the same with Je ne peux pas dormir????7 (‘I can’t sleep,’ 1995), a yellow self portrait of the artist in glasses in the Mac exhibit. In this way, each unique manifestation of an image or video gives it renewed meaning, whether subtly and almost subliminally or through the intensity of serial repetition. Acording to Antoine de Baecque, “Michèle Sylvander’s backgrounds are surfaces of joy and anxiety, of a latency between two worlds. Uniform, flat, and intense at the same time, both frozen and animated, they are waiting, holding the viewer in the calm strategy of patience.” 12 The photograph Rouge uniforme????17 (‘Uniform red,’ 2014) does in fact seem to enter brilliantly into this scenario. It is interesting to note that Sylvander was fascinated by the semi-erotic clothing draped over the patients that Gaëtan Gatian de Clérambault photographed in the early 20th century, but also to know that for the construction of several of her images she was inspired by the neoclassical Italian painting of Piero della Francesca and Giorgio de Chirico.

Liliane Giraudon writes, “As a director haunted by fear, M.S. brings her mirrors, backgrounds, bubbles, costumes, and accessories. She says, ‘My mother sews the costumes.’ What cannot be said must be shown. One may also question the reliability of mirrors, since the ghosts disappear at sunrise.” 13

After the death of her mother, she discovered more archives that lead her to what she calls an experiment in “family examination.” She tackles the history of the colonial situation with heightened sensitivity. The family followed the father’s military career to posts in Germany, Morocco, and Algeria in the 1950s and 60s. Now Michèle Sylvander revisits her “migrant images.” Her position seems to fluctuate between guilt and distance, no doubt signaling a more general questioning of the last French colonies. The video Pourquoi tu pars??19 (‘Why are you leaving?’ 2014) is a montage of images of her father, brought back from his tour in French Indochina in 1950, the only country where the family didn’t go with him. The photos parade by, associated with other found images, frozen or animated. Some images from the series Un monde presque parfait reappear here and there and so take on another dimension. The sounds of a typewriter, the wind, or the staccato noise of gunshots punctuating the video call to mind one of the famous and unsettling characteristics of Ennio Morricone’s soundtrack for Gillo Pontecorvo’s film La Bataille d’Alger (1996), a complex anti-colonialist masterpiece somewhere between documentary and fiction. The images show camaraderie, work, the office, cards, the Vietnamese, daily life at camp, sublime landscapes, fire, war machinery, bleeding bodies, and other almost unbearably violent scenes. The feeling of abandon and panic expressed in the title is echoed in La convocation (‘Summons,’ 2014), a video that reenacts the memory of the calling out of names of soldiers who died at Dien Bien Phu. The temporalities become merged and confused. The past combines with the present. The memories serve to question her daily life as artist and human but also the current state of society in general. Reels of film burn in a sink in Disparues (‘Lost,’ 2014). What about these stories? About history itself? Sylvander is haunted by various levels of narration, by the unknown or indescribable, while an exhibition lasts. What form can be given to these reconstructed remnants? That is the subject of the exhibit À mon retour, je te raconte, whose form tends to travel from the father’s face to the mother’s, from the feminine to the masculine; finally returning to the question of relationship. Emotion is at its height in the various disjunctions and repetitions. Appearances and points of view are always deceptive. Today’s conflicts are at the doorstep. But Un jour mon prince viendra????34 (‘One day my prince will come,’ 2012) and Only You????49 (1997) either bring us consolation or further worry.

 

“The story of my life doesn’t exist. Does not exist. There’s never any center to it. No path, no line. There are great spaces where you pretend there used to be someone, but it’s not true, there was no one.”
Marguerite Duras, L’Amant (‘The Lover’), 1984.

“Happiness isn’t cheerful, neither is the sun or the sea.” Michèle Sylvander 14

 

1 Roland Barthes, La chambre claire. Note sur la photographie, Éditions de l’étoile, Gallimard, Le Seuil, 1980, p. 133-4. Translated in Camera Lucida  : Reflections on Photography, Macmillan, 1981, p. 85.
2 Jean-Christophe Royoux, “Face à face (en miroir). Conversation sur les images de Michèle Sylvander,” Michèle Sylvander, Mac, Musée d’Art Contemporain, Marseille, 2003, p. 2. My translation.
3 Céline Ghisleri, “L’étude des jours,” Journal Ventilo, Marseille, November 27, 2012. My translation.
4 About Alice Maher: http://www.alicemaher.com
5 Concerning the photograph L’une et l’autre, 1995: “The color is plain. The face emerges set apart from the dark background. It enjoins me to look at it. It is an order. (…) An order then but also anger and stubbornness to go beyond the mirror, the transformation, or the line. That photo has something urgent and watchful; it rejects carelessness. Because being careless means letting go, and while on the subject, we know what the photo has to say to death,” in Bernard Blistène, “J’entends dire parfois ‘Tu es encore belle’,” Autoportraits : Michèle Sylvander, Galerie Roger Pailhas, Marseille, 1995, not paginated. My translation.
6 Royoux, op cit, p. 8.
7 Liliane Giraudon, “M.S. Fille d’Artaud et de Marie- Thérèse,” Trace, espace d’art le moulin, La Valette- du-Var, 2008, p. 3. My translation.
8 Royoux, op. cit., p. 3.
9 Philippe Vergne, “Michèle Sylvander. J’ai pas sommeil,” in Michèle Sylvander. Droit de Visite, Villa Noailles, Hyères, 2000, not paginated. My translation.
10 Royoux, op. cit., p. 4.
11 Frédéric Valabrègue, “Chemins de traverse de l’atelier au paysage,” in La planque, Parenthèses, Marseille, 2013, p. 108. My translation.
12 Antoine de Baecque, “Sur trois têtes posées là...” in Autoportraits : Michèle Sylvander, Galerie Roger Pailhas, Marseille, 1995, not paginated. My translation.
13 Giraudon, op. cit., p. 3.
14 Michèle Sylvander in La planque, op. cit., pp. 164-165.

 

In «  Des Histoires  », catalogue éditions P., Marseille, 2015

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