Jérémie SETTON 

Le Bureau
Acrylique et pastel sur mur et moquette, objets, ampoule halogène
305 x 800 x 400 cm
Vues de l'exposition Si Didon rêvait là-haut, Théo la verrait donc d'ici sur le site de l'artiste.
 
 
Une grande pièce rouge occupe la salle d’exposition. Des chaises autour d’un bureau en verre, des tasses à café à demi remplies, un ordinateur ouvert, un tableau sorti de son cadre… beaucoup d’objets dans ce qui semble avoir été une salle de réunion, sans ses protagonistes. L’espace est comme figé, paradoxalement vide. La lumière est trop intense. La couleur profonde. Les objets suspendus.
On entre. On circule. La forte présence de notre ombre contraste fortement avec l’absence de toutes les autres. Dans notre déplacement notre ombre révèle successivement derrière les objets l’image claire de chacun d’eux. Dans cet étrange espace le réel est superposé à sa représentation. La profondeur est ainsi contrariée et renvoie la sensation d’être dans le tableau.
 
 
 
"Lorsque Jérémie Setton m’a invité à entrer dans son Bureau, j’étais encore dans la «distraction ordinaire», c’est-à-dire que j’étais encore inattentif... Ce n’est que progressivement que j’ai commencé d’éprouver cette étrangeté de l’expérience esthétique créée par la pièce. Je suis passé de l’inattention ordinaire à l’attention esthétique c’est-à- dire à la distraction esthétique. Les objets, usuels, pris dans une banalité apparente, qui composent ce bureau, avaient pourtant perdu quelque chose d’essentiel : leur ombre. Par un travail minutieux de recouvrement de la surface contigüe aux ombres portées, les ombres disparaissent. Elles ne se révèlent que lorsque notre propre ombre les recouvre. La perception ordinaire est subitement piégée, elle est suspendue. On a déjà écrit sur le travail de Jérémie Setton : on y a détecté -et lui-même le revendique- le geste inaugural, mythique, de l’origine de la peinture comme dessin de l’ombre de l’être absent. Pourtant ce qui me paraît plus saisissant encore dans ce travail, c’est l’expérience esthétique qu’il produit. De ce point de vue, c’est plutôt à Perec -celui de la Disparition- qu’à Butadès, que je pense. Sans doute à cause de la rigueur, de la minutie et surtout, de l’inquiétante étrangeté qui fait naître la question de savoir ce qui a disparu. De fait, nous entrons, sans y prendre garde, dans la peinture elle-même, dans le monochrome rouge, à mesure que les ombres portées disparaissent. La peinture y gagne alors son autonomie, ne renvoyant plus qu’à elle-même (...) C’est bien cette expérience qui naît ici, c’est ce qui la rapproche de cette autre forme, inusuelle, de distraction, peut-être ce que W. Benjamin appelait «distraction critique» (...)"

Charles Floren, Extrait d’un discours de présentation à l’exposition - Janvier 2010
 
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