Ben SAINT-MAXENT 

Photo © Cécile Chass
 
 
 
 

LA VIE
C’EST POUR LA VIE
ET LA MORT AUSSI
ÇA TE POURSUIT TOUTE TA VIE
C’EST COMME UN CHIEN SAUVAGE
QUI S’ATTACHE À TOI
SANS QUE T’AIES RIEN DEMANDÉ
TU MARCHES
TU MARCHES
ET PUIS LE MACHIN
IL EST TOUJOURS LÀ
COLLÉ À TES BASQUES
PARCE QU’IL T’A CHOISI
C’EST LUI QUI DÉCIDE DE FAIRE
LE BOUT DE CHEMIN AVEC TOI
ET PIS QUAND ENFIN T’ES OK
AVEC L’IDÉE ET QUE TU TE
SURPRENDS À L’AMOUR
IL SE CASSE VERS UN AUTRE MARCHEUR
PAS LE TEMPS DE PLEURER

UN CHIEN SAUVAGE
C’EST COMME L’AMOUR
DANS LA VIE
ÇA VIENT QUAND TU SAVAIS PAS
ET PUIS QUAND TU TE DIS QUE
C’EST PAS SI MAL
C’EST DÉJÀ PLUS LÀ

BREF
LA VIE
C’EST AUSSI JUSQU’À LA FIN
C’EST LÀ ET PIS C’EST PLUS LÀ
C’EST CYCLIQUE
MÊME QUE DU COUP
ON PEUT EN AVOIR PLUSIEURS
DE VIES DANS UNE VIE
C’EST UNE QUESTION DE TEMPORALITÉ
QUE DISAIT LA VIE ORANGE

JE ME RAPPELLE T’AVOIR
LAVÉ MILLE FOIS AVEC MES MAINS
ET T’AVOIR SERRÉ SI FORT A T’EN CASSER
LE DOS
Y’A DES SOURIRES QUI S’OUBLIENT PAS
FAUDRAIT POUVOIR CAROTTER
CETTE PARTIE DU CERVEAU
OÙ SONT STOCKÉS LES SOURIRES
MAIS C’EST RISQUÉ

DE TOUTE FAÇON
ON VA TOUS CREVER
OUAIS TOUS
Y’A QUE LE SOLEIL
QUI RESTE
ET ENCORE QUE LUI AUSSI
EST EN TRAIN DE CREVER
C’EST JUSTE PAS ARRIVÉ À NOUS
ENCORE

VA BRILLER ORANGE PENDANT
DES SIÈCLES LE MEC
C’EST UNE FIN DE VIE
QUI SUBLIME
LES NOUVELLES ARRIVANTES
SOLEIL COUCHANT ALWAYS
C’EST LA DORMANCE
ET MOI J’AI TROP REGARDÉ
LE LOINTAIN
EN PENSANT QUE CE SERAIT
MIEUX DERRIÈRE LES VAGUES
LÀ OÙ ON Y VOIT PAS
LE MOMENT OÙ LA TERRE SE COURBE
ET QUE ÇA DEVIENT INVISIBLE
À NOS YEUX
FAUT ÉTENDRE SON COU
POUR POUVOIR VOIR
UN PEU PLUS LOIN
SAUF QU’À LA FIN
ON Y VERRAIT TOUT ORANGE
DE S’ÊTRE CRAMÉ LES YEUX
À VOULOIR VOIR
CE QU’IL NE FALLAIT PAS VOIR

LE ORANGE
C’EST LA COULEUR DES FANTÔMES
FAUT PAS LES REGARDER
AU MIEUX TU LES RESSENS
C’EST TOUT
ET JE ME DEMANDE MAINTENANT
OÙ EST PASSÉ CE FOUTU CLEPS
LUI AUSSI IL M’A LÂCHÉ
ICI À SOLITUDE

FAUT QUE JE ME LANCE LÀ
ON SAIT JAMAIS
PEUT-ÊTRE QUE DEMAIN
JE POURRAIS CANER
UN CANCER DE LA PEAU
UN TRUC COMME ÇA
EN PLUS
PLUS LE TEMPS PASSE
ET PLUS DEMAIN
C’EST DEMAIN
AH PUTAIN CETTE PRESSION
SI JE COUPE LE MACHIN
C’EST SÛR ÇA VA COULER ORANGE
MAIS J’AI LA FLEMME

Y’A QUE LES BULLES QUI S’AGITENT
ELLES ONT LE COURAGE DE MONTER
ET DESCENDRE
ET D’TE CASSER LE BIDE
PENDANT QUE LE SOLEIL TE CRAME
LES NEURONES
Y’A PAS PLUS INCOGNITO
QU’UNE BOUTEILLE
DONT LA CRISTALINE
EST DEVENUE ORANGE
VA FALLOIR ASSUMER MAINTENANT

IL EST PASSÉ OÙ LUI
IL A ACCROCHÉ SON COU
À UN ARBRE AVEC SA CEINTURE
ÇA A SERRÉ FORT
SI FORT QUE LES FLICS
ONT PAS VOULU RENDRE LE CORPS
DEUX SEMAINES QU’ILS ONT MIS
À COMPRENDRE COMMENT IL POUVAIT
Y AVOIR AUTANT D’ACIDE
DANS CE CORPS

OK
PEUT-ÊTRE QUE C’EST MIEUX
DE REGARDER LES FLEURS POUSSER
POURVU QU’ELLES SOIENT ORANGE
OUAIS ÇA SERAIT BIEN QU’ELLES SOIENT
ORANGE

JE T’AVAIS DIT QUE C’ÉTAIT DE L’AMOUR
MAIS TU N’AS JAMAIS SU
LA VÉRITÉ
J’AI TROUVÉ DU SANG PARTOUT
IL AVAIT L’AIR D’AVOIR DÉJÀ ÉTÉ VERSÉ
SANS QUE JE N’EN SACHE
LA RAISON
JE ME DEMANDE POURQUOI
SORTIR UNE LAME EN SOIRÉE
C’EST SOLEIL DANS LES YEUX ÇA
LE MEC IL EST PLUS RECONNAISSABLE LÀ
T’Y VOIS PLUS RIEN
(TARASSE)
QUAND LE SANG COULE
DANS LES YEUX
CELUI QUI VIENT DU FRONT

ÇA DEVIENT BRUMEUX
Y’A PLUS QUE LA SENSATION
QUI RESTE
QUAND T’ES DANS LA FUMÉE
TU VOIS PAS LES FANTÔMES
ILS SE GLISSENT DANS L’ATMOSPHÈRE
TU LES RECONNAÎTRAIS
PAS DES VIVANTS
MÊME LE CHIEN IL EST PERDU
IL S’EST MIS À ME PISSER SUR LA JAMBE
COMME SI ÇA ALLAIT PASSER AU TRAVERS

LÀ QUAND TU SENS L’URINE
C’EST QUE C’EST LA FIN
ET LE DÉBUT POUR TOUS LES AUTRES
ON VA REGARDER LE SOLEIL
À NOUVEAU DANS LES YEUX
À S’EN CRAMER LA RÉTINE
ET RENDRE TOUT ORANGE
PENSER QUE DEMAIN
C’EST MIEUX QU’HIER
ET QU’HIER C’ÉTAIT PAS SI MAL
COMPARÉ À CE QUI ARRIVE DEMAIN
LONGUE VIE À LA VIE
ET POURVU QU’ELLES SOIENT ORANGE
OUAIS

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LA VIE ORANGE, 2022, Marseille
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Photos © Nassimo Bethomme
 

L’hiver à Marseille, il y a toujours un moment de la journée qui reflète la couleur orange. L'installation La vie orange de Ben Saint-Maxent porte sur cette lumière orange si particulière que le soleil produit en hiver - qu'elle soit le dernier éclat tamisé couvrant les fonds marins, ou les premières lueurs brumeuses apaisant la ville qui s’éveille. On deviendrait aveuglé par la luminosité reflétée sur la Méditerranée. Disparaissant lentement derrière l'horizon… sans cesse en boucle…

Ainsi, dans l'installation éphémère de l'artiste, on ressent ces ondes de lumière rayonnantes. Comme une lueur qui éblouit et évoque un souvenir lointain. Qu'il s'agisse d'un moment de fête où des corps en sueur côte à côte sont tendrement collés ou d'une promenade solitaire au bord de la mer endormie. Peut-être un voyage dans une forêt luxuriante au milieu de nulle part, ou une randonnée vers une montagne rocheuse… Le sentiment et la satisfaction que cette couleur orange particulière apporte peuvent être ressentis profondément, ici et maintenant.

Mais surtout, l'œuvre de Ben Saint-Maxent fait référence à une envie de vivre férocement presque comme des flammes brûlantes. D'une certaine manière, l'installation À la vie orange nous entraîne dans une ivresse floue de la vie, dans ces moments du quotidien parfois difficiles à identifier, réels ou mis en scène. C'est avant tout un hommage à l'éternelle jeunesse – à un mode de vie infini.

Merilin Talumaa

 

During winter in Marseille there is always a moment in one's day that reflects the colour orange. The installation La vie orange by Ben Saint-Maxent relates to this particular orange light the sun produces in winter – either a gloomy evening shine covering the deep seabed or foggy morning hours silencing the city in sleep. It is a light that makes everything beautiful and cinematic. One can become almost blinded by the orange luminosity mirroring from the Mediterranean sea. Slowly disappearing into the horizon … endlessly in loop …

Similarly, in the artist's ephemeral installation, one can sense these radiant waves of light. It is a glow that strikes one's eyes strongly and most probably evokes a far away memory. Be it a moment from a party where sweaty bodies next to each other are tenderly glued together or a solitude walk by the sleepy sea. Perhaps a trip into a lush forest in the middle of nowhere, or a hike to a rocky mountain … The feeling and contentment that this particular orange colour awakens can be always felt genuinely, here and now.

Most of all, the body of work by Ben Saint-Maxent refers to an urge to live fierciously, almost like burning flames, living out aloud. In a way, the installation, A la vie orange leads us to a blurry drunkenness of life – to everyday moments which are sometimes hard to identify whether real or staged. Above all, it is an homage to eternal youth – to an infinite way of life.


Merilin Talumaa

 
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