Manuel RUIZ VIDA 

Avant l'orage 2004
Huile et laque sur toile, 120 x 240 cm
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Hangar plan n°3 2003-2004
Huile et laque sur toile, 226 x 160 cm
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Hangar plan n°5 2004-2005
Huile et laque sur toile, 226 x 160 cm
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Hangar plan n°5 2005
Huile et laque sur toile, 198,5 x 198,5 cm
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Hangar plan n°6 2006
Huile et laque sur toile, 160 x 200 cm
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Hangar plan n°7 2007
Huile et laque sur toile, 160 x 230 cm
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Hangar 2004
Huile et laque sur toile, 200 x 240 cm
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Hangar plan n°2 2004
Huile et laque sur toile, 200 x 240 cm
 
 

Une visite d’atelier

…Il se laisse happer par « des champs actifs de matière », déclare Ruiz Vida dans sa note autobiographique. Cette notion donne une première idée du penchant philosophique de l’artiste. Mais plus que des abstractions linguistiques, ce sont surtout des objets réels qui inspirent l’artiste : citernes, silos, réservoirs, hangars et autres bâtiments que l’on rencontre fréquemment dans les ports. Et si l’on ajoute les récipients utilitaires que Ruiz Vida représente, tels que la bétonneuse, ce sont finalement des réceptacles, des coquilles qui provoquent son intérêt pictural. Leur âge, la présence d’usure sont les conditions pour que Manuel Ruiz Vida en extraie la « matière picturale ». Le nord est soumis à ces processus d’une manière particulière. Le vent et l’eau salée travaillent, inexorables, pour laisser leurs traces sur toute chose exposée à leur potentiel de destruction. La rouille indique une dégradation, pour l’artiste en revanche, la rouille, c’est aussi une couleur. Elle pénètre en profondeur, produit des structures picturales sur différentes surfaces, entre en concurrence avec la couleur d’origine qui se défend comme elle peut. C’est donc ici que l’artiste trouve ses champs actifs de matière, une matière chromatique soumise dans son épaisseur et son extension à des transformations continues.

On pourrait supposer que derrière le penchant pour l’éphémère, l’effrité ou le morbide se cache un esprit romantique. Manuel Ruiz Vida le voit d’une autre façon : certes, cette composante est présente chez lui, mais à l’extérieur de la peinture, par exemple quand il s’agit de problèmes de l’environnement, mais sans nostalgie primaire, et d’ailleurs ses tableaux n’ont rien de moralisant. Le romantisme classique aimait porter son regard jusqu’à l’horizon ; dans les œuvres de Ruiz Vida, on trouve parfois des horizons, mais seulement esquissées. Et on cherchera en vain des attitudes affichées de nostalgie, on rencontrera rarement des allusions symboliques ou métaphoriques. Les objets semblent se situer dans un nulle part, un non-lieu. Manuel Ruiz Vida cherche ses motifs en photographiant, le dessin se fait à partir du regard photographique. Sur le dessin sont posées des couches de matière picturale afin de faire apparaître les pigments à travers toutes les strates comme s’ils surgissaient des profondeurs de la mer (par ex. Hangar, plan N°3). L’artiste peint souvent à même le sol pour pouvoir regarder son travail sous tous les angles et avoir ainsi une prise plus forte sur la composition. Ruiz Vida nous dit en décrivant par gestes sa façon de travailler, qu’il cherche à obtenir un équilibre entre toutes les composantes du tableau. Aucun élément-couleur, espace ou structure- ne doit dominer. En scrutant son travail de tous les côtés, il évite qu’il devienne décoratif ; quand la couleur par exemple devient trop puissante, il s’efforce à la fracturer, à la briser…Il a sans doute raison de voir dans le beau quelque chose de superficiel, d’un point de vue émotionnel, ou au contraire une émotion débordante qui complète souvent ce caractère superficiel. Dans ses œuvres, on ne trouvera ni l’un ni l’autre : ce qui domine, nonobstant la verve avec laquelle il peint, c’est une certaine sobriété qui maîtrise l’émotion et assure un équilibre…

La série «  Récipients » qui montre des récipients rectangulaires et ronds pour matériaux de construction. La série « Structure » décline avec la même conséquence sa gamme de variantes, et ceci avec une monumentalité impressionnante. Mais pourquoi parlons-nous de monumentalité ? Est-elle liée aux phénomènes sculpturaux ou aux dimensions de la toile ? L’inventaire pictural n’offre pas de comparaison permettant de déduire l’échelle, comme nous l’avons vu pour les petits travaux. Peut-être s’agit-il de miniatures ou de modèles que le grand format rend impressionnant ?
On ne trouve pas de références explicites (Quel est le lieu de cet objet, pourquoi est-il là) La présence de l’objet résulte uniquement de l’emploi des moyens picturaux (par ex. le déplacement de la perspective) et non pas d’une présentation de son environnement visant l’illusion ou l’association.
Ces derniers temps, l’artiste revient aux formes compactes avec les containers et les bâtiments de sa série «  Structure ». Elles remplissent de façon massive toute la surface du tableau. La structure de l’objet spatial correspond à la surface crevassée du fond ; les deux éléments maintiennent le tableau en équilibre, comme l’exigent les postulats de Ruiz Vida. Les travaux antérieurs n’ont pas cette présence corporelle. Ils montrent souvent des gazomètres dont la forme se dissout.
Des surfaces colorées se superposent à la perspective et détruisent pour ainsi dire l’espace. L’observateur ressent ceci comme quelque chose de douloureux car dans notre perception les corps possèdent une perspective naturelle. Pendant cette phase de son travail, vers 2005, le rapport à la surface est particulièrement fort. Les travaux de la série « Hangar » sont d’une grande qualité picturale mais refusent presque toute profondeur à l’image. Seules quelques percées minimales telles que la fente d’une porte entrouverte maintiennent l’illusion spatiale.

Même après des heures de dialogue et de contemplation, Manuel Ruiz Vida ne se lasse pas de souligner les objectifs visés par son travail. A côté de nombreux aspects, y compris ceux qui n’ont pu être développés faute de temps, tels que le rôle de la couleur blanche, le traitement de la lumière ou les moments métaphysiques ou surréalistes de son œuvre, Ruiz Vida souligne que pour lui la question de la perception joue un rôle central. Savoir par exemple si en contemplant le tableau on se situe à la surface de l’objet présenté, la «  sculpture », ou à la surface de la toile peinte. Autre aspect important :
Comment est défini le rapport entre l’espace qui existe d’une part entre l’observateur et la toile et entre la toile et l’objet présenté d’autre part. « Ce qui m’intéresse, c’est la réalité de la peinture qui fait passer l’objet de la représentation à l’arrière-fond. La toile est une matière, et c’est cela la vraie réalité, contrairement à l’illusion d’une représentation », nous dit Ruiz Vida à la fin de notre visite...

Dr. Ulrich Ptak. Commissaire d’expositions de la Kunsthalle Rostock, Musée d’art contemporain de Rostock
Extraits du texte du catalogue de l‘exposition Jenseits des realen / Au-delà du réel, Kunsthalle Rostock et institut français de Rostock, 2008

 
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