Nicolas RUBINSTEIN 

Une certaine démarche…


Voir à l’intérieur, lire d’un même mouvement l’enveloppe et la structure qui la porte, découvrir l’ossature des êtres et du monde avec l’intuition (la conviction) qu’il y a là un secret caché, une explication à trouver.

Depuis longtemps je me sens destiné à la sculpture et puisque j’ai été sculpteur avant que d’être artiste, je pourrais dire en paraphrasant Pierre Dac :  « Je suis moi, je viens de la sculpture et j’y retourne ».

Un des aspects fondamentaux de mon travail est l’envie de révéler la structure cachée, l?ossature intérieure, l’anatomie (l’ostéologie) des êtres et des choses. J’utilise la transparence, les coupes, les écorchés, les trous dans la surface, voire la dissection et les modèles anatomiques pour dévoiler et comprendre pourquoi et comment tout cela tient en place.

Cette quête recouvre un vrai questionnement dont je ne connaîtrais peut êtres pas la réponse et ma production de peaux et d’ossements traduit cette recherche. Entre la peau et les os, rarement de transition. Comme pour mieux se faire reconnaître, chair, viscères et sentiments sont étrangement absents?

Mes images, identifiables et décalées, facilement accessibles, participent de l’imagerie publicitaire des dernières décennies et de l’iconographie naturaliste. Fiction et réalité, authentique et artificiel s’y côtoient intimement dans la tradition des cabinets de curiosités des XVIe et XVIIe siècles. Ce sont ces décalages, ces failles dans la réalité qu'il importe d'interroger.

Les squelettes et les os m’ont toujours fasciné ; je les considère paradoxalement comme porteurs de vie, de pouvoir et de mémoire, et mon travail se construit sur l’hypothèse qu'ils ont une expérience à communiquer.

Cette démarche repose également sur une recherche des messages enfouis dans les structures osseuses et les environnements, et les images que je construis (car ce sont toujours des images, même quand les os s?associent maladroitement en mots) sont mises en place pour servir de transmetteur, de traducteur. Il faut que ÇA parle, il faut que ÇA me parle.

Cette vision pleine d’ossatures représente sans doute aussi la fin de l?enfance du monde, le portrait d’une société sortant de l’adolescence après les génocides du XXe siècle, d’une civilisation recherchant peut-être de nouvelles structures.

Ce mystère sur lequel je m’interroge, je veux le proposer au spectateur en le renvoyant à sa propre autonomie. Car si ça me parle, ça parle aussi à d?autres et les voix qui résonnent ne sont pas toujours les mêmes comme le montrent les deux textes critiques qui suivent.
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