Véronique RIZZO 

Un écran à soi, Frédérique Verlinden, Gap 2004

Un écran à soi, étanche, cloisonné rempli d'intuitions à vif,…
…Un spectacle autour de la génèse des formes et de leur mécanique rythmique…
…Une mise à distance où chacun regarde l'écran et pénètre en lui-même.
Après le premier désarroi, un ton nous immerge.
Puis, il y a le plaisir de recevoir les images, sans intellectualisme.

Et pourtant loin de s'enfermer dans une bulle, Véronique Rizzo est soucieuse de la place du public, de son positionnement dans l'espace.
Elle installe notre focale dans un espace aux contours d'immatérialités.
Le caractère expérimental de l'oeuvre compose avec l'hypersensibilité, l'humeur vagabonde et l'attention extrême du public.

Véronique conçoit, capture et implique ce qui nous environne: l'enclos et l'autours.
De l'écran sortent d'autres formats.
Les propositions sont visuelles, musicales, gestuelles…
Les rythmes épousent les phénomènes essentiels de la vie.
Qui englobe quoi?
Qu'est-ce qui est épidémique?
Qu'elle est la place de l'oeuvre? Que se passe-t-il avec le public?
Véronique ritualise avec méticulosité.
Elle brouille les cartes et transforme notre approche en rencontre voire en jeu.
L'oeuvre assouvit notre soif de relation avec autrui. Elle nourrit nos ambiguïtés, notre désir d'être isolé-ensemble, autonome-dépendant, disponible-occupé...
Elle nous renvoie à notre fonction de récepteur avec un regard neuf et sans oeillères.
Elle nous divertit avec nos modes de perception.
Elle nous place sur un terrain d'entente où l'oeuvre peut travailler dans la proximité avec chacun. On se retrouve à la fois en état de veille et de coma.
Corps et objets s'annulent.
Fantasmes et réalités se côtoient.
La vidéo est une manipulation de la matière et du son.
L'artiste y tisse un univers à la fois étranger-familier, net-brumeux, dans une logique implacable, calculée, millimétrée, paramétrée.
La totalité de l'installation est une vision par réflexion du mental de l'artiste sur nous-même.
Les choses prennent vie de manière onirique, projetant leur propre vitalité dans nos instantanés.
Les spectateurs sont actifs dans la construction de ce qu'ils voient et habitent.
Cet art est sans mode d'emploi. Des météores, des souvenirs éphémères, des enchevêtrements de sensations, de la matière en suspension s'agencent sur le filtre de notre insaisissable conscience.
Chaque moment est plein. La séquence est densifiée de possibles réfléchis, programmés, surprenants et pourtant attendus et prévisibles.
Véronique procède par matières nourrissantes, par ricochets, par surprises. Son travail passe par la scénographie des regards, des gestes, des postures.
L'oeuvre propose un accueil des sens où chacun se forge sa propre liberté d'approche. Véronique ne transmet pas de message, elle cherche simplement à communiquer.
Elle offre une généreuse matière à rêver, à rebondir.
L'installation confronte le public à un propos d'artiste de l'ordre de la sensibilité, de la curiosité pour des ailleurs possibles… placer en gémellité le dedans et le dehors.
Le dialogue avec le public n'est pas un acquis, c'est plutôt une proposition, une mise en confiance à gagner.
Un instant part du silence et du noir pour progressivement amorcer un rouage.
Comment un corps, une zone de lumière va apparaître, comment des yeux vont se regarder, voir, observer, comment s'amorce un élan?
Véronique guette et convoque ce rassemblement en nous qui nous engage et nous différencie. Elle insère le tout dans une dimension numérique, à la fois souple et carapacée.
Il n'y a pas de construction d'histoire ou de fable, pas d'interprétation ou de signifiant.
Il n'y a pas d'en haut, ni d'en bas, aucun parcours.
L'artiste prend juste la mesure d'un point aveugle.
La forme s'appréhende sans aspérités dans un flux d'évolutions et de transformations continuelles
Véronique Rizzo nous positionne à l'envers des urgences matérialistes et sociales.
Elle nous détourne des usages polis, des relations utilitaires. Elle désamorce l'étroitesse du temps et rend caduques son calcul et sa narration.
Des formes construites, en tension permanente, passent.
Ce n'est ni la durée ni les dimensions et couleurs que nous retenons mais le moment du découpage, cet instant d'effacement, de transition.

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