Véronique RIZZO 

SPLIT SCREEN
Interview entre Pedro Morais et Véronique Rizzo, in calalog SPLIT SCREEN, Zéro2 éditions, 2006
English translation, click here


Dans ton travail, il y a des références évidentes à l’histoire de l’abstraction moderne. Comment te situerais-tu par rapport au modernisme dans un contexte artistique qui arrive après sa remise en question ?

L’abstraction moderne correspond à une succession de réflexions formelles liées à des projets de société utopiques. J’arrive après cette période de certitudes, quand il n’y a plus de discours référents. Aujourd’hui, on peut avoir une interprétation rétrospective des différentes solutions globales par le biais d’une distance. Il s'agit d'une situation hors d’un grand récit, mais où les expérimentations modernes nous permettent d’opérer des possibles à l’échelle de visions plus singulières. Le modernisme avait développé une machine critique à la fois sur les formes de l’art et sur les projets économiques et politiques; nous nous retrouvons face à un répertoire des programmes, de leurs échecs et de leurs réussites. Envisager une méta-critique du modernisme ne signifie pas, cependant, délaisser son héritage. L’histoire est toujours en marche dans un enchaînement d’effets et de causes. C’est la fois fascinant et totalement vain.

Plutôt que de manipuler les formes abstraites comme un répertoire que l’on mixe, tu sembles interpréter le fait qu’elles soient issues de projets idéologiques.

L’histoire moderne pose la question philosophique du progrès et il me semblait intéressant de la reprendre. J’y fais allusion, de manière parodique, dans la vidéo Gestalt, en faisant cohabiter des figures dont les formes renvoient aux différents passages de l’abstraction du XX siècle : du Bauhaus, à Arp, en passant par Pol Bury et aux formes plus sophistiquées des années 50 qui préfigurent l’emploi de l’électronique. Le titre, Gestalt, est emprunté à la série d’œuvres de Robert Morris qui marquent le lien entre le modernisme et le minimalisme, quand l’objet autonome devient « specific object », et, que l’art devient le miroir opaque d’une
« société universellement industrialisée », comme le soulève Hal Foster*. Dans la vidéo, les formes évoluent dans un espace à la fois cosmique et plat, circonscrit par l’écran. Je m’éloigne dans un long travelling arrière, en partant du fonctionnement interne d’une des formes, jusqu’à faire disparaître dans le temps cette ronde d’îlots hétérogènes. C’est une fable ironique sur des structures qui cherchent vainement à communiquer par des impulsions électriques. La musique instrumentale que j’utilise renvoie directement aux interludes des années 60, la préhistoire de la télévision, ces moments sans événement, placés entre deux émissions, où l’on pouvait dormir, penser à plein de choses et à rien.

Dans la série Homogéneité, Fragmentation, Hiérarchisation, tu associes Vasarely à la critique du capitalisme de Henri Lefebvre, évoquée par le titre. Il s'agit moins d'une simple revisitation de l'abstraction géométrique que d’y introduire une perturbation.

Dans Tilos (de la série Homogénéité, Fragmentation, Hiérarchisation), j’utilise un motif de Vasarely pour lui faire subir une accumulation exponentielle, perturbée par le mouvement d’une sphère. Je prolonge jusqu’à la saturation son idée de la transformation d’un champ répétitif à travers l’incursion du volume par le mouvement. L’art cinétique est ici déstabilisé par l’utilisation des technologies numériques. Tilos réactive le motif du carré arrondi, que j’associe au moment charnière des années 60 où la société industrielle arrive au stade de la consommation triomphante. Le carré représente la logique, l’organisation, le programme, tandis que l’arrondi signifie le mode insidieux qu’a la consommation de façonner notre environnement. Homogénéité, Fragmentation, Hiérarchisation est la formule que Lefebvre développe dans La Production de l’Espace*, où il analyse comment le mode de production capitaliste organise, les rapports sociaux, mais aussi l’espace et le temps. Vasarely, tout en ayant un projet utopique de société égalitaire, a fini par intégrer ce système. La confrontation des deux met en avant les contradictions du projet moderne. Le spectateur dans l’installation éprouve l’effet d’un espace clos, entièrement balisé et normatif, la synthèse d’un espace kafkaïen.
Dans le prolongement de cette réflexion sur l’organisation de l’espace, l’installation Panopticon donne à voir la déambulation d’une sphère à l’intérieur d’une super-structure, jusqu’à que l’on s’aperçoive que cette machine se reproduit en boucle. Qui dirige ce labyrinthe où la sphère déambule? Elle tombe dans une succession d’abîmes qui rétrécissent l’espace, jusqu’à la prise de conscience de l’ensemble du système auquel elle participe. D’une autre manière, Ligne de Fuite se présente comme une grille horizontale, un mur, qui donne l’impression d’avancer vers celui qui le regarde. Les lignes se déforment autour d’un point focal pour donner lieu un autre espace. C’est un film d’anticipation qui n’apporte pas de réponses. Est-ce que l’espace arrive sur nous et nous écrase ou est-ce que l’on peut traverser les lignes et aller vers des projections possibles ?


Contrairement à l’abstraction moderne, tu rends problématique la prétention des formes à l’autonomie, à travers une lecture consciente de leurs usages culturels.Il est impossible de te classer dans un contexte formaliste ou, à l’inverse, dans la citation ironique.

Au début de mon travail, il était impossible de m’inscrire dans la continuité de l’abstraction géométrique. J’arrivais après. Ce que j’y trouvais alors me semblaient être des pratiques laborieuses de déclinaison de motifs, des contraintes sans enjeu spécifique. Quand je cherche à me donner des contraintes, je les circonscris à une série et non pas à l’ensemble de ma démarche. Il s’agit de mettre en confrontation des éléments formels, de leur faire cracher leur puissance. Je trouve dans les discours issus du modernisme des paradigmes que j’interroge dans ce qu’ils incarnent maintenant. Quand je porte un regard sur une période, je la prends globalement, en relation avec les arts appliqués ou la culture populaire. Dans Labyrinth Vert, le carré arrondi devient un dédale, un casse-tête chinois. La boule fait exploser le cadre contraignant de la surface pour faire intervenir l’idée d’espace, introduit le désordre où elle trouve finalement la libération. Je pensais à ces objets ludiques qui ont accompagné l’avènement de la consommation de masse des années 60, les flippers de poche ou le rubik cube, une magie de plastique.
Plus qu’à des mouvements historiques, je m’intéresse à certains artistes. Blinky Palermo me touche beaucoup dans son approche de l’abstraction, à l’écart des doctrines, faisant corps avec l’espace dans une réduction à des formes à la fois neutres et sensibles. Il y a aussi dans son travail l’idée du programme, d’une clé qui régit l’œuvre, comme dans « To the people from NYC ».

Si ta démarche semble passer par la logique, la géométrie, elle intègre aussi une approche sensorielle qui essaie de produire des effets dynamiques chez le spectateur, ne cherchant pas à dissocier la rationalité de la sensorialité.

C’est ce que l’on retrouve dans le film Pataphysical Introduction, où la forme elliptique apparaît sur une surface plate et devient hallucinée. J’ai cherché à habiter l’intérieur de l’ovale en passant de la surface à la matière, un ersatz de 3D. Au même moment, j’écoutais Soft Machine, à qui j’ai emprunté littéralement le titre pour développer une narration, une sorte de récit atmosphérique que je peut résumer par « naissance, vie et mort d’une patate électrique », déplaçant à mon compte l’humour pataphysicien. À la fin de la vidéo, la forme prend feu, c’est à la fois inattendu et dans le cliché, un paradoxe qui m’intéresse. La musique expérimentale des années 70, certains psychédélismes, avaient une relation avec la pataphysique et leur réflexion absurde sur l’existence. C’est une époque qui a réessayé d’inventer des mythes et des cosmogonies, une sorte de « régression » par rapport aux grandes idéologies. La musique de Sun Ra, qui accompagne la vidéo, résonne avec les couleurs, le marron et le bleu ciel  que j’associe à cette époque. Ellsworth Kelly parlait de l’intelligence des ensembles de couleurs, des bonds que fait la perception quand on les juxtapose de façon dissonante. Il y a un langage des couleurs, expérimenté par l’abstraction, dont on a maintenant une mémoire.

Le passage de la peinture à la vidéo semble correspondre chez toi à une certaine approche de la narration, où tu ne retiendrais que l’architecture des récits.

La vidéo me donnait la possibilité d’imaginer des peintures en mouvement au lieu d’ancrer la composition dans un temps stable. Je construis la narration en faisant réagir les termes formels par une interaction avec le contexte. Comme une équation mathématique, qui recevrait nos projections mentales et évoluerait dans l’espace-temps, une géométrie avec des résonances sensibles. Dans la plupart des vidéos, ce sont les sphères qui déclenchent des dynamiques ou des récits. Sphères de réalités possibles, donne à voir l’errance de ces formes qui ressemblent à des planètes, des entités sensibles avec une singularité donnée par les motifs qu’elles portent en mise en abîme. La gestuelle des sphères sur le fond sans architecture, les mouvements de la caméra virtuelle induisent un récit chorégraphié, entre le jeu vidéo et le clip, une sorte de « space opéra bollywoodien ». Il y a des aventures, des histoires d’amour et un épilogue accompagné d’une musique de Lalo Schiffrin qui mêle le fonctionnement narratif de la série télé à l’hédonisme de ces motifs abstraits.

L’utilisation de la musique a une place déterminante : tu sembles faire usage de thèmes instrumentaux, abstraits pourrait-on dire, dans sa capacité à faire fonctionner des projections mentales qui deviennent narratives.

Dans Bouches, j’utilise la musique de John Barry pour sa capacité à nous introduire immédiatement dans un univers dramatique. C’est le compositeur du thème de James Bond dont les génériques étaient magnifiques, à la pointe du design graphique. Ils synthétisaient l’esprit d’une séduction. Cela rejoint ma réflexion sur les possibilités d’un motif abstrait à poser une dramaturgie. Pour cette vidéo, je pars d’une forme trouvée dans l’espace public que je décline, faisant en sorte qu’elle nous attire et nous repousse. D’un maelström liquide, elle devient fractale, pour ensuite durcir et saturer tout l’espace. C’est un voyage intérieur que je rapproche de la névrose, un motif obsessionnel qui rempli la vision, prenant toutes les formes possibles tout en restant la même chose. Cependant, la musique n’est pas toujours utilisée comme une trame narrative. La collaboration que je développe avec des musiciens électro-acoustiques conduit à trouver des transpositions entre les formes et les sons pour construire des environnements immersifs.

Contrairement au cinéma, qui ouvre une fenêtre sur des espaces narratifs et nous fait oublier le contexte, notre corps même, tu crées des environnements qui nous ramènent constamment à la surface, impliquant notre sensorialité dans un rapport au lieu de l’exposition. En cela, ton travail se situerait dans un dialogue, adultère peut-être, avec le cinéma expérimental de Len Lye ou Paul Sharits.

Il est difficile d’établir un rapport direct avec le cinéma des avant-gardes historiques quand on est entourés d’écrans de veille d’ordinateur et d’une pléthore de pratiques de veejaying. Mais je me sens proche de la position de ces cinéastes, de leur volonté d’ancrer les formes dans un rituel « synesthésique ». J’essaie de développer cela à travers l’installation, en passant de la surface à l’espace in situ, puis de l’image vidéo à la construction d’objets, de prototypes, d’architectures.
De cette tradition expérimentale, je retiens l’attitude générale qui s’est tenu dans les marges pour créer du choc en mixant les champs spécifiques, et perturber le point de vue classique. Faire coexister les représentations c’est donner une intuition de la relativité; contaminer le réel par des images subliminales, c’est identifier les mécanismes de pouvoirs sur les outils de communication visuelle. Dans mes dispositifs, on se retrouve à l’intérieur de projections d’espaces mentaux qui perturbent la conscience d’une réalité stable. Le rythme, la vitesse, les mouvements des formes et des couleurs influent peut-être sur des zones encore méconnues du cerveau. Je crois en une résonance des percepts aux formes, et je veux expérimenter le motif pour son potentiel narratif et sa puissance d’implication émotionnelle dans l’espace. La confrontation à une présence forte de l’altérité abstraite révèle la coïncidence du corporel et du conceptuel, une extériorité spectaculaire qui nous renvoie comme dans un miroir, au lieu d’une inextricable intériorité.



1 Hal Foster, p 94 in « l’enjeu du minimalisme », Le retour du réel , 1996 - editions La lettre volée
2 Henri Lefevbre, préface, p 23, La production de l’espace, 1974 - editions Anthropos
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"SPLIT SCREEN
Interview Pedro Morais, Véronique Rizzo, in calalog SPLIT SCREEN, Zéro2 éditions, 2006
Translation Aude Launay, Enzo Thalizari

VÉRONIQUE RIZZO DEVELOPS A WORK THAT QUESTION AND BROADEN THE ABSTRACTION POSSIBILITIES SINCE THE BEGINNING OF THE NINETIES. ENVISAGED FROM A CULTURAL USES VIEWPOINT, ABSTRACTION IS AN EXPERIMENTATION FIELD THAT GOES THROUGH INSTRUMENTAL MUSIC OR EXPERIMENTAL CINEMA. AN APPROACH, WHICH DOES NOT ONLY SUBSTITUTE THE SOLE IRONY TO A REFLECTION ON FORMS INHERITED FROM MODERN ART.


DO YOU HAVE IN YOUR WORK OBVIOUS REFERENCES TO MODERN ABSTRACTION HISTORY ? HOW WOULD YOU POSITION YOURSELF IN REGARDS TO MODERNISM IN AN ARTISTIC CONTEXT WHICH COMES AFTER ITS QUESTIONING?

Modern abstractions are formal reflections successively linked to society utopian projects. I arrive after this conclusion when there are no discourses to refer to anymore. Today, one can have retrospective - interpretations of the different solutions through a distance. It is about a situation outside a big narrative where, however, modern experimentations allow us to operate possibilities on the scale of more singular visions. Modernism had developed a criticism machine as much on art forms as on economical and political projects; we are facing a programs index, of their failures and successes. However, envisaging a meta-criticism of modernism does not entail you to abandon your heritage. History is still moving forward in a string of causes and effects. It is at the same time fascinating and totally vain.

INSTEAD OF MANIPULATING ABSTRACT FORMS AS AN INDEX THAT ONE MIXES, YOU SEEM TO BE INTERPRETING THE FACT THAT THEY STEM OUT OF IDEOLOGICAL PROJECTS.

Modern history asks the philosophical question of progress and it seemed interesting to me to re-open it. I refer to it, in a parodic manner, in the video Gestalt by making figures of which shapes send us back to the different century abstraction periods, live together: from Bauhaus, to Arp, going through Pal Bury and more sophisticated forms of the stories which prefigured also electronic use. The title, Gestalt, is borrowed from the Robert Morris work series which mark the link between modernism and minimalism, when the autonomous object becomes a "spécific object", and when art becomes the opaque mirror of a "universally industrialised society", such as raised by Hal Foster'. In the video, the forms evolve in a space at the same time cosmic and flat, limited by the screen. move away in a long back travelling going from one of the forms internal functioning, until disappearance of the heterogeneous islands in time. It is an ironic fable on structures vainly trying to communicate through electric impulses. The instrumental music I use, goes directly to the sixties interludes, TV prehistorical period, these moments without events, between two programs, when one could sleep, think about lots of things or nothing at all.

IN THE SERIES HOMOGENEITÉ, FRAGMENTATION, HIERARCHISATION, YOU ASSOCIATE VASARELY TO THE CAPITALISM CRITICISM BY HENRI LEFEBVRE, AS EVOKED IN THE TITLE. IT IS LESS ABOUT A SIMPLE REVISITATION OF GEOMETRIC ABSTRACTION THAN INTRODUCING A DISTURBANCE IN IT.

In Tilos (series Homogénéité, Fragmentation, Hiérarchisation), use a Vasarely pattern to induce an exponential accumulation to it, disturbed by a sphere movement. I prolong his idea of a repetitive field transformation until saturation, through the volume incursion by movement. Cinetic art is destabilised here by the use of numeric technologies. Tilos reactivated the rounded square motif that I associate to the transitional time of the sixties when industrial society reached a triumphant consumerism. The square represents logic, organisation, program, when the round means the insidious mode for the consumerism to shape our environment. Homogénéité, Fragmentation, Hiérarchisation is the formula developed by Lefevbre in La Production de l'espace 2, where he gives an analysis of how the capitalistic production mode not only organizes social relationship, but also time and space. Vasarely, at the same time having a utopian project of egalitarian society, also finally integrated this system. The confronting of the two puts forward modern project contradictions. The viewer in the installation feels the effect of a closed in space, completely marked out and normative, the synthesis of a Kafka space.
In the continuation of this way of thinking on space organisation, the installation Panopticon enables one to see the strolling about of a sphere within a superstructure until one realizes that the machine repeats itself in a loop. Who drives this labyrinth where the sphere strolls about? The sphere falls in a succession of abysses, which reduce space until realisation of the global system in which it participates. In another manner, Ligne de fuite presents itself like a horizontal grid, a wall that gives the impression of going towards the one looking at it. Lines are deforming themselves around a focal point to give birth to another space. It is an anticipation movie, which does not bring any answers. Does space arrive upon us and crushes us or can one go through lines and towards possible projections ?

CONTRARY TO MODERN ABSTRACTION, YOU MAKE AN ISSUE OF FORMS PRETENDING TO AUTONOMY, THROUGH A CONSCIOUS READING OF THEIR CULTURAL USAGES. Is IT IMPOSSIBLE TO PLACE YOU IN A FORMALISTIC CONTEXT OR, ON THE OPPOSITE, IN THE IRONIC QUOTATION?

What I was finding in abstraction when I started my work, seemed to be laborious practices of designs multiplication, constraints without specific stake. When I am looking at giving myself constraints, I limit them to a series and not the whole of my work process. It is about confronting formal elements, getting them to cough up their power.
I find it in discourses coming out of modernism, paradigms that I question in what they represent now. When 1 look at one period, 1 take it globally, in relation with applied arts or popular culture. In Labyrinth vert the rounded square becomes a maze, a Chinese puzzle. The ball explodes the surface-restricting frame to introduce the idea of space, disorder where it finally finds liberation. I am thinking about these ludic objects that accompanied the sixties mass consumption advent, pocket flippers or Rubik Cubes, a magic of plastic. More than in historical movements, I am interested in certain artists. Blinky Palermo touches me a lot in his approach to abstraction, away from doctrines, making one with space in a reduction to forms both sensitive and neutral at the same time. There is also the idea of program in his work, of a key that governs the work as in To the Peoplef rom NYC.

IF YOUR WORK PROCESS SEEMS TO GO THROUGH LOGIC, GEOMETRY, IT ALSO INTEGRATES A SENSORY APPROACH, WHICH TRIES TO PRODUCE DYNAMIC EFFECTS ON THE VIEWER, NOT LOOKING TO DISSOCIATE RATIONALITY FROM SENSORIALY.

It is what one finds in the movie Pataphysical Introduction, where an elliptic form appears on a flat surface and becomes hallucinated. I tried inhabiting the oval interior going from surface to matter, a 3D ersatz. At that time I was listening to Soft Machine, to whom I literally borrowed the title to develop a narrative, a sort of atmospheric story that I can resume by "birth, life and death of an electric potato", moving to my own account the pataphysician humour.
At the end of the video the form catches fire, it is both unexpected and a cliché, a paradox that I find interesting. Experimental music of the seventies, some psychedelic, had a relationship with pataphysic and their absurd reflection on the existence, it is an era that tried to invent myths and cosmogonies, a sort of regression in regards to big ideologies. Sun Ra music, which accompanies the video, echoes with the colours, the brown and sky blue, which associate to this period. Ellsworth Kelly talked about intelligence of colours groups; of the leaps that perception does when one juxtaposes dissonant colours. There is a colours language, experiences by abstraction, of which we have a memory.

THE TRANSITION FROM PAINTING TO VIDEO SEEMS TO CORRESPOND TO A CERTAIN NARRATION APPROACH WITH YOU, WHERE YOU WOULD ONLY RETAIN THE STORIES ARCHITECTURE.

Video gave me the opportunity to imagine moving paintings instead of anchoring the composition in a stable time. I construct the narrative by interacting starting terms between their formal nature and a core situation. Such as a mathematical equation, which would receive our mental projections and would evolve within time-space, a geometry with sensitive echoes. In most of the videos, spheres are triggering the dynamics or the stories. Sphères de réalités possibles allows one to see the wandering of these planets look alike, sensitive entities with the patterns singularity they bring to abysmal depths. The gesture of the sphere on the background without architecture, the virtual camera movements, induce a choreographed story, between video game and music video, a sort of "bollywoodian space-opera". There are adventures, love stories and an epilogue on the music of Lab Schifrin, who mixes the narrative functioning of the TV series with the hedonistic abstract patterns.

THE USE OF MUSIC HAS A CENTRAL PLACE: YOU SEEM TO BE USING INSTRUMENTAL THEMES, ONE COULD SAY ABSTRACT, IN THEIR CAPACITY TO MAKE MENTAL PROJECTIONS BECOME NARRATIVE.

In Bouches, I use John Barry's music for its capacity to immediately introduce us in a dramatic universe. It is the James Bond theme composer, whose credits music was magnificent and at the top of graphic design. They synthesize the seduction of the mind. It links to my reflection on the abstract pattern opportunities to set a dramatic situation. For this video, I go from a form found in the public space that I multiply in a way that it both attracts and repulses us. From a liquid maelstrom it becomes fractal, then hardening and saturating all space. It is an interior journey that compares with neurosis, an obsessional motif that fills up the vision, taking up all possible shapes and remaining the same. However, music is not always used as a narrative framework. The collaboration I develop is between forms and sounds in order to build encompassing environments.

CONTRARY TO CINEMA, WHICH OPENS WINDOWS ON NARRATIVE SPACE AND HELP US FORGET THE CONTEXT, EVEN OUR BODY, YOU CREATE ENVIRONMENTS, WHICH CONSTANTLY TAKE US BACK TO THE SURFACE, INVOLVING OUR SENSORY IN AN INTERRELATIONSHIP WITH THE EXHIBITION PLACE. IN REGARDS TO THIS, YOUR WORK WOULD POSITION ITSELF IN A DIALOG, ADULTEROUS MAYBE, WITH LEN LYE OR PAUL SHARITS EXPERIMENTAL CINEMA.

It is difficult to establish a direct relationship with the twenties and thirties historical "avant-gardes" cinema when computer saving screens and a plethora of V-jaying practices surround one. However I feel close to the position of these moviemakers, their will of anchoring forms in a "synesthesic" ritual. I try to develop this through installation, going from surface to in situ space, then from video image to objects construction, prototypes, and architectures. Of this experimental tradition, I retain a general attitude, which occurred on the outskirts in order to create shock by mixing specific fields and disturbing the classic viewpoint. To get representations to coexist is to give a reality intuition; to contaminate the real by subliminal images, it is to identify powers mechanisms on visual communication tools. In my systems, one finds themselves in mental spaces projected on walls that disturb the consciousness of a stable reality. The rhythm, the speed, the forms movements, the colours can maybe still influence unknown brain areas. I believe in a resonance of perceptions with forms and I want to experience the motif for its narrative potential and its emotional implication in space. The confrontation to a strong presence of abstract alterity raises the physical and conceptual coincidence, a spectacular exteriority that sends us back, like a mirror, to the place itself of an inextricable interiority.

1. Hai Foster, in Le Retour du réel, "l'Enjeu du minimalisme", 1996. p. 94, éditions La Lettre volée.

2. Henri Lefevbre, La Production de L'espace, 1974, préface, p. 23, éditions Anthropos
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