Laurent PERBOS 

L’économie de la pratique de Laurent Perbos s’inscrit dans un registre de références populaires qui tendent à faire partager une certaine complicité entre oeuvre et public.
Par le biais de la peinture, tout d’abord, l’artiste détourne puis replace des images dans leur champ initial de destination, revisitant les repères de nos réflexes conditionnés. Ainsi, il va même jusqu’à «collectionner» l’apparition de peintures au cinéma qu’il restitue sous la forme d’une vidéo. Aujourd’hui la peinture devient mutante, cherchant à dépasser l’objet tableau, entre monochromes et formes débordantes bien que structurées. Les peintures deviennent d’énormes cubes où l’on est tenté de s’asseoir ou encore d’escalader. Peut-on y voir un clin d’oeil à l’abstraction géométrique ainsi qu’aux incursions actuelles de l’art revisitant le design?

Comme le montrent ses réflexions autour de la peinture, la pratique de Laurent Perbos interroge la radicalité.
Comment peut-on avoir une réponse radicale avec le vocabulaire du quotidien ? Comment un artiste répond-il aux flux des images que véhicule le monde des fantasmes codifiés par des stratégies de compétition, de marketing ? Après avoir réintroduit des objets détournés par l’art dans le champ de la réalité, l’espace public par exemple, où l’usage pragmatique tente de reprendre le dessus, l’artiste s’emploie aujourd’hui à ouvrir ses interrogations. Si l’objet, pense-t-il, permet d’avoir une connivence avec ses contemporains, une fois l’utilisation détournée constatée, la proposition s’arrête d’elle-même. L’opération est simple et très efficace, mais tel un effet s’arrête dès son utilisation.
Pour lui, les effets sur des objets détournés ne sont plus à assumer aujourd’hui par l’artiste puisqu’ils sont très bien pris en charge par les infographistes, par exemple, qui maîtrisent parfaitement l’image. Laurent Perbos, au lieu de se focaliser sur un objet précis qui appelle une action et donc une réaction, préfère, au risque de
perdre une certaine efficacité, laisser une prise au flou et à l’indéterminé.


Formes abstraites en même temps que représentation d’objets.

La pièce charnière de cette nouvelle approche de la forme, s’éloignant ainsi de l’objet et plus proche de la sculpture, est un travail sur une série de plusieurs formes, plus ou moins grosses, en plâtre résiné de 1,20 x 40 cm, oblongues, lisses et colorées qui laissent le champ libre à toutes les interrogations. Le titre en est «car en sac». Si le visiteur lit le titre sur le cartel, il n’a plus aucune chance de pouvoir s’interroger sur ces sculptures.
En revanche, s’il regarde la sculpture avant de se précipiter pour voir le titre, toutes les cogitations deviennent possibles. Le problème reste ouvert et sans solution toute faite. Mais il n’y a pas deux chances d’avoir une première impression. Une fois le titre connu, le déterminant vient se coller sur l’identifiant, la solution au problème, sans espoir de retour à une certaine naïveté.


Topographie déplacée.

Ainsi, dans ses dernières pièces, même si l’on peut retrouver des vestiges d’anciens processus formels, par exemple une déclinaison de la table de ping-pong ou du terrain de tennis, la forme s’ouvre sur un paysage qui détermine une sorte de vallon composé de plaques de contreplaqué montées sur des piètements de bois et recouvertes d’un matériau légèrement velu, un flocage rose qui vient unifier l’ensemble. Le regard peut se promener sur les courbes de niveaux. Cette topographie va des pieds du visiteur jusqu’à la hauteur des yeux. Pour l’artiste, c’est le dessus de la structure qui est à la base de la proposition. Cette topographie n’est ni une maquette avec une échelle précise, ni une représentation d’un espace, c’est vraiment un espace qui est déplacé. Un espace de 4 x 4m qui peut représenter à la fois une vague ou une colline.
Pour construire cette pièce, l’artiste s’est projeté mentalement en face d’un vallon avec ses différentes courbes inverses et une césure donnée par les contraintes du matériau qu’il a intégré, rajoutant ainsi un élément énigmatique.

Ces trois nouvelles propositions émanent d’une cogitation où le travail d’atelier et le travail de présentation dans le lieu d’exposition se mêlent de façon dialectique afin de recentrer la pratique de Laurent Perbos sur des réflexions davantage d’ordre artistique que de celles de la communication.

Lise Guéhenneux, 2006

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