Hervé PARAPONARIS 

Divorcer dans les 48 heures qui suivent le mariage devrait être obligatoire
English translation, click here


Rencontre

Sculpture Une maison pour ma tête (A home for my head), Rotterdam, février 1994
Le jour de mon anniversaire, je suis allée voir l'exposition WATT au Witte de With à Rotterdam. En entrant au deuxième étage, j'ai vu un objet intéressant – un caddie de supermarché couvert de sacs en plastique blancs et roses comme s'il était habillé d'une jupe, représentation quelque peu frivole d’un sans domicile fixe. Cependant, et c’était l’essentiel, il s'agissait d'une sculpture étonnante qui au premier abord vous séduisait par son charme apparent, et ensuite vous donnait un coup de poing dans la figure. Sur le champ, je suis tombée amoureuse de l'artiste qui réussissait à créer un telle expérience. Il restait à nous rencontrer.
[Picture 1 : Sculpture A home for my head dans un espace d'exposition du Witte de With]

La vraie rencontre eut lieu quelques mois plus tard, à l'automne 1994, alors que Hervé s'installait comme artiste en résidence dans le complexe d'ateliers Duende de Rotterdam. Son atelier d'artiste invité était situé directement au-dessous de mon propre atelier et appartement et, vu l’ancienneté du bâtiment et la faible épaisseur des planchers, l’odeur de café mêlée à celle de l’herbe pénétrait mon espace, accompagnée par un son puissant et expérimental de drum and bass. J'appris plus tard que c'étaient ses propres enregistrements. À cette époque, je commençais en général à travailler vers 6 heures 30 du matin. "L’appel de 11 heures venu d'en bas", comme je commençais à l'appeler avec affection, devint bientôt une pause dans ma routine, le moment de faire du café frais et de méditer sur les différentes façons dont les artistes travaillent. Avec le temps, nous commençâmes à nous connaître et je rendais visite à Hervé dans son atelier pour partager la tasse de café du matin et discuter. Ce fut le début de notre amitié ; au début remplie de conversations inspirées sur l'art, les méthodes de travail, les idées et les attitudes, dessinant le chemin des multiples collaborations qui suivraient pendant quinze ans. Des projets tels que Subway to the Outside, A Christmas Pudding for Henry, Freehouse, Face Your World et The Blue House. Nous avions des débats souvent passionnés, au cours desquels nous devions trouver une position intermédiaire entre nos différentes façons de penser et nos positionnements par rapport à ce qui constitue une œuvre d'art ou ce qui n'est qu'un simple objet d'équipement urbain, ou la façon dont nous comprenions la fonction d'urbanisme et aussi d'activisme urbain, les notions de communauté ou "d'art inscrit dans la société", ou encore la nature et la reconnaissance du travail en collaboration.

Par exemple, je parlais des difficultés que je rencontrais depuis des années à travailler sur A House for the Community, un projet réalisé pour la mairie d'un petit village essentiellement protestant du sud de Rotterdam. J'essayais alors d'insuffler un air d'ouverture et de communauté à l'intérieur de la mairie, tout en essayant d'inclure les façons de penser du groupe dominant de cette communauté, qui était une secte stricte et religieuse. Je me demandais comment gérer les idées contradictoires sur la question de communauté qui animent un village, et en même temps j'essayais en vain de trouver une façon de rendre cette confrontation possible tout en étant productive pour tous ceux qui étaient impliqués. Je partageais mes inquiétudes avec Hervé et je me souviens qu'à un certain point de la conversation il me répondit : « J'aime être coincé. J'ai l'habitude d'être dans des situations comme celle-ci. C'est lorsqu'on est vraiment coincé qu'on a l’obligation d’avoir à faire un pas. La question n'est pas d'être plus juste ou de créer plus de justice ; je pense qu'il s'agit réellement d'une question de dissonance. S'il y a une recommandation à faire, je dirais qu'il faut être honnête avec soi-même. Je n'aime pas beaucoup l'idée de communauté parce que quand je suis avec d'autres gens, c'est parce qu’ils me sont différents. »

Ce que nous partagions, c'était de croire au besoin de penser le rôle de l'artiste d'abord en tant que citoyen, un citoyen dont le travail est inscrit au sein de notre société à plusieurs niveaux, avec toutes ses facettes, économiques, politiques, culturelles et médiatiques. Nous partagions aussi une profonde préoccupation pour la restructuration des espaces publics et les politiques liées à ces processus. À ce propos, j'aimerais partager quelque chose que j'ai exposé dans le livre What we want is free : « Pour pouvoir construire des espaces urbains qui permettent des changements au niveau culturel, social, économique et politique, je pense qu'il est important de créer des plateformes où les gens puissent se rencontrer et, à partir de ces rencontres, construire des représentations de leur environnement. Donc, d'intervenir dans une situation donnée et d'une façon telle que les gens qui sont là puissent accroître le nombre et l'intensité des liens qui les unissent. Dans ce sens, il faut proposer des programmes d'actions, des encouragements à converser, des espaces d'exposition et des systèmes de circulation. Pour cela, il est nécessaire de s'exercer à gérer les questions d'espaces urbains, sur la base de cette nécessité de mélanger différentes disciplines et de tirer des conclusions de perspectives issues de nombreuses voies. »


Mouvement

Equipement Urbain City Space Radio, Copenhague, juin 1996
Pendant l'été 1996, je travaillais à Londres avec Amy Plant sur la mise au point d'un outil capable de détecter les sentiments des gens au sujet des processus de rénovation radicale en cours dans les différents quartiers et arrondissements de la ville. L'idée était de créer un instrument, baptisé plus tard The Vibe Detector, qui recueillerait des informations au fur et à mesure de ses déplacements dans chacune des zones. Les gens du coin l’embarqueraient le temps d'un voyage urbain, encouragés à exprimer leurs points de vue personnels sur le quartier d'une façon nouvelle et imaginative. Le but du projet était de permettre à des individus d'avoir une influence sur la lecture historique de leur environnement immédiat et de son image.

Pendant cette période, je suis allée à Copenhague pour voir City Space Radio, le projet d'Hervé, et comprendre comment il créait ce qu'il appelait un équipement urbain "nécessaire" pouvant encourager les gens à agir en citoyens. Sa proposition se présentait sous la forme d'un espace Citroën "Évasion" flambant neuf, de couleur bordeaux, recouvert d'auto-collants, conduit à vive allure à travers la ville avec la musique à fond et s'arrêtant sur les places ou à l'angle des rues. Là, la portière coulissait et à l'intérieur on apercevait un DJ en train de mixer, tandis qu'un micro ouvert circulait pour quiconque avait envie de chanter ou de crier. C'était une scène extraordinaire, l'Évasion et les gens de toutes origines qui se rassemblaient autour, se sentant pour une fois invités à donner leur avis.
[Picture 2 : City Space Radio in Copenhagen avec micro circulant parmi les gens]

En tant "qu'émigré de seconde génération", Hervé sait lui-même mieux que quiconque que "l'autre" dans l'espace public est essentiellement envisagé en terme de "risque" : risque de nuisance et d'affrontement. De plus, on attend toujours qu'ils, "les autres", acceptent et soient capable de fonctionner comme des catalyseurs dans les situations d'échanges et de cohabitation culturels, et comme des médiateurs entre les rôles "d’invité" et "d’hôte". Cependant, en même temps, ils ne sont presque jamais dans la position de pouvoir agir eux-mêmes comme des hôtes. Leur impression de ne pas être complètement sérieusement considérés comme des citoyens est inextricablement liée au fait qu'ils sont indéfiniment obligés de se comporter comme des invités. Leur permettre de devenir des hôtes est également un risque, différent celui-ci. Comme Mireille Rosello l'écrit : « Un préalable fondamental à la question de l'hospitalité est d'admettre que l'invité tout comme l'hôte doivent, d'une manière ou d'une autre, accepter la possibilité inconfortable et parfois douloureuse qu'ils changeront. » Favoriser la citoyenneté ne signifie pas seulement aménager un endroit où l'on puisse vivre, mais aussi créer une situation où l'on puisse se sentir chez soi et, en conséquence, jouer le rôle "d’hôte". Si cette place s'étend au-delà de la sphère privée et donne le sentiment d'appartenir au domaine public, il y a alors des chances que nous apprendrons à vivre ensemble. Mais pour cela nous devrons mutuellement changer.

Dans leur ouvrage In Search for New Public Domain, les auteurs Maarten Hajer et Arnold Reijndorp définissent le domaine public comme étant ces lieux où peut se produire, et se produit réellement, un échange entre différents groupes sociaux : « Le changement vers une approche culturelle de la géographie implique qu'il faut abandonner toute notion d'absolutisme lorsque l'on détermine la valeur ou la signification des espaces. L'essence de la Géographie culturelle c'est précisément cette analyse de l'ambiguïté, ou, en termes plus politiques, du conflit entre diverses significations. Dessiner le domaine public revient alors à encourager des manifestations informelles de la diversité et à fuir les interventions qui les rendent impossibles. » C'est une perception radicalement différente du domaine public. Ce livre pourrait être compris comme un appel à ne plus envisager exclusivement le domaine public comme le résultat de considérations purement économiques et légales mais à commencer à le voir et l'utiliser comme la base (per)formante d'une communauté en devenir.


Méthodologie

Urbanisme, Ma ville le plus beau park (My town, my most beautiful park), Marseille, 2002
A Marseille, pour le FRAC PACA, Hervé proposait à différentes associations d’utilisateurs de skateboard un projet d’exposition interdisciplinaire alliant culture et sports. En plus de présenter une maquette à grande échelle pour un skatepark à Marseille, l'exposition posait un certain nombre de questions liées à la représentation du monde du skateboard, à son esthétique, prenant en compte la fascination mutuelle qui lie les mondes de l'art et du skateboard. L'exposition comprenait aussi des modules qui pouvaient être utilisées sur place. Un livre intitulé Roule ma ville avait été publié, mettant l'accent sur les différentes façons dont les skateurs utilisent et perçoivent l'espace urbain.
Hervé avait même par la suite créé une entreprise coopérative appelée USSR (Union au Service des Sports de Roule) pour s'occuper du développement de tous ces prototypes. Il énonçait dans un manifeste écrit pour l'occasion : « Le skateboard apparaît comme un solide représentant des cultures urbaines. Il en a suivi les développements et sa contribution est le fait d'une pratique quotidienne, méticuleuse et appliquée. Adulé ou craint, il représente une attitude radicale dans la ville et sa forte capacité de création le rapproche souvent des arts visuels. Comme eux il a pris place dans la ville devenue un territoire à conquérir, un lieu dynamique, un espace de mutation. Là, il libère le corps du lest anatomique qui le collait au sol. Il est promontoire et scanner à la fois et il est mode de déplacement autant qu'outil d'appropriation et de transformation de l'espace urbain et des lieux publics. Il propose une multitude de pratiques au regard de la pluralité des supports et des obstacles qu'il rencontre, qu'il recycle en gestes et figures, en événements ludiques, audibles et référencés. »
[Picture 3 : Overview model My town, my most beautiful park]

La proposition d'Hervé concernant les espaces publics est basée sur une pratique intermédiale qui se niche entre et associe les notions d’intérêt, inter-esse et visions. Ces espaces intermédiaires sont créés par une pratique orientée vers la coopération et l'échange. C'est plus facile à dire qu'à faire parce que cela signifie transformer une pratique culturelle existante, jusqu'à présent largement construite sur la créativité inspirée de l'individu autonome. Henk Oosterling souligne les contours d'une pratique intermédiale : « Cela indique une compréhension croissante de l'intermédialité de notre créativité. Ici un principe d'organisation est propagé et il établit que la créativité n'est plus le fait des humains mais réside entre les gens et les médias et que cet "inter" ne peut pas être fixé. (…) Cela demande de regarder différemment le rôle spécifique de l'art contemporain, à partir des réussites les moins connues de l'avant-garde (…).
L’autoréflexivité médiale et les sensibilités réflexives sont des concepts, comme l'autonomie originelle, la créativité intermédiale et l'interactivité. Ils mettent l'accent sur l'importance d'un espace intermédiaire où les artistes eux-mêmes, dans l'utilisation autoréflexive de leur média et en collaboration avec leur(s) public(s), créent de nouvelles réalités. La créativité prend, dans la contribution productive de tous les participants concernés par le processus, une dimension micro-politique de construction du monde. »

Ce point de vue sur le domaine public en tant que pratique créative collective est intéressant au regard des politiques de répression actuellement en cours dans l'espace public. Il nous aide à considérer et comprendre quelles initiatives sont conduites par la pratique artistique de façon à créer et mettre en forme ce domaine public. Il ne faut pas les envisager comme des modèles ou des solutions définis mais comme une façon de créer un domaine public temporaire, dans le but de rendre négociable une série de questions concrètes. Et si cela n'est possible qu'en partant du principe que l'aménagement du domaine public doit se pratiquer seulement à un niveau local et, le plus souvent, de manière temporaire, cela fournit une opportunité d'inventer de nouveaux modèles favorisant l'attention aux autres et l'hospitalité, des modèles qui annulent les discours ségrégationnistes. En développant de tels modèles, il est possible de remodeler le domaine public de manière à redonner aux communautés la possibilité d'affirmer leur place et leur statut.


Mariage

Acte urbain Is artist space an illusion?, New York, 1999
De septembre 1998 à octobre 1999, j'ai vécu à New York dans le cadre du International Studio Program (Programme de Résidence International) au Centre d'Art Contemporain PS1. Pendant cette période, j'ai transformé mon atelier en copie d'une chambre du célèbre Hotel New York à Rotterdam, hôtel situé dans les anciens bureaux du siège de la Holland-America Line. Parce que la nature de mon travail nécessitait qu'il soit accompli en collaboration, j'avais plus besoin d'une chambre d'hôtel pour recevoir des invités que d'un atelier, de façon à accueillir toutes mes relations de travail et à assurer que la bourse qui m'était accordée profite à ce réseau de collaborateurs. De plus, je voulais présenter à la scène artistique new-yorkaise une vue la plus large possible de la pensée et de la création qui existaient aux Pays-Bas. À part gérer ma chambre d'hôtel, je passais le reste de mes journées dans les rues en compagnie de l'artiste et vidéaste Martin Lucas à la création d'un guide vidéo métaphorique sur la ville. Diffusé sur le Manhattan Neighborhood Network, ce guide impliquait à la fois le grand public et le monde de la culture, les engageant dans un dialogue empirique et ontologique sur la nature de la production artistique et la place de l'activité culturelle. Il explorait aussi l'idée d’un "espace artistique" dans le contexte de cette capitale culturelle.

Martin et moi suivions les pistes suggérées par le public, que nous avions consulté pour trouver des espaces d'artistes mais aussi des espaces d'art ; un voyage qui nous menait de Red Hook à Queens, des graffitis de James de la Vega aux squats du collectif World War III. Nous demandions aussi à des collègues de nous montrer le chemin de leur espace artistique. Pendant ce travail, Hervé est venu à New York et nous l'avons immédiatement impliqué dans le projet. Un jour, il nous a demandé de venir au croisement entre Bowery street et 4th street où nous l'avons trouvé debout, avec l'allure d'un terroriste, cagoule militaire sur la tête, mais avec le short et les sandales d'un touriste, tenant un panneau qui disait : « Est ce que l'espace artistique est une illusion ? ». Cet acte simple suscitait à la fois une impression de malaise et de décalage, ainsi qu'une illusion d'action publique, nous confirmant que l'espace artistique dans le contexte urbain résiste volontairement à la ville elle-même.
[Picture 4 : performance Is artist space an illusion?]

Dans Soft City, Jonathan Raban décrit ce phénomène de la façon suivante : « Les villes, contrairement aux villages et aux petites villes, sont plastiques par nature. Nous les modelons à notre image, et en retour elles nous modèlent par la résistance qu’elles nous opposent quand nous essayons de leur imposer notre propre forme personnelle. Dans ce sens, il me semble que vivre dans les villes est un art, et nous avons besoin du vocabulaire de l'art, du style, pour décrire la relation particulière entre l'homme et la matière qui se joue dans la pièce créative et ininterrompue de la vie en milieu urbain. La ville, telle que nous l'imaginons, la douce ville de l'illusion, du mythe, des aspirations, du cauchemar, est un réel peut-être plus réel que la ville dure que l'on peut localiser sur des cartes, dans des statistiques, dans des essais sur la sociologie, la démographie et l'architecture urbaines. »

C'est exactement ce paysage de l'illusion, du mythe, des aspirations et du cauchemar qui exprime le tissu émotionnel façonnant nos relations dans la société. Le désir de donner forme à ces relations a mené Hervé à me demander de l'épouser. Brain Storm, notre expérience de collaboration la plus radicale à ce jour au sein de la communauté artistique, était en lien avec le paysage politique en Europe en 1999, avec ses problèmes de migration et les négociations en cours concernant le futur de l’Union Européenne. Nous pensions que nous occuper de ces questions ne demanderait pas seulement de collaborer plus largement et de repenser les pratiques culturelles, mais proposerait également une notion différente de la famille. Ainsi, le 10 juin 1999, après avoir passé presque un an à en parler et à y penser, nous nous sommes mariés à la mairie de New York.
[Picture 5 : Brain Storm poster]

Avec Brain Storm, nous voulions nous efforcer de poursuivre notre collaboration sur le long terme en étayant nos projets communs avec un acte labélisé par l'état comme institution morale. Ce mariage était une tentative d'approfondir notre travail collectif et de mettre notre compagnonnage au même niveau qu'une relation purement émotionnelle ; dans l'idéal, le mariage devait permettre d'explorer si l'engagement dans le travail de l'autre se trouverait modifié par un contrat légal. Nous souhaitions aussi questionner la façon dont notre mariage serait perçu et compris, en traversant les schémas traditionnels de l'unité légale et moralement acceptée entre deux personnes et la façon dont ils nous sont présentés. Avec ce projet "d’engagement", nous avons réussi à créer une image différente des relations entre deux personnes et en conséquence des pratiques relationnelles. Cependant, ces questions sur la vraie nature de l'implication dans nos pratiques mutuelles, ainsi que la possibilité, ou l'impossibilité, de développer une pratique commune tout en vivant et travaillant dans des parties différentes de l'Europe, a continué à être un de nos combats au cours de ces dix années.

En considérant rétrospectivement cette expérience de travail, un lien de ce type ne signifie pas la fin de la solitude mais le début. Une fois le contrat signé, les négociations sont terminées. On devrait peut-être interdire le mariage, ou peut-être que divorcer dans les 48 heures qui suivent les vœux du mariage devrait être obligatoire. On pourrait alors en même temps faire la fête pour le mariage et le divorce. Le divorce signifierait alors la fin de la solitude. Et la reprise des négociations.

Un jour, un ami m'a dit que l'amour se construit à partir de beaucoup de choses mais que la violence et la nécessité en sont les aspects les plus importants. Il se peut que ces nouvelles relations soient effrayantes mais nous devons de toutes façons les prendre à bras le corps, et continuer aussi à nous enlacer. Quand nous essayons de créer une perturbation constante dans la représentation des relations entre individus, elle nous oblige à son tour à toujours repenser l'image que l'on se fait des relations aux autres. Et finalement ces relations pourraient ne pas devenir si effrayantes. Brain Storm, mon mariage avec Hervé, s'est révélé être un monstre ; cependant, je crois encore que les gens sont très capables de s'aimer et qu'il est nécessaire de trouver des formes nouvelles et différentes d'engagement. Il est très probable que ma conviction vienne d'une forte envie de créer une pratique poétique qui soulève des perspectives à partir de voix nombreuses, permettant de s'inspirer de la ville, de tisser ensemble différents récits et de créer des espaces dans lesquels de nouvelles structures sociales puissent se former.


Encore

Cher Hervé, tu trouveras ci-joints les documents de notre divorce. Avec un peu de chance, ce sera à nouveau le début des négociations. J'espère te voir bientôt, je t'embrasse, Jeanne.


Jeanne Van Heeswijk








Chris Dercon (dir. ), « The chameleon was in the text », Cahier #2, Witte de With, 1994, p152.
Jeanne van Heeswijk, « A call for sociality », dans Ted Purves (dir.), What We Want is Free: Generosity and Exchange in Recent Art, Suny Press, Albany, New York, 2004, pp. 85-98.
Maarten Hajer & Arnold Reijndorp, In Search of New Public Domain, NAi Publishers, Rotterdam, 2001, (trad. Andrew May), pp. 36-37.
Mireille Rosello, Postcolonial Hospitality: The Immigrant as Guest, Stanford University Press, Stanford, 2001, p. 5.
Hervé Paraponaris, Roule ma ville, Bureau des compétences et désirs, Fordacity, Formula Prod, Marseille, 2002, p. 1.
D'après l'essai de Henk Oosterlings « Grootstedelijke reflecties, de verbeelding van de openbare ruimte » (« Metropolitan reflections: imagining the public space »), dans Nota, CBK, Rotterdam, 1998.
Jonathan Raban, Soft City, The Harville Press, London, 1974, p.4.
Note basée sur la chronique de Arnon Grunberg pour NRC Handelsblad portant sur une partie de Real Stories from Life. Room with a View, chronique écrite en réponse à la demande de l'organisme de financement “Fonds voor Beeldend Kunsten Amsterdam” pour une documentation plus précise sur mon travail.




Divorce should be obligatory within 48 hours of marriage


Meeting

Sculpture Une Maison pour ma tête (A home for my head), Rotterdam February 1994
On my birthday I went to see the WATT exhibition at Witte de With in Rotterdam. Entering the second floor I came across an interesting object – a shopping trolley draped with white and pink plastic bags as if it was wearing a skirt, becoming a somewhat frivolous statement on homelessness. But for most it was a stunning sculpture that initially seduced you with it its charming beauty, and then punched you in the face. On the spot I fell in love with the artist who could create such an experience. Yet, we still had not met. [Picture 1]

The actual meeting happened a few months later in the fall of 1994, when Hervé became an artist in residence in the Rotterdam studio complex Duende for a few months. His guest studio was located directly under my studio and apartment, and since the building is old and the floors are thin, every morning, at the same time, the smell of coffee and strong weed were entering my space, accompanied by loud and experimental drum and bass. I later learned that these were his own recordings. In those days I normally started working at around 6.30 in the morning. And the “11 o’clock call from downstairs”, as I stared calling it with affection, soon became a pause in my routine, a time to make a fresh pot of coffee and contemplate the different ways artists work. As time went by and we got to know each other, I started to visit Hervé in his studio to share the morning cup of coffee over a conversation. That was the start of our friendship; at first filled with inspired conversations on art, work methods, ideas and attitudes, carving the path for our multiple collaborations that followed in the next 15 years. Projects such as Subway to the Outside, A Christmas Pudding for Henry, Freehouse, Face Your World and The Blue House. There were often heated debates, where there was a need to draw the line between our different ways of thinking or stances, towards what constitutes an artwork or makes it simply a piece of urban equipment. Or the way we understood the function of urban planning and also of urban activism, notions of community or art in society, or the nature of collaboration and doing justice to this.

In one instance, I was discussing the difficulties I had been facing over the years working on A House for the Community, a project in the main town hall of a small primarily reformatory village south of Rotterdam. In this case, I was trying to build a sense of openness and community within the town hall area, while making an attempt to include the ways of thinking of the dominant group in this community, which was a strict, religious faction. I was questioning how to deal with the conflicting ideas on communality within the community and at the same time, I was stuck with trying to define a way to make this confrontation happen and be productive for everyone involved. I shared my concerns with Hervé and I remember him responding at one point in our conversation: « I like being stuck. I am used to being in situations like this. It is only when you are really stuck that you feel you have to do something about it. The question is not to be more just or to create more justice; I really think it is more a question of dissonance. If there is one recommendation to make, I would say that you try to stick with yourself. I don’t like the idea of communality very much, because when I am with other people, it is because they are different from me. »

What we shared was the belief in the need to see the role of the artist first as a citizen, whose work is in the middle of our multi-layered society with all of its economic, political, cultural and media facets. We also shared a deep concern with the restructuring of public spaces and the politics surrounding this process. In this context I would like to share something I’ve stated in the book What we want is free: « To be able to build urban spaces that allow for cultural, social, economic and political changes, I think it is important to create platforms where people are able to encounter each other and on the basis of the meetings that take place, construct representations of their environment. So, to intervene in a given situation, in such a way that the people who are there can increase the number and intensity of their ties. To this extent, programs of actions, incitements to conversation, sites of exhibition and systems of circulation need to be proposed. For this, a practice of dealing with questions of urban spaces is needed, one that arises from a necessity to draw from and merge different disciplines and perspectives from many voices. »


Movement

Urban Equipment City Space Radio, Copenhagen June 1996
In the summer of 1996 I was working in London with Amy Plant on devising a tool, one that could detect people’s feelings concerning the radical regeneration processes being implemented in various estates and boroughs of the city. The idea was to create an instrument, later named The Vibe Detector, which would hoover up information as it moved through an area. Local people could take it on an urban journey, encouraging them to manifest their personal views of the neighborhood in a new and imaginative way. The project aimed at enabling individuals to influence a historical reading of their immediate surrounding and its image.

During that time I went to Copenhagen to visit Hervé‘s City Space Radio project, to learn how he created what he called “necessary” urban equipment that could encourage people to act as citizens. His proposition was a bright new burgundy Citroën space wagon called “Evasion”, covered with stickers, and driven at high speed throughout the city, playing loud music and stopping at squares and street corners. There, the rear door would open and inside you could see a DJ spinning as an open mike was being passed around to whoever felt like singing or shouting along. It was a remarkable sight, the Evasion and the people of all different backgrounds gathered around it and for once feeling invited to speak their mind. [Picture 2]

As a “second-generation” immigrant himself, Hervé knows better than anyone that “the other” in public space is primarily viewed in terms of “risk”: the risk of nuisance and confrontation. Furthermore, they (“the others”) ware always expected to be willing and able to function as a catalyst for cultural exchange and cohabitation, mediating between the roles of “guest” and “host“. However, at the same time, they are almost never in a position to act as hosts themselves. Their sense of not being taken as seriously as citizens is inextricably linked to the fact that they are repeatedly forced to act as guests. The risk of allowing them to become a host is a different one. As Mireille Rosello writes: « The basic precondition for hospitality can ensure that the guest as well as the host must, in some way or other, accept the uncomfortable and sometimes painful possibility that they will change. » Citizenship means not only developing a place where one can live, but also to create a position where one can feel at home and can subsequently perform the role of the “host”. If that place extends beyond the private realm, and allows a sense of belonging in the public domain, then there is a likelihood that we will learn to live together, but for this, we will mutually have to change.

In their book In Search of New Public Domain authors Maarten Hajer and Arnold Reijndorp define the public domain as those locations where an exchange between different social groups can, and actually does, take place: « The shift towards a cultural-geographic approach involves a departure from the notion of absolutism in ascertaining the value or meaning of spaces. The essence of a cultural geography is precisely that analysis of the ambiguity, or, in more political terms, the struggle between various meanings. Designing public domain can then become a question of the stimulation of informal manifestations of diversity and the avoidance of interventions that are intended to make such manifestations impossible. » This provides a radically different view of the public domain. The book could be seen as an appeal to no longer solely regard the public domain as the result of purely economic and legal considerations, but to start seeing and using it as the (per)formative basis of a community in the making.


Methodology

Urban planning Ma ville le plus beau park (My town, my most beautiful park), Marseille 2000
For the FRAC PACA, in Marseille, Hervé had an exhibition consisting of an interdisciplinary collaboration between culture and sports. Besides presenting a large scale model for a real skate-park in Marseille, the exhibition posed a number of issues relating to the representation of the world of skate-boarding, its aesthetic, as well as articulating the mutual fascination between the art world and that of skate-boarding. The exhibition also included models that could be used or tested in the space. A book titled Roule ma ville was published focusing on the different way skaters use and perceive the city space. Later on, Hervé even started a cooperative business named USSR (Union au Service des Sports de Roule) to deal with the development of all of these prototypes. He stated in a manifesto he wrote for the occasion: « Skateboard is a solid representative of urban cultures. It is the result of a daily practice that follows and meticulously implements the developments and contribution of citizens. It is worshiped or feared and represents a radical force in the city with its strong capacity to create spaces that are closely related to those of visual arts. Like art, it takes places in the city, it is a territory to conquer, a dynamic space and also a mutation of space. It frees the body of its anatomical ballast, which makes it stuck to the ground. It is elevation and scanner all at once. It is a mode of travel as much as a tool of appropriation and transformation of urban space and public places. It offers a multitude of practice with regard to the plurality of the structures and obstacles it encounters. It recycles and appears as a gesture in an entertaining event, both in sound and references. » [Picture 3]

Hervé’s propositions for public space are based on the idea of an inter-medial practice that nests itself between interest, inter-esse, and visions, and links them all together. These in-between spaces are created by a practice that is oriented on cooperation and exchange. This is easier said than done, because it means turning inside out an existing cultural practice, that until now has been heavily reliant on the inspired creativity of the autonomous individual. Henk Oosterling outlines the contours of an inter-medial practice: « This indicates a growing understanding of the intermediality of our creativity. Here an organizational principle is propagated which states that creativity is no longer within humans but resides in between people and media and that this “inter” cannot be fixed. (...) This requires a different view of the specific role of contemporary art, from the less visible achievements of the avant-garde (…). Medial self-reflectivity and reflective sensibilities work in concepts as originating autonomy, inter-medial creativity and interactivity. These stress the importance of an in-between space where artists themselves in the self-reflective use of their media in collaboration with their audience(s) create new realities. In the productive contribution of all involved participants in the process, creativity gets a micro political, world-building dimension. »

This view of the public domain as a collective creative practice makes it interesting in the light of the current politics of repression in public space. It helps us consider and understand which initiatives are being driven by artistic practice in order to create and shape that public domain. This should not be seen as defined models or solutions, but as a way to create a temporary public domain in order to make a set of concrete questions negotiable. And if this is only possible when proceeding from the notion that public domain as practice is only local, and usually temporary, it provides an opportunity to devise new models for care and hospitality that countermand the discourse of segregation. The development of such models makes it possible to remodel the public domain so that communities are once again able to secure a place and standing for themselves.


Marriage

Urban act Is artist space an illusion?, New York 1999.
From September 1998 to October 1999 I lived in New York City as part of the International Studio Program at the PS1 Contemporary Art Center. During this time I turned my studio into a replica of the hotel room of the famous Hotel New York in Rotterdam, housed in the former head offices of the Holland-America Line in Rotterdam. Because of the collaborative nature of my work, I needed a hotel room to receive guests more than a studio, in order to accommodate all the existing working relations and to make the grant given to me beneficial to my network of collaborations. Furthermore, I wanted to present the art scene in New York with a broader overview of the creative work and thought done in the Netherlands. Besides running the hotel room, I spent the rest of my days on the streets of the city in the company of artist and video maker Martin Lucas, working on creating a metaphorical video guide for the city. This was broadcast on Manhattan Neighborhood Network and involved both the general public and the cultural world, engaging them in an empirical and ontological dialogue concerning the nature of art production and the place of cultural activity. It also explored the idea of “artists’ space” in the context of a cultural capital.

Consulting with the general public, Martin and I followed suggestions as where to find artist spaces but also spaces of art; a journey which took us from Red Hook to Queens, from James de la Vega's graffiti on the ground to the illustrated squats of World War III collective. We also asked colleagues to show us the way to their artist space. During this production Hervé came to New York and we immediately involved him in the project. One day, he asked us to come to the crossing of Bowery and 4th street, where we found him standing, looking like a terrorist, forage cap over his head, but wearing short trousers and sandals, more like a tourist, and holding a sign saying « Is artist space an illusion? » This was a simple act that created both a sense of uneasiness and displacement, as well as an illusion of public action, confirming to us that the space of the artist within the urban context is willfully resisting the city itself. [Picture 4]
In Soft City Jonathan Raban describes this phenomenon as follows: « Cities, unlike villages and small towns, are plastic by nature. We mould them in our images: they, in their turn, shape us by the resistance they offer when we try to impose our own personal form on them. In this sense, it seems to me that living in cities is an art, and we need the vocabulary of art, of style, to describe the peculiar relationship between man and material that exists in the continual creative play of urban living. The city as we imagine it, the soft city of illusion, myth, aspiration, nightmare, is a real, maybe more real, than the hard city one can locate on maps, in statistics, in essays on urban sociology and demography and architecture. »

It is exactly this landscape of illusion, myth, aspiration and nightmare that formulates the emotional tissue that shapes our relations in society. The desire to mold these relations also led to Hervé's proposal to marry me. Brain Storm, our most radical collaborative experiment in artistic community to date, was related to our concern about the political landscape of Europe in 1999, with its issues of migration, as well as the ongoing negotiations around the future of united Europe. We thought that dealing with these issues would not only require a more extensive collaboration and rethinking of cultural practices, but also a different notion of family. Therefore, on June 10th, 1999, after almost a year of talking and thinking about it, we got married in New York City Hall. [Picture 5]

Brain Storm was an effort to continue our long-term collaboration by underpinning our joint projects with an act of state sanction and a moral institution. This marriage was an attempt to deepen our collective work and put our companionship on the same level as a purely emotional connection; the marriage ideally should have explored whether the engagement with the work of the other would be changed by such a legal contract. Also, we wanted to question the way in which our marriage would be read and understood, cutting across traditional notions of legal and morally accepted unity between two people and the way they are presented to us. With this “commitment” project, we managed to create a different image of relationships, and consequently, that of relational practices. Yet, these questions about the true nature of involvement in our mutual practices, as well as the possibility, or the impossibility, of developing a joint practice while living and working in different parts of Europe, continued to be a struggle of ours over the following ten years.

Looking back at the experience of this work, a bond doesn’t mean the end of loneliness, but the beginning. Once the contract has been signed, negotiations are over. Maybe marriage should be forbidden, or perhaps, it should be obligatory to divorce within 48 hours of the marriage vows. A wedding party and a divorce would then coincide. Then divorce means the end of loneliness. Negotiations can start again.

A friend told me once that love is built from many things, but violence and necessity are its two biggest aspects. It may be that these new relationships are frightening, but we have to embrace them and each other anyway. But maybe when we try to create a constant disturbance in the portrayal of relationships, which will in turn force us to keep rethinking our image of relating to each other, our relationships might turn out not to be so frightening at all. Brain Storm, my marriage to Hervé, turned out to be a monster; however, I still believe people do have the ability to love one another, and in the necessity of finding new and different forms of engagement. Most likely my belief comes from an urge to create a poetic practice, one that gives rise to different perspectives from many voices, enabling a stirring of the city, an entwining of different narratives and creating spaces within which new social structures can form.


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Dear Hervé, enclosed are our divorce documents. So hopefully this will start negotiations once again. Hope to see you soon, love Jeanne.



Pictures:
[1] Sculpture A home for my head in exhibition space of Witte de With
[2] City Space Radio in Copenhagen with mike passed to people
[3] Overview model My town, my most beautiful park
[4] Picture performance Is artist space an illusion?
[5] Brain Storm poster
Chris Dercon (ed.), « The chameleon was in the text », Cahier #2, Witte de With, 1994, p152.
Jeanne van Heeswijk, « A call for sociality », in Ted Purves (ed.), What We Want is Free: Generosity and Exchange in Recent Art', SUNY Press, Albany, New York, 2004, pp. 85-98.
Maarten Hajer & Arnold Reijndorp, In Search of New Public Domain (trans. Andrew May), NAi Publishers, Rotterdam, 2001, pp. 36-37.
Mireille Rosello, Postcolonial Hospitality: The Immigrant as Guest, Stanford University Press, Stanford, 2001, p. 5.
Hervé Paraponaris, Roule ma ville, Bureau des competences et désirs, Fordacity, Formula Prod, Marseille, 2002, p. 1.
Derived from Henk Oosterlings’ essay ‘Grootstedelijke reflecties, de verbeelding van de openbare ruimte’ (‘Metropolitan reflections: imagining the public space’), in Nota, CBK, Rotterdam, 1998.
Jonathan Raban, Soft City, The Harville Press, London, 1974, p.4.
Quote based on Arnon Grunberg’s column for NRC Handelsblad part of the one-acter “Real Stories from Life. Room with a View”, written in response to the funding body “Fonds voor Beeldend Kunsten Amsterdam” request for a more accurate documentation of my work.


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