Marine PAGÈS 

EXPOSITION Marine PAGES
Galerie du Collège Marcel Duchamp / École Municipale des Beaux Arts de Châteauroux
21 septembre 2007 – 3 novembre 2007

Entretien Nathalie Sécardin – Marine Pagès

Nathalie Sécardin : Ton exposition finalise une résidence de 3 mois à l’EMBAC. Autant que je me souvienne la plupart des œuvres présentées ici ont été créées pendant cette période et j’aimerais que tu reviennes sur le temps de la création, du processus, de la recherche mise en œuvre.

Marine Pagès : Peu de temps avant d’arriver à l’EMBAC, j’avais réalisé des dessins très proches de ceux effectués pendant la résidence, sans trop savoir ce que ça donnerait encore; et aussi accumuler des documents visuels et des croquis (de végétaux et d’architectures) dont je me suis servi comme une base de données.
Je savais un peu dans quelle direction je voulais aller c’est-à-dire des choses « pêchues », revenir à la couleur de façon plus radicale, en opposition avec un dessin très léger presque invisible, que j’affectionne beaucoup, et que j’utilise toujours, et qui demande un temps de regard plus long. Une manière d’aller vers des images plus immédiates visuellement ; une façon d’équilibrer mon travail.

Pour les gouaches par exemple, j’ai commencé par faire des croquis - un élément architectural coloré qui est débordé de végétation noire. Une fois que j’en avais réalisé un certain nombre - comme un petit inventaire de formes possibles, je m’en suis servie pour faire des formats plus grands, très composés, en jouant sur l’accumulation des formes.
Pour l’étape entre les croquis et les grands formats, je passe par l’ordinateur pour mettre en place mes différentes images. Je n’avais jamais utilisé  cet outil de cette façon, comme une aide, car d’habitude je travaille surtout avec des croquis.

N. S. : Il y a quelque chose d’impertinent dans le fait d’utiliser la gouache à une période, ou les artistes privilégient souvent le numérique et l’image animée. De même si l’on se situe du côté de la tradition picturale, la gouache apparaît comme une technique peu valorisée. Comment appréhendes-tu cette technique 

M. P. : Effectivement, la gouache est une technique qui évoque l’enfance, et pourtant c’est une technique fragile et pas forcément évident ; il faut jouer avec un temps de travail rapide et appliqué et une certaine lenteur. Ce qui est assez nouveau pour moi -la rapidité d’exécution.
Travailler avec de la gouache pourrait presque avoir un côté dépassé, face au numérique qui nous donne des résultats plus rapides et sûrs quand il s’agit de faire des aplats.
Avec le numérique la matière – le côté mat et dense, l’épaisseur – n’est pas là et je voulais aussi jouer avec des différences de matières.
Et j’aime que ça prenne du temps parfois, l’idée du « faire », qui est différent de celle du savoir faire. Il s’agit des gestes simples et répétitifs qui peuvent sembler un peu laborieux, mais en fait c’est hypnotisant.

N. S. :Tu dis de tes images qu’elles sont « pêchues » et effectivement tu interpelles le spectateur sur le mode de l’illustration ou du design graphique, non sans humour. Quelles sont tes intentions ?

M. P. : Le graphisme met effectivement en place un mode direct d’interpellation, des images simples qui vont droit en but. Mais ce que j’ai souvent regardé, ce sont les affiches de propagande politique. Finalement les deux se servent des mêmes codes visuels, une idée, des couleurs franches, des formes simples, fréquemment un cerne noir s’il y a du dessin ; ce qui m’intéresse c’est que sont des images déterminées ou décidées.
Dans un autre sens, même si je reprends certains de ces codes, je joue aussi sur une image ambiguë. Ces dessins paraissent tenir debout du point de vue de la perspective, mais l’échelle n’est pas respectée, et il y a une ligne d’horizon différente par éléments architecturaux donc une accumulation de point de vue. Ces images flirtent avec le faux-semblant. C’est un jeu avec le regard, comme dans d’autres séries plus anciennes (paysages jaunes).

N. S. : Dans la salle du fond, on découvre des dessins qui évoquent des plans de construction. D’autres, font appel à des agencements totalement abracadabrants, d’un point de vue fonctionnel, comme s’il mettait l’architecture en crise. Et de même, dans tes gouaches, l’élément architectural est sans cesse perturbé, dérangé par l’intrusion du végétal. Quel regard portes sur la ville ? Proposerais-tu l’idée d’une ville nature ?

M. P. : Les dessins de la deuxième salle sont des assemblages de parpaing, que j’utilise pour construire des maisons, des tours, des structures dans lesquels on ne peut ni rentrer ni s’abriter. Prendre le parpaing comme la base d’une construction, et l’employer un peu à contre-usage, c’est-à-dire construire des bâtiments mais qui restent inhabitables, inaccessibles, et dans lesquels ou autour desquels se crée une errance. Avec les gouaches finalement c’est un peu la même chose, la végétation bloque toute entrée possible, c’est un univers dont la logique est l’expansion urbanistique comme organique.
En rapport à l’idée d’une ville nature, je ne sais pas trop ; mais le côté incongru de la ville m’intéresse dans la diversité des formes architecturales. Souvent certains bâtiments cohabitent et n’ont rien à voir d’un point vue esthétique. C’est un mélange des genres, un immeuble moderne à côté d’une vieille maison, ça pose un décalage, c’est toujours surprenant. Ce que je retiens c’est la ville comme structure, comme possibilité d’espaces réalisables qui forment au final une unité.

N. S. : Quels sont tes projets ?

M.P. : J’ai une exposition personnelle à la galerie Miss China en décembre qui sera pour moi l’occasion d’approfondir ma recherche en volume.

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