Anita MOLINERO 

Vues de l'exposition Bouche-moi ce trou, fille de la nuit, Palais de Tokyo, Paris, 2018
Commissariat Yoann Gourmel
Crédit photos André Morin
 
Bouche-moi ce trou 2018
Plaques de polystyrène extrudé, acier, fourrure synthétique
Dimensions variables
Pièce unique
Courtesy Galerie Thomas Bernard / Cortex Athletico
 
Bouche moi ce trou
Dessin : Winschluss
Dialogues : Anita Molinero
 
Un bloc en polystyrène cramé, “météorisant” orange et chaud comme la braise façon Mad Max a traversé les baies vitrées du Palais de Tokyo et s’est dispersé dans l’espace.
 

A block of burnt weathering-like polyfoam, as orange and warm as embers like in Mad Max, passed through the bay windows of Palais de Tokyo and scattered in the space.
 
Déployée dans les airs au-dessus du palier d’honneur du Palais de Tokyo et dans l’espace environnant, l’installation conçue par Anita Molinero se compose d’un ensemble de sculptures en polystyrène brûlé enchaînées les unes aux autres comme les fragments d’une planète fossilisée ou d’un vaisseau spatial à la technologie incertaine. Sur cette scène aérienne aux allures d’apocalypse urbaine de série Z, veille telle une « gardienne » mutique, une sculpture de chaînes et de fourrure.

Depuis plus de trente ans, Anita Molinero explore les fondamentaux de la sculpture : le plein et le vide, la matière et le volume, le poids et la masse, en privilégiant l’énergie irréversible du geste et de l’improvisation. Les objets tirés du quotidien et les matériaux hétéroclites qu’elle récupère (poubelles et mobilier urbain en plastique et en résine, polystyrène, mousses synthétiques, jouets, éléments de voitures, emballages, rebuts divers...) sont travaillés au lance-flamme pour générer des formes variées et proliférantes. Carbonisations et ondulations, béances et boursouflures, effets de cristallisation et de floraison apparaissent ainsi sur les surfaces criardes de ces matériaux ordinaires dans un équilibre tendu entre forme et informe, entre résistance de la matière et expressivité du geste.

La transformation de ces matériaux issus du monde industriel nous plonge dans un univers comparable à celui des films de science-fiction que l’artiste apprécie, non pas tant pour leurs scénarios catastrophes que pour leurs décors et leurs effets spéciaux. Elle parle ainsi de « formes-fictions » pour désigner ses oeuvres mutantes, qui n’offrent toutefois pas plus de résolution narrative qu’elles n’illustrent de commentaires sociaux ou politiques sur la surconsommation ou l’écologie. De fait, c’est bien par l’exhibition de leur état précaire, par leur inventivité formelle, par leur violence parfois obscène, comme par leur humour jubilatoire qu’elles s’imposent comme témoins des tumultes du monde contemporain.
  Deployed in the air, above the landing of Palais de Tokyo’s main staircase and its surrounding space, the installation conceived by Anita Molinero is made up of a large sculpture of burnt polyfoam, a kind of fossilised planet or spaceship with hesitant technology. Like a mute “guardian”, a chained sculpture covered with fur watches over this aerial scene with its urban apocalyptic, Z-movie appearance.

For over thirty years, Anita Molinero has been exploring the fundamentals of sculpture: fullness and emptiness, matter and volume, weight and mass, while focusing on the irreversible energy of gestures and improvisation. Objects taken from everyday life and the heteroclite materials she retrieves (bins and plastic or resin urban furniture, polystyrene, synthetic foams, toys, car parts, packaging, assorted trash...) are worked-on using a flamer to produce varied, proliferating forms. Carbonisations and undulations, gaps and swellings, effects of crystallisation and blossoming thus appear on the shrill surfaces of these ordinary materials, in a tense balance between form and formlessness, between the resistance of the material and the expressiveness of gestures.

The transformation of these materials from the industrial world plunges us into a universe comparable to that of the science-fiction films which the artist enjoys, not so much for their catastrophe scenarios as for their sets and special effects. She thus uses the term “form-fictions” to describe her mutant works. Nor they offer real narrative resolutions neither an illustration of social or political commentaries concerning excessive consumption or ecology. Through the exhibition of their precarious states, through their formal inventiveness, through their sometimes obscene violence as well as their jubilatory humour, they impose themselves as witnesses of the tumult of the modern world.
 
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