Laurent MALONE 

En 1992, dans le cadre de l’Observatoire, Laurent Malone avaient invité Dennis Adams à réaliser dans l’espace de la ville de Marseille, un projet intitulé Port of view. Position singulière pour un artiste, Laurent Malone jouait le rôle de simple intermédiaire entre la ville et son hôte. Il guidait Dennis Adams, l’emmenait sur différents sites que ce dernier photographiait. À partir de cette expérience, Dennis Adams et Laurent Malone ont commencé à s’interroger sur cette position de médiateur qu’ils n’avaient pas alors revendiquée comme part intégrante du processus de travail. Selon un tout autre principe, et cette fois-ci à New York, ils renouvèlent leur collaboration en 1997 avec JFK. Partis de Manhattan, les deux hommes rejoignent en 11 heures de marche l’aéroport de JFK. Il suivent l’itinéraire le plus direct possible et photographient les zones qu’ils traversent, partageant un seul appareil qu’ils se passent alternativement, opposant à chaque cliché de l’un, une photo prise par l’autre, sans réglages, dans la direction opposée. Définir un tel processus sur un tracé devait permettre de dépasser les clivages imposés de l’espace urbain, et de rendre possible une analyse objective de cet espace, tout en laissant une place à l’expression du photographe.
En mars 2001, dans le cadre de LMX étape 2 qu’il présente avec Claire Dehove au Frac Paca, Laurent Malone invite Christine Breton (conservatrice), Elisabeth Dorier Apprill (géographe) et Henrik Sturm (artiste) à organiser dans Marseille trois marches collectives sur un itinéraire et selon une problématique de leur choix. Dans la continuité des deux projets réalisés avec Dennis Adams, ces marches, intitulées transects, ont pour objectif d’initier les participants à une lecture réflexive de l’espace urbain. Initiateur du projet, Laurent Malone reprend délibérément la position discrète de médiateur. Il est simplement celui qui invite à marcher ensemble et à poser un regard sur la ville. Le terme de transect, emprunté à la géographie, désigne une méthode qui consiste à analyser une surface selon un tracé en ligne droite. Parce qu’il lui est apparu que cette méthode s’apparentait instinctivement à sa propre pratique, notamment au principe mis en œuvre dans sa traversée de New York, Laurent Malone a voulu faire se rencontrer approches artistiques et outils scientifiques. À la photographie, se substituent d’autres modes de description et d’interrogation mis en jeu par des discours et des savoirs en prise directe avec les territoires traversés. Sur fond de projet euro-méditerranée, Christine Breton a choisi d’évoquer les enjeux de l’interface ville-port et de montrer, tout en parcourant l’espace portuaire en direction des quartiers nord, comment cette relation s’illustre dans l’histoire et la situation actuelle de ces quartiers, et comment le port détermine l’identité de la ville et le destin de ses habitants. Elisabeth Dorier Apprill et Henrik Sturm ont proposé, dans une première marche, d’explorer les quartiers sud. Il s’agissait pour eux, d’une part, de révéler l’hétérogénéité cachée derrière l’image de quartiers « chics », d’autre part, de mener une réflexion sur la fonctionnalité de l’habitat collectif et sur les pratiques qu’elle induit. Pour la dernière marche, Elisabeth Dorier Apprill et Henrik Sturm ont choisi de remonter le cours de l’Huveaune, petit fleuve traversant ces mêmes quartiers, pour s’interroger sur la gestion de l’eau par la ville de Marseille. Chacune des marches a rassemblé environ une vingtaine de personnes.
En tant qu’élément du dispositif de LMX étape 2, dont ils marquent la contextualisation dans la ville qui l’accueille, les transects sont soumis à un principe d’archivage. Les repérages tournés par Laurent Malone en mini dv constituent la première pièce de l’ensemble des documents qui entourent les transects. Empruntant seul chacun des itinéraires, Laurent Malone expérimente de nouveaux moyens de représenter la marche et l’évolution dans l’espace urbain. Jouant avec le programme 5’’ de sa caméra, il enchaîne une succession de plans fixes, proche de la photographie, étapes contemplatives avec pour seul mouvement le léger tremblement de l’image saisie à main levée. Sur les deux autres parcours, il donne à sa déambulation un point fixe, où décompose en 5’’ le temps de la marche et celui de la visée. Lors des transects, il filme et photographie, attentif aux relations des protagonistes entre eux et au monde qui les entoure.


Sylvain Maestraggi, 2002





Transects 2001
Trois marches collectives documentées à travers Marseille
Photographies Laurent Malone