Marion MAHU 

Des Hectares en Poudre 2003
Vidéo, 18’

Des centaines d’images de catalogues de voyages ont perdu leurs couleurs et ont été juxtaposées pour ce tour du monde en fondu enchaîné où le spectateur qui croit être immobile est témoin du bouleversement géologique et climatique de sa vue préférée.

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La poudre aux yeux
Pour comprendre le paysage du film « des hectares en poudre » – 2004, il faut le regarder fixement, il faut se plonger en lui car ce sont des paysages sans carte mais fabriqués en recyclage de cartes postales (miettes de dépliants touristiques, paysages artificiels d’une nature dégénérée pour tomber dans le panorama, le tourisme est la circulation des images). Marion domestique des images domestiquées. L’image est le lieu de passage entre la contemplation, la lenteur de la vision et l’immersion dans le paysage. On effectue un voyage immobile.
Les images trafiquées, brouillées, la perte de la couleur, l’ajout de grain, l’illusion de photos issues d’une technique primitive de la photographie (nitrate d’argent), la grisaille artificielle qui bruite l’image, tout cela n’est qu’une succession de filtres numériques, de calculs, de retouches pour franchir la frontière du cliché. Le montage séquentiel, le sens de la lecture, comme un interminable fondus présente des paysages qui surgissent lentement comme des palimpsestes. Chaque image cache/étouffe toutes les autres. Elles s’anonyment. L’évolution dans la matière et dans la perception des choses paraît lente et sans rupture. Plus qu’un voyage, il s’agit d’un récit d’espace. L’usage du noir et blanc déréalise le paysage. L’image devient comme une écriture. Il s’opère ainsi une perte de la lisibilité (reconnaissance des lieux évoqués) au profit d’une conscience infuse d’une lente traversée de la représentation.
Luc Jean D’heur