Arnaud MAGUET 

Scénario on the rocks

Le Naufrage de l'Ambassador, une production signée Arnaud Maguet, est née d'une collision entre art et cinéma. De quoi réviser les standards de l'industrie du rêve.
Moteur ! On suit d'abord l'affiche bancale des yeux. Une blonde à la beauté endiablée. Pulpeuse. Poitrine généreuse. Regard pétillant. Chevelure d'ange et lignes harmonieuses. On se laisse tenter par l'idée de se donner de petites frayeurs bien dosées aux côtés de cette splendide et si fatale ouvreuse. S'offrir une séance. Avec naufrage improvisé de préférence. On se noie dans la bande-annonce. Everybody wants to be in Hollywood. Arnaud Maguet vous plonge dans une nouvelle séquence. Et on s'y sent comme un glaçon qui, sous les projecteurs, prendrait lentement la température de l'eau.

On n'est encore rien de plus qu'un modeste spectateur. Gros plan sur les coulisses d'un rêve standardisé. Mise au point sur le décor d'un bonheur en carton-pâte. Plan serré sur ses mécanismes et ses recettes. Version années 60. American Bachelor. Musique d'ambiance? Easy. Comme un Martini bien frappé ? Peut-être.(...) Il semblerait que le spectateur accuse déjà un petit retard sur la séance. Une première vidéo annonce déjà la couleur avec un extrait du film en cours. A moins que ce ne soit du direct ? Tout ce petit monde filmé semble avoir dévié. Les acteurs n'ont plus pied. En sous-titre de la séquence filmée, totalement vacillante on peut lire: "Chérie, je crois que nous avons heurté un glaçon !" Mais vous reprendrez bien un Martini ? Une olive ou deux ? Sur le second écran, on vous sert déjà un bon verre de cocktail ambré. (...)

Sur le troisième moniteur, une autre créature vous tourne la tête et vous achève définitivement. Elle shake les cocktails au bord de la piscine. Chancelante elle aussi. Totalement habitée. La scène est entrecoupée d'un flot de recettes alcoolisées à suivre. 

Le rêve d'un cocktail de mondain d'une autre époque se matérialise au sein de l'exposition. Une exposition qui se lit comme une bande-annonce d'un film catastrophe qu'on veut savourer illico et on the rocks.
On suit le parcours pour se retrouver au cœur d'une projection où les olives dansent somptueusement dans le breuvage. Mais peu à peu, le Martini-olives, servi et resservi à haute dose y perd de sa valeur et finit par ne plus avoir la même saveur. La coupe déborde. Le cocktail sur le yacht à l’air d’avoir totalement déraillé. L’écran s’obstrue peu à peu. D’olives ou de fluides alcoolisés selon les angles et les points de vue. On a perdu de le contrôle des événements. Seul le reflet fantasmé d’un luxe devenu dé suet persiste. Le spectateur court-il à la catastrophe ? Il se précipite vers la sortie de secours. Et dans sa fuite, il se rue finalement au cœur de l’action. Cerné par une caméra et nez à nez avec un wall drawing – « Chérie, je crois que nous avons heurté un glaçon ! » - qui n’est pas sans lui rappeler son entrée dans les coulisses de l’industrie cinématographique, et lui remémorer la charmante ouvreuse de l’entrée. Arrétez le moteur ! Coupez ! FIN !
 
Anaïd Demir
Catalogue Arnaud Maguet, Le Naufrage de l’Ambassador, Villa Arson, Nice, 2003

Le naufrage de l'Ambassador 2003
Affiche

Le naufrage de l'Ambassador 2003
Entrée de l'expositon

Le naufrage de l'Ambassador 2003
Vidéo surveillance des salles de l'expositon

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