Jérémy LAFFON 

 
Épilepsis 2013
Machines, aluminium et piolets, détecteurs de mouvement inversés
Installation in situ
 
 
1er plan : Romain Dumesnil — Psychic forest (White variations)
 
 
 
 
 
 
 
 
La cheminée de Géraldine 2021
Pierre de Vers (molasse sédimentaire), mortier, poska
 
 
 
 
Serpillère 2018
Serpillère cristallisée, cristaux de sel
 
 
 
 
 
 
 
 
Prototype de sculpture pour fuite d’eau 2021
Pierres de sel, panneau LED, fuite d’eau, bassin plexiglas
Installation in situ évolutive
 
 
 
Backstage 2008-2021
Dispositif et installation vidéo multi-écrans, 4:3, couleur, stéréo
 
 
 
 
 
 
 
Pour leur deuxième invitation respective à la galerie de la Scep, les deux artistes sont réunis pour un duo-show. Dès le début du projet, les deux artistes avaient envie de produire des œuvres, d’en installer d’autres qui dialoguent avec l’espace qui les accueille, et d’en activer spécialement pour l’exposition.Le trait d’union serait pour moi à aller chercher du côté de leur manière de fabriquer des pièces fugitives, dans le sens où elles tendent souvent  à échapper aux caractéristiques habituellement associées à une œuvre d’art : sa solidité, sa déplaçabilité, sa durabilité, son immuabilité. Leur exposition “Fugitives” donne lieu à un dialogue subtil entre substances naturelles, petits mécanismes, sons, effluves et objets manufacturés. Les œuvres “Psychic forest (White variations)” de Romain Dumesnil et "Épilepsis" de Jérémy Laffon se côtoient dans la même salle, pourtant “Psychic forest (White variations)” est activée en présence des visiteurs, tandis que “Épilepsis” nécessite l’absence de spectateur pour se mettre à chanter. Ce comportement vis-à-vis de l’absence et du regard du spectateur se retrouve aussi dans la vidéo “Backstage” de Jérémy Laffon qui est la captation d’une performance. Lors d’un festival de musique et de performances où les artistes étaient invités à jouer sur scène, Jérémy Laffon décide de transformer les coulisses en espace scénique et y jonglera durant toute la durée du festival. Il propose de détourner les éléments présents sur place en raquette de tennis de table pour nous jouer une mélodie de l’acharnement. Cette attitude pose la question de l'existence même d’une œuvre, alors qu’elle n’est pas regardée. La pièce “Psychic forest (White variations)” de Romain Dumesnil invoque elle aussi une forme insaisissable, indomptable. Dans la fumée, l’artiste infuse différentes substances psychoactives, utilisées également dans les traitements homéopathiques, mandragore, eau de roche et absinthe, censées influencer le comportement humain en altérant sa vision du monde. Ces substances cohabitent avec les éléments naturels que l’on trouve tout au long de l’exposition : sel, eau, pierre, coquillages, branches, plumes, aluminium. L’exposition se construit autour d’un ensemble de phénomènes physiques et sensoriels, où au-delà de la vue, l’odorat et l'ouïe pourront être sollicitées.  

Romain Dumesnil propose des sculptures en matériaux légers, en mettant en jeu des molécules végétales, des particules de lumière (concentrées dans le laser) et des forces telluriques évoquées par ses matériaux et œuvres (variation des champ magnétique atmosphérique). Au croisement des sciences naturelles et des croyances chamaniques, ses œuvres sont des vecteurs qui peuvent relier directement le spectateur aux énergies intemporelles et forces élémentaires qui l'entourent. Beaucoup d'œuvres de l’exposition font participer l’espace de la galerie comme une composante. L'œuvre “Épilepsis” de Jérémy Laffon génère une détérioration du mur sur lequel il est accroché, tandis que “Prototype de sculpture pour fuite d’eau” s’approprie ce que beaucoup d’entre nous vivent comme un cauchemar, en outil pour sculpter. L’oeuvre “Green stasis” se sert d’un angle de l’espace, et “Backstage” se déploie sur des éléments réemployés présents dans la réserve de la galerie. Dans aucun autre endroit (à part pour les œuvres “Solide” de Romain Dumesnil  et “Serpillère” de Jérémy Laffon) les œuvres de cette exposition ne seront dans la même situation. La "Cheminée de Géraldine" de Jérémy Laffon présente des pierres taillées de manière à ce qu’elles deviennent très fragiles, ainsi, chaque manipulation et transport a de grandes chances de détériorer la pierre, très friable, et continuera à fabriquer la forme de la sculpture. L’algorithme, la répétition, l’aléatoire, la géométrie, sont pour les deux artistes autant de cadres dans leur fonctionnement ou l’improvisation et le hasard ont une place importante. Refusant l’art comme étant un simple objet décoratif, ils s’amusent avec les limites de sa définition et en cela poursuivent la longue tradition qui consiste à rendre sa pratique accessible techniquement et économiquement, à condition d’en avoir la sensibilité et le désir. Ces deux conditions ne sont pas fugitives, elles. 

Diego Bustamante, 2021

 
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