Diego GUGLIERI DON VITO 


Le Second Voyage, carnet de croquis
14,85 cm x 21 cm fermé, recherche en cours

LE SECOND VOYAGE, UN ESCALIER, P21

Il y avait face à moi cet escalier qui descendait vers ce qui me semblait être un sous-sol, un espace de stockage ou des coursives souterraines. Une lumière mauve teintait l’espace sa densité était telle que les marches se perdaient dans cette brume. Sourd et régulier, au fond, face à moi ce signal lumineux s’allumait par intermittence, je le fixais encore une seconde avant d’entamer ma descente. Lorsque mon pied touchait la seconde marche, celui-ci sembla continuer sa course, si bien que j’eus l’impression de m’enfoncer jusqu’au genou. Pourtant, mes deux pieds étaient maintenant sur la marche, immobiles. Il faisait chaud, la chaleur remontait de ma taille jusqu’à mes mâchoires, parcourant ma poitrine, se répandant le long de mes bras jusqu’à mes doigts. Ils vibraient. À tel point que je percevais le son qu’ils émettaient. Un sifflement aigu, ultrasonique.

Essayant de respirer, je m’agrippais à la rampe pour chercher un peu d’air. Le bout de mes doigts hypersensibles en ressentait la moindre aspérité. Elle était comme un boa qui se meut, je pouvais sentir à l’intérieur d’elle ses muscles contractés qui la faisaient avancer. J’étouffais et tentais de fixer le mur adjacent pour retrouver un peu de contenance. Celui-ci était blanc. D’un blanc éclatant, éblouissant. Sa surface était troublée par une myriade de tâches roses, qui s’agitaient dans une danse circulaire. Elles clignotaient, glissant lentement long du mur. Ces symptômes auraient dû m’apparaitre effrayants, mais au contraire, je ne les trouvais pas désagréables. Ils m’enveloppaient tièdement, m’attirant un peu plus en avant vers la suite de mon errance. Je sentais ma cage thoracique fourmillante, je palpitais.


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LE SECOND VOYAGE, CET ESCALIER, P23

J’avais envie de serrer contre moi cet escalier qui me faisait glisser hors de mon corps à cette place qui était maintenant la mienne. Tout en m’agrippant à la rampe, je posais le pied sur la troisième marche. Le choc de la plante de mon pied atteignant la pierre dure de l’escalier provoqua en lui une onde qui le parcourut de bout en bout, soulevant au passage un nuage fuchsia, qui, se répandant à l’intérieur de la pièce, finit par emplir tout son volume.

La lumière du fond clignotait toujours, mais plus lentement maintenant, à la manière d’un phare illuminant les brumes par intermittence. Les raies lumineuses qui fendaient l’éther traçaient dans l’espace des formes géométriques complexes et anguleuses. J’essayais de les caresser du bout de mes doigts, qui, depuis un moment maintenant, étaient fourmillants et hypersensibles. Ces formes qui flottaient dans l’espace irisé de la pièce m’apparaissaient comme les plus belles choses qu’il m’ait été donné de voir, si je souhaitais m’en saisir, c’était davantage pour les comprendre et leur communiquer mon amour que pour les attraper réellement.

Mon cœur battait fort, de plus en plus fort, et les bouffées de chaleur s’intensifiaient, partant de mon plexus jusqu’à mes côtes à la façon d’un agréable courant électrique. Il parcourait l’ensemble de mon être par le biais de mes os et venait se connecter directement à mes mâchoires qui se resserraient avec fermeté. Maintenant que j’y pensais, cela contrastait avec la douceur qui m’environnait de façon saisissante. En réalité, tout se passait bien tant que je me concentrais sur l’extérieur, sur ce fuchsia pâle dans lequel je pouvais maintenant me mouvoir.


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LE SECOND VOYAGE, CET ESCALIER, P23

J’avais envie de serrer contre moi cet escalier qui me faisait glisser hors de mon corps à cette place qui était maintenant la mienne. Tout en m’agrippant à la rampe, je posais le pied sur la troisième marche. Le choc de la plante de mon pied atteignant la pierre dure de l’escalier provoqua en lui une onde qui le parcourut de bout en bout, soulevant au passage un nuage fuchsia, qui, se répandant à l’intérieur de la pièce, finit par emplir tout son volume.

La lumière du fond clignotait toujours, mais plus lentement maintenant, à la manière d’un phare illuminant les brumes par intermittence. Les raies lumineuses qui fendaient l’éther traçaient dans l’espace des formes géométriques complexes et anguleuses. J’essayais de les caresser du bout de mes doigts, qui, depuis un moment maintenant, étaient fourmillants et hypersensibles. Ces formes qui flottaient dans l’espace irisé de la pièce m’apparaissaient comme les plus belles choses qu’il m’ait été donné de voir, si je souhaitais m’en saisir, c’était davantage pour les comprendre et leur communiquer mon amour que pour les attraper réellement.

Mon cœur battait fort, de plus en plus fort, et les bouffées de chaleur s’intensifiaient, partant de mon plexus jusqu’à mes côtes à la façon d’un agréable courant électrique. Il parcourait l’ensemble de mon être par le biais de mes os et venait se connecter directement à mes mâchoires qui se resserraient avec fermeté. Maintenant que j’y pensais, cela contrastait avec la douceur qui m’environnait de façon saisissante. En réalité, tout se passait bien tant que je me concentrais sur l’extérieur, sur ce fuchsia pâle dans lequel je pouvais maintenant me mouvoir.


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LE SECOND VOYAGE, QUATRE MURS BLANCS, P47

Relevant les yeux de ma lecture, je m’apercevais qu’il ne restait dans la pièce que moi et quatre murs blancs. Décontenancé et surpris, je m’approchais de la cloison la plus proche, comme pour m’assurer qu’elle était bien réelle. Je la regardais de près, si elle apparaissait lisse au premier abord, on pouvait en deviner de micros-aspérités distribués de façons régulière et homogène. Je suivais du doigt leur agencement jusqu’à arriver à l’angle de la pièce.

En me retournant pour continuer cette inspection je découvrais que le volume de la pièce avait changé. La lumière était restée la même, le blanc des murs était toujours aussi éclatant, mais les dimensions de la pièce s’étaient étirées dans toutes les directions. Du mobilier d’un gris froid et métallisé meublait maintenant l’espace, de longs plans de travail terminés par des éviers à leurs extrémités. Tout autour de ces surfaces brossées de nombreuses personnes s’activaient à des préparations d’une apparente complexité.


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LE SECOND VOYAGE, QUATRE MURS BLANCS, P47

Relevant les yeux de ma lecture, je m’apercevais qu’il ne restait dans la pièce que moi et quatre murs blancs. Décontenancé et surpris, je m’approchais de la cloison la plus proche, comme pour m’assurer qu’elle était bien réelle. Je la regardais de près, si elle apparaissait lisse au premier abord, on pouvait en deviner de micros-aspérités distribués de façons régulière et homogène. Je suivais du doigt leur agencement jusqu’à arriver à l’angle de la pièce.

En me retournant pour continuer cette inspection je découvrais que le volume de la pièce avait changé. La lumière était restée la même, le blanc des murs était toujours aussi éclatant, mais les dimensions de la pièce s’étaient étirées dans toutes les directions. Du mobilier d’un gris froid et métallisé meublait maintenant l’espace, de longs plans de travail terminés par des éviers à leurs extrémités. Tout autour de ces surfaces brossées de nombreuses personnes s’activaient à des préparations d’une apparente complexité.


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LE SECOND VOYAGE, PEU IMPORTE QUI, P43

Au centre de la pièce, un bureau sommaire, simplement constitué d’un panneau de bois, soutenu par deux tréteaux. Cette surface de travail d’une couleur bois tranchait avec le reste de la pièce. Il y régnait ce désordre du travail en cours, intense et complexe. Des assemblages de toutes tailles, accompagnés d’une multitude de feuillets indiquant des opérations à réaliser sur ces pièces, sans que l’on puisse réellement comprendre quelles seraient les actions à réaliser que préconisaient ces manuels. Aux côtés de ce travail en cours se trouvait un tas de feuilles noircies d’une écriture serrée et raturée. Le bureau étant vide de toute présence, il m’était impossible de savoir si la personne qui occupait habituellement l’espace était l’expéditrice ou la destinatrice de ces lettres.

Piqué de curiosité, je me saisissais de la première page pour en déchiffrer l’écriture. De nombreux passages étaient rayés de ces marques faites par une personne qui écrit comme l’on reprend son souffle.

« J’ai choisi ces objets de manière instinctive, en les laissant exercer sur moi leur pouvoir d’attraction. Au fond, ce qu’ils provoquent en moi dépasse la simple fascination esthétique, c’est une sensation plus simple et plus précise, mais notre langage n’en a pas les mots. Pour t’en parler, je dirais que c’est un sentiment fugace dont la description serait longue.

Une impression de se lever plusieurs matins de suite en éprouvant toujours la même humeur : celle d’avancer depuis un moment déjà sans le savoir. S’en rendre compte soudainement, pas violemment, mais d’un coup, oui d’un seul. Après tout, n’ayant aucune raison de m’arrêter, je poursuis. Il est tôt, le soleil se lève. En regardant autour j’aperçois la brume donner à l’air cette densité qu’ont parfois les attentes trop longues. Je progresse lentement, sans pour autant m’impatienter, car je sais que je peux laisser au jour le temps de s’écouler. Tout autour de moi les couleurs frappent, non par la façon dont on les distingue, mais bel et bien à la manière dont je peux les pénétrer. Cela ne dure pas si longtemps, et pourtant, je le perçois comme une éternité.

Dans ces teintes chaudes et pourpres du jour qui se lève à peine, le temps s’arrête. Je ne m’en rends compte que lorsque tout se tait. Le silence est total. Ni ne me parviennent les sons de l’extérieur, ni ceux de mon propre corps. Le sol perd toute densité, mais c’est sans importance : je me coule dans les nuances autour pour ressentir leurs douces métamorphoses. Elles noient l’espace et se fondent en tout ce qui m’environne, moi comprise.

Il m’est alors impossible de différencier mon corps de ces couleurs et nous progressons ensemble lentement, de manière diffuse dans la totalité de leur espace. Elles et moi sommes cette douceur et laissons pour un temps au monde le reste du monde.»

Peu importe qui était la personne qui avait écrit ces lignes, je me sentais connecté à elle par la similarité des expériences vécues. Cette lettre devait être remise à quelqu’un, sans vraiment savoir pourquoi il m’était important de partager ce témoignage. Cela devenait pour moi une urgence à laquelle je ne pouvais échapper.


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LE SECOND VOYAGE, PEU IMPORTE QUI, P43

Au centre de la pièce, un bureau sommaire, simplement constitué d’un panneau de bois, soutenu par deux tréteaux. Cette surface de travail d’une couleur bois tranchait avec le reste de la pièce. Il y régnait ce désordre du travail en cours, intense et complexe. Des assemblages de toutes tailles, accompagnés d’une multitude de feuillets indiquant des opérations à réaliser sur ces pièces, sans que l’on puisse réellement comprendre quelles seraient les actions à réaliser que préconisaient ces manuels. Aux côtés de ce travail en cours se trouvait un tas de feuilles noircies d’une écriture serrée et raturée. Le bureau étant vide de toute présence, il m’était impossible de savoir si la personne qui occupait habituellement l’espace était l’expéditrice ou la destinatrice de ces lettres.

Piqué de curiosité, je me saisissais de la première page pour en déchiffrer l’écriture. De nombreux passages étaient rayés de ces marques faites par une personne qui écrit comme l’on reprend son souffle.

« J’ai choisi ces objets de manière instinctive, en les laissant exercer sur moi leur pouvoir d’attraction. Au fond, ce qu’ils provoquent en moi dépasse la simple fascination esthétique, c’est une sensation plus simple et plus précise, mais notre langage n’en a pas les mots. Pour t’en parler, je dirais que c’est un sentiment fugace dont la description serait longue.

Une impression de se lever plusieurs matins de suite en éprouvant toujours la même humeur : celle d’avancer depuis un moment déjà sans le savoir. S’en rendre compte soudainement, pas violemment, mais d’un coup, oui d’un seul. Après tout, n’ayant aucune raison de m’arrêter, je poursuis. Il est tôt, le soleil se lève. En regardant autour j’aperçois la brume donner à l’air cette densité qu’ont parfois les attentes trop longues. Je progresse lentement, sans pour autant m’impatienter, car je sais que je peux laisser au jour le temps de s’écouler. Tout autour de moi les couleurs frappent, non par la façon dont on les distingue, mais bel et bien à la manière dont je peux les pénétrer. Cela ne dure pas si longtemps, et pourtant, je le perçois comme une éternité.

Dans ces teintes chaudes et pourpres du jour qui se lève à peine, le temps s’arrête. Je ne m’en rends compte que lorsque tout se tait. Le silence est total. Ni ne me parviennent les sons de l’extérieur, ni ceux de mon propre corps. Le sol perd toute densité, mais c’est sans importance : je me coule dans les nuances autour pour ressentir leurs douces métamorphoses. Elles noient l’espace et se fondent en tout ce qui m’environne, moi comprise.

Il m’est alors impossible de différencier mon corps de ces couleurs et nous progressons ensemble lentement, de manière diffuse dans la totalité de leur espace. Elles et moi sommes cette douceur et laissons pour un temps au monde le reste du monde.»

Peu importe qui était la personne qui avait écrit ces lignes, je me sentais connecté à elle par la similarité des expériences vécues. Cette lettre devait être remise à quelqu’un, sans vraiment savoir pourquoi il m’était important de partager ce témoignage. Cela devenait pour moi une urgence à laquelle je ne pouvais échapper.


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LE SECOND VOYAGE, JE RAYONNAIS, P26

À mesure que j’approchais du signal lumineux, sa couleur m’apparaissait plus précise. Elle était d’un vert pâle, l’un de ceux qu’on ne saurait trancher du bleu. Contre toute attente, ce vert n’était pas froid. C’était un espace enveloppant dans lequel je pouvais avancer, comme un de l’eau au travers d’un siphon. Mes membres ruisselaient jusqu’à cette douce tiédeur avec laquelle je ne faisais qu’un. Les brumes mauves remontaient de ce qui, une minute auparavant, semblait encore être des murs. Je n’aurais pu jurer de rien, l’espace étant complètement distendu. J’avais peur de me retourner, peur de regarder d’où je venais, de crainte de perdre le dernier point qui me restait en repère. À mesure que je m’approchais de ce vert, je le devenais petit à petit.

Je rayonnais, j’irradiais la pièce de tout mon être. Je me sentais bien.

J’étais probablement arrivé au bout de cet escalier, mais à vrai dire cela n’avait plus aucune importance. L’endroit où je me situais dans la pièce ne comptait pas, je pouvais rayonner dans tout son volume. Je luisais plus en avant jusqu’à une porte entrebâillée d’où filtrait une lumière blanche. L’espace, exigu, était balancé par une belle hauteur sous plafond qui donnait une sensation de volume. Il y faisait doux et flottait dans l’air une odeur de bois que l’on vient de travailler. C’était un presque cube aux murs blancs et lisses, au sol de béton brut. La lumière, uniforme, tombait en un blanc neutre du plafond jusqu’au sol. Elle était nette, mais n’avait rien de tranché. Au contraire, elle s’enveloppait délicatement autour de mon être. Cette pièce ne présentait d’autres sorties que l’entrée que j’avais franchie en arrivant.


Le Second Voyage, carnet de croquis 14,85 cm x 21 cm fermé, recherche en cours

 
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